MHE : un risque de réactivation et d’extension à tout le pays cet été

C’est ce que prédit l’Anses à propos de la maladie hémorragique épizootique (MHE), une maladie virale apparue dans le sud-ouest en octobre dernier, transmise par des moucherons, favorisée par le changement climatique, induisant une mortalité des bovins affectés de l’ordre de 1%. Des candidats vaccins sont à l'étude.

En date du 2 mai, le ministère de l’Agriculture recense 4293 foyers de MHE, concentrés le long de la chaine des Pyrénées mais présents aussi dans le Morbihan, en Corrèze ou encore en Haute-Vienne. En début d’année, le gouvernement a mis en place un dispositif d’indemnisation pour les éleveurs touchés en 2023 ainsi qu’un mécanismes de prise en charge des cotisations sociales pour les plus en difficulté. Non transmissible aux humains, la MHE est transmise par des moucherons Culicoïdes, actuellement à l'état d'oeufs ou de larves, décrit Stéphan Zientara, directeur du laboratoire de santé animale de l’Anses. 

Il n'y a quasiment plus de cas de MHE recensés dans les élevages français. Le virus est-il encore présent sur le territoire et va-t-il se réactiver ?

Stéphan Zientara : L'hypothèse la plus probable, c'est que le virus est encore présent chez des bovins, des moutons ou des cervidés infectés, qui restent virémiques assez longtemps [sans présenter de symptômes, NDR]. Quand ces hôtes seront piqués par des moucherons Culicoïdes, cela fera repartir le cycle. Ces moucherons ne sont pas actifs quand il fait froid. Ils sont actuellement sous forme d'oeufs ou de larves. Pour qu'ils éclosent, il faut en gros des températures supérieures à dix degrés plusieurs jours de suite. La population de moucherons va tout doucement se mettre à augmenter. Il faut aussi que le virus se multiplie dans ces populations. Toute une dynamique d'amplification est nécessaire avant les infections de mammifères et les premières manifestations cliniques. On s'attend à voir les premiers cas à l'été parce qu'il faut plusieurs semaines pour que tout le système se mette en marche. Et on s'attend à ce que ça reparte à partir du cœur de l'endroit le plus infecté, donc le sud-ouest, et que ça continue à s'étendre dans le pays. 

MHE : les signes cliniques

Les signes cliniques de la MHE sont très proches de ceux de la fièvre catarrhale ovine et se manifestent principalement chez les bovins et les cervidés. La maladie se traduit notamment par de la fièvre, des ulcérations du mufle, du jetage (nez qui coule) et des boiteries. Les moutons, les chèvres et les camélidés sont réceptifs au virus (c’est-à-dire qu’ils peuvent s’infecter), mais ne présentent pas de signes cliniques (c’est-à-dire qu’ils ne sont pas malades).

Qu'avez-vous appris sur la maladie depuis les premiers cas français ?

Stéphan Zientara : Personne n'avait jamais imaginé avoir la situation qu'on vit aujourd'hui, que cette infection - qu'on trouve plutôt dans les pays chauds - pouvait se disséminer en Europe d'une part, de façon aussi rapide et intense d'autre part. Cela a pris tout le monde de court. Avec le réchauffement climatique, on a des conditions favorables à l'augmentation des populations de moucherons mais aussi à l'augmentation du virus au sein de ces populations de vecteurs. Les conséquences ne sont pas uniformes d'un foyer à l'autre. Cela dépend de la proportion d'animaux qui ont été piqués par ces moucherons. Certains sont restés asymptomatiques. Chez les autres, il y a eu des atteintes sévères : les animaux ne mangeaient plus, ne produisaient plus de lait. La mortalité a été relativement faible. Moins de 1% des animaux infectés sont décédés. La plupart du temps, les animaux recouvraient un état général satisfaisant après quelques semaines. Ce qui est surprenant, c'est qu'on a eu peu de cas chez les cervidés.

Où en est la recherche d'un vaccin ?

Stéphan Zientara : Un vaccin contre le sérotype 2 du virus existe au Japon mais il ne fonctionne pas sur le sérotype 8 qui est présent en Europe. Des laboratoires en Espagne, en France, en Italie travaillent sur des candidats vaccins. Un tas d'étapes sont nécessaires avant d'avoir un produit commercialisé. Il faut évaluer leur innocuité et leur efficacité. Une mise sur le marché dans l'année est possible.