ZNT riverains : dès le 1er janvier et sans compensation

Le nouvel arrêté régissant l’emploi des pesticides instaure des Zones de non traitement (ZNT) de 20 mètres, 10 mètres ou 5 mètres selon les cas. Sous conditions, celles de 10 mètres et 5 mètres pourront être réduites dans le cadre de chartes d’engagement négociées à l’échelon départemental. Aucune compensation n’est prévue pour les pertes d’exploitation induites par ces nouvelles ZNT.

Une distance de sécurité incompressible de 20 m pour les pesticides considérés comme les plus dangereux, parmi lesquels figurent des produits classés CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques) ainsi que des substances actives considérées comme des perturbateurs endocriniens.

Une distance de 10 m pour le traitement des parties aériennes en arboriculture, en viticulture ou encore pour les arbres et arbustes, les bananiers, le houblon, la forêt, les petits fruits et cultures ornementales de plus de 50 cm de hauteur.

Et enfin une distance de 5 m pour les grandes cultures, le maraichage et autres cultures basses. Telles sont les ZNT riverains fixées dans le nouvel arrêté régissant l'utilisation des produits phytosanitaires. Sa publication est attendue dans les jours à venir. Il entrera en vigueur le 1er janvier 2020. Les cultures annuelles semées avant le 1er janvier 2020 ne seront concernées qu'à compter du 1er juillet 2020, en dehors du cas des substances les plus préoccupantes.

Le nouvel arrêté se substitue à l'arrêté du 4 mai 2017, lequel avait été partiellement annulé par le Conseil d'Etat en date du 26 juin 2019, au motif qu'il n'incluait pas de dispositions concernant la protection des riverains, comme l'impose l'Union européenne. Un manquement que plusieurs associations environnementalistes avaient dénoncé.

ZNT réduites : condition n°1

L'arrêté est conforme aux recommandations scientifiques de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). A un détail près : le projet d'arrêté mis en consultation publique entre le 9 septembre et le 4 octobre (voir encadré) prévoyait une distance de sécurité de 10 m et non de 20 m pour les produits considérés comme les plus dangereux. Cette distance de 20 m est du reste incompressible. A ce stade, la liste des produits concernés n'a pas été dévoilée. Elle le sera bien évidemment dans l'arrêté.

En revanche, les distances de sécurité de 10 m et 5 m pourront être réduites moyennant deux conditions. La première est liée aux technologies embarquées sur les pulvérisateurs. Les matériels les plus performants, c'est à dire capables de réduire des deux tiers (66%) les risques de dérive par rapport aux conditions normales d'application des produits, permettront de réduire les ZNT à 5 m en arboriculture et à 3 m en viticulture ainsi que pour les autres cultures, hors produits dangereux (20 m). Les appareils éligibles à une réduction des ZNT figurent sur une liste publiée au Bulletin officiel du ministère de l'Agriculture et de l'alimentation après avis de l'Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA).

ZNT réduites : condition n°2

Outre le recours à des matériels réduisant les risques de dérive, les réductions de ZNT à 5 m ou 3 m seront conditionnées à la signature de chartes d'engagement à l'échelon départemental. Les chartes en question devront notamment spécifier la caution scientifique des dispositifs anti-dérive, les modalités d'information des résidents ou des personnes présentes, les modalités de dialogue et de conciliation entre les utilisateurs et les habitants concernés. Elles pourront également inclure des délais de prévenance des résidents, des modalités relatives aux dates ou horaires de traitements les plus adaptés ou encore des modalités pratiques d'application des distances de sécurité ou de déploiement de mesures anti-dérive.

Un auto-satisfecit interministériel...

Dans un communiqué, le gouvernement se targue des avancées induites par le nouveau cadre réglementaire, tant pour les agriculteurs que pour les populations riveraines. « Les agriculteurs sont fermement engagés dans la transition agro-écologique et la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaire », déclare Didier Guillaume, ministre de l'Agriculture. « Le dialogue entre agriculteurs et non-agriculteurs est plus que jamais nécessaire. Il doit se construire sur la base d'éléments étayés et argumentés scientifiquement ». Pour Agnès Buzin, ministre des Solidarités et de la santé, « la santé des agriculteurs et des riverains est un bien que nous nous devons de préserver. Il nous faut dès aujourd'hui, et sur la base des données scientifiques, agir et prendre des mesures de précaution pour limiter l'exposition aux produits phytosanitaires ». « Avec ce dispositif, la France se dote d'un cadre national pour la protection des riverains et devient un des premiers pays européens à instaurer de telles mesures », déclare de son côté Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire.

Un auto-satisfecit qui peine à infuser au-delà des sphères ministérielles.

... qui ne satisfait personne

Du côté des ONG, Générations Futures juge que les riverains ne seront toujours pas protégés des dangers des pesticides et informés des produits auxquels ils sont exposés. « Il y a là un mépris flagrant des familles exposées et qui ne peuvent se protéger des dangers des pesticides », déclare dans un communiqué François Veillerette, directeur de l'association. « Et ce n'est pas les pseudos-chartes déjà signées dans certains départements qui amélioreront les situations locales. Nous allons étudier avec notre avocat toutes les possibilités de recours et s'il faut à nouveau en passer par la justice pour obtenir gain de cause nous n'hésiterons pas à le faire ».

De leur côté, la FNSEA et les JA ne retrouvent pas dans le texte la bienveillance dont semblait témoigner le gouvernement à l'égard du Contrat de solutions ou encore des chartes départementales. « En instaurant, dans certaines situations, des distances de sécurité incompressibles, quelles que soient les pratiques et les mesures de protection, le gouvernement laisse la place à l'idéologie et abandonne de nombreux agriculteurs sans aucune solution », font savoir les deux syndicats dans un communiqué. « En imposant sans attendre la mise en œuvre des chartes, une application immédiate de l'arrêté, pour toutes les cultures pérennes (arboriculture, viticulture...) et les cultures de printemps, le gouvernement tient une position inverse à notre volonté de dialogue et de solutions locales. Une fois de plus, ce sont les agriculteurs qui vont en subir seuls les conséquences. Et que dire du fait que personne ne fasse mention de la compensation des pertes que subiront nécessairement les agriculteurs avec le retrait de surface de leur exploitation ? ».

25 millions d'euros d'aide... à l'investissement

L'incidence des ZNT sur la perte d'exploitation, et accessoirement sur la gestion différenciée des zones concernées, est totalement occultée par les pouvoirs publics. Ces derniers mettent néanmoins dans la balance 25 millions d'euros destinés, en autres, à soutenir l'investissement dans des matériels à la précision d'application plus aboutie, telle que la garantira par exemple, dans le secteur de la viticulture, la certification LabelPulve. Une logique combattue par la Confédération paysanne. « Plutôt qu'aider aux investissements sur les pulvérisateurs, le gouvernement devrait donner les moyens aux paysans et aux paysannes d'assurer une transition agro-écologique des systèmes de production », plaide le syndicat dans un communiqué. « La meilleure manière de protéger la santé des paysans.nes et de la population en général est de permettre au monde agricole de s'affranchir des pesticides ».

Le gouvernement va par ailleurs mobiliser 14 millions d'euros pour améliorer le niveau de connaissance scientifique sur l'exposition des riverains aux produits phytosanitaires. « En complément des études épidémiologiques en cours, une étude sur 4 ans sur l'exposition aux produits phytosanitaires couplée à des mesures environnementales dans l'air (intérieur et extérieur) et dans les lieux de vie chez les riverains de zone agricole sera lancée en 2020 par l'Anses et Santé Publique France », précise le communiqué co-signé par les ministres chargés de l'environnement, de la santé et de l'agriculture.

Lieux publics sensibles et urbanisme

Les conditions d'application des produits phytosanitaires à proximité des « lieux publics sensibles » pourraient par ailleurs être durcies. Sous l'effet de la la loi d'Avenir pour l'agriculture, l'alimentation et de la forêt du 13 octobre 2014, ces zones font déjà l'objet d'arrêtés préfectoraux destinés à renforcer la protection des lieux fréquentés par des personnes vulnérables, tels les aires de jeu destinées aux enfants en bas âge, les établissements de santé, les maisons de retraite et les espaces de loisirs ouverts au public. « Les ministres chargés de l'environnement, de la santé et de l'agriculture vont demander début 2020 aux préfets d'adapter les arrêtés préfectoraux pris en déclinaison de la loi du 13 octobre 2014 pour renforcer la protection des personnes vulnérables en imposant des mesures plus strictes à proximité des établissements accueillant ces personnes, et en cohérence avec le dispositif « riverains » », indique toujours le même communiqué.

Les trois ministères évoquent enfin de nouvelles dispositions en matière d'urbanisme « afin de mettre rapidement en œuvre un mécanisme qui limite l'exposition des habitants des nouvelles constructions ».

Comme quoi, soit dit en passant, l'artificialisation des terres agricoles, en dépit des annonces, a sans doute encore de beaux jours (sans phytos) devant elle....

Pour en savoir plus : ZNT : de A comme AMM à Z comme Zone non traitée