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20% de biogaz en 2030 ? Possible pour le Syndicat des énergies renouvelables
L’envolée du prix du gaz naturel renforce la compétitivité du biogaz, qui représente actuellement moins de 1% de notre consommation nationale. Les opérateurs du gaz vert invitent l’Etat à reconsidérer l’objectif de 7% à l’horizon 2028, en stabilisant le soutien financier et le cadre réglementaire. `
Dans un rapport publié en 2019, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) estimait les coûts de production du biométhane (le biogaz expurgé du CO2) entre 90 et 120 €/MWh, avec un ratio de 40/60 entre investissement et fonctionnement. Fin 2021, sous l’effet d’une envolée généralisée des prix des matières premières, le prix du gaz naturel sur le marché spot européen atteignait les 160 €/MWh. Quelques mois et une guerre en Ukraine plus tard, il dépassait allègrement les 200 €/MWh après avoir oscillé pendant de nombreuses années entre 20 et 30 €/MWh. La guerre n’a pas seulement pointé notre dépendance en gaz naturel : elle a aussi relativisé le prix d’une ressource alternative, renouvelable, stockable et territorialisée qu’est le biogaz, une énergie verte et vertueuse dont l’empreinte carbone (23 q CO2eg/KWh) est dix fois moins élevée que celle du gaz naturel (227 q CO2eg/KWh).
Du gaz vert... et bleu-blanc-rouge
En France, le gaz représente 20% de notre consommation totale d’énergie, couverte à plus de 99% par du gaz naturel et par le biométhane pour 0,92%. Dans quelle mesure et sous quelles conditions le gaz vert et « bleu-blanc-rouge » serait-il susceptible de peser davantage dans la balance ? « Si l’État fait accélérer l’instruction des dossiers en file d’attente par ses services et garantit un dispositif de soutien stable, on connaitra une forte accélération du nombre de nouveaux projets, indique dans un communiqué Jean-Louis, Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Dans ces conditions, les gaz renouvelables peuvent représenter 20% de notre consommation de gaz en 2030 ».
20% : c’est ce qui équivaut grosso modo à notre taux d’approvisionnement en gaz russe (17% selon le Ministère de la Transition écologique). La ressource de biomasse est là : l’Ademe l’estime à 130 millions de tonnes de matières brutes à l’horizon 2030, soit l’équivalent de 56 TWh de biogaz, généré à 90% par des matières agricoles. Un niveau bien supérieur à celui fixé par la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) à l’horizon 2028, compris entre 14 et 22 TWh/an. Toujours selon l’Ademe, les cultures dédiées représenteraient 5% des intrants, loin du seuil réglementaire de 15%.
L’Etat resserre les vannes sur le biométhane
Le facteur limitant est ailleurs : il est précisément dans la PPE, laquelle fixe la trajectoire énergétique de l’Hexagone, conformément à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015. En avril 2020, le décret qui encadre la PPE 2019-2028 a révisé à la baisse les objectifs à l’horizon 2023 : 6 TWh contre 8 TWh prévus. Mais aussi 2028 : à cette date, la production de gaz renouvelable devrait s’établir entre 14 et 22 TWh, ce qui correspondra à 7% notre consommation de gaz, contre 10% prévus initialement.
Pour atteindre ces objectifs à 2028, la PPE a prévu un budget de 9,7 milliards d’euros en soutien à la production de biométhane injecté (6,5 milliards d’euros pour la cogénération), auxquelles s’ajoutent les aides de l’Ademe et d’autres dispositifs. Et c’est précisément pour des motifs budgétaires que l’Etat a resserré le débit de biométhane, notamment en révisant à la baisse les tarifs de rachat de l’injection (novembre 2020), comme il l’avait fait pour la cogénération en 2016. Toujours en 2020, la loi de finances a supprimé l’exonération de la Taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN). Il faut dire la PPE vise une baisse des coûts d’investissement et du prix de revient du biogaz, de l’ordre de 30% environ, afin de réduire le différentiel de prix entre gaz renouvelable et gaz fossile. Mais c'était avant la guerre.
Bientôt les Certificats de production de biogaz
En 2021, la loi Climat et résilience a redonné du baume aux cœur aux acteurs de la filière en instaurant les Certificats de production de biogaz, imposant aux fournisseurs l’incorporation d’un taux minimum de gaz vert dans leur portefeuille. La publication du décret fixant les seuils est imminente. Selon le SER, la fixation d’un premier niveau d’obligation permettrait d’accroitre significativement les niveaux de production dès 2025. Le Syndicat des énergies renouvelables attend par ailleurs le lancement des appels d’offres pour les installations de plus de 300 Nm3/h (environ 25 GWh/an), prévu pour fin 2022.
Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, le ministère de la Transition écologique a fait un geste envers la filière, en relevant de 40% à 60% le niveau de prise en charge des coûts de raccordement aux réseaux de gaz naturel. L’association France Gaz Renouvelables (*) en veut davantage. Au plan financier, elle réclame a minima le maintien de l’enveloppe publique actuelle ainsi qu’une stabilisation tarifaire et viable pour les nouveaux projets, intégrant les coûts induits par les évolutions réglementaires. Et sur ce point précisément, elle demande un cadre réglementaire stable sur des périodes d’au moins cinq ans.
Au-delà des enjeux énergétique, géopolitique et climatique inhérents au biogaz, la filière met aussi en avant les 30.000 emplois directs et indirects escomptés à l’horizon 2027, contre 7000 actuellement.
(*) AAMF, APCA, Biogaz vallée, Coénove, Club Biogaz ATEE, Eiffel gaz vert, FNCCR, FNSEA, France biométhane, GRDF, GRTgaz, Storengy, Swen Capital Partners et Terega.