Agriculture bio de conservation des sols : des solutions concrètes pour gérer l’enherbement

En agriculture bio de conservation des sols (ABC), la gestion de l’enherbement repose notamment sur les enchaînements et associations de cultures. Des essais concrets menés en Vendée et dans les Hauts de France ont permis d’établir des itinéraires qui fonctionnent.

À l’occasion du salon bio La terre est notre métier, organisé à Retiers en Bretagne les 21 et 22 septembre, une conférence était dédiée à l’agriculture biologique de conservation des sols. Pour parler de ce type d’itinéraire cultural relativement récent, les intervenants avaient pris le parti de présenter des résultats concrets obtenus sur le terrain. En Vendée, un financement Ecophyto a notamment permis de recueillir et d’agréger a posteriori les résultats d’expérimentations menées de manière personnelle par une vingtaine d’agriculteurs sur leurs exploitations. Pour Samuel Oheix, animateur grandes cultures au Gab Vendée, un premier constat se dégage de ce travail. « La réussite est plus évidente en système de polyculture-élevage. La prairie est un très bon outil pour gérer le salissement et les cultures courantes, type triticale/pois, n’ont bien souvent pas besoin d’être désherbées », évalue-t-il. Il évoque également la possibilité de valoriser une culture ratée en fourrage, ou encore la facilité de désherbage mécanique après une culture sans résidus, type ensilage de maïs.

Prairie de trèfle violet et ray grass avec un peu de lotier

Trouver les bonnes associations de cultures

Faute de désherbant de synthèse, la gestion de l’enherbement et de la concurrence est l’une des principales problématiques que rencontrent les exploitants bio en agriculture de conservation des sols. Lors de la conférence, Noëlie Delattre, de Bio Hauts de France, présentait des associations de cultures testées chez des agriculteurs de la région dans le cadre du projet ABAC 1* pour maîtriser l’enherbement des parcelles. L’une d’entre elles est l’implantation de luzerne dans l’inter-rang du blé pour assurer un couvert permanent de la parcelle. « C’est un test encore en cours. L’agriculteur utilise un outil conçu par la société Eco-Mulch qui peut être utilisé sur l’inter-rang en binage ou en broyage pour gérer la luzerne », précise-t-elle. Lors de la première année d’expérimentation, la luzerne a été implantée trop près du rang du fait d’une barre de guidage trop peu précise mais l’essai suit son cours.

En Vendée, ce sont des prairies ou inter-cultures de trèfle implantées dans des céréales qui ont été testées et approuvées. « L’implantation se fait soit en février/mars à la volée avec une herse étrille, soit à l’automne avec le semoir en ligne », rapporte Samuel Oheix. Dans cette configuration, le trèfle violet est calmé avec un outil à dent ou à disque et seuls les épis du blé sont récoltés. « L’essai mené a permis d’obtenir 31 q/ha de blé dur. C’est moins que chez les voisins, mais l’agriculteur a également récolté 2,5 t/ha de trèfle en août et 3 t/ha en septembre », précise l’animateur vendéen.

L’une des exploitations vendéennes a également testé un mélange plus original de colza/sarrasin/trèfle semé en juin. Si la technique n’est pas complètement validée, l’animateur du Gab la qualifie tout de même « d’intéressante à tester ». En 2020, elle a permis d’obtenir un potentiel de colza de 15 à 20 q/ha, bien que la culture a finalement été ensilée face au printemps sec et au manque de fourrage. Cette même année, le rendement de sarrasin s’est chiffré à 8 q/ha et celui du trèfle à 5 t MS/ha. L’essai renouvelé en 2021 avec du colza fourrager offrait aux exploitants la possibilité de prévoir un semis à suivre de maïs sans labour. Samuel Oheix met en garde sur une densité de sarrasin trop importante qui prendrait le dessus sur le colza.

Sarrasin au 19 août 2020.

Les corridors solaires à l’horizon

Dans les Hauts de France comme en Vendée, des inter-rangs en maïs de 1,5 m ont été testés pour permettre le développement optimal du couvert entre les rangs. « Cette technique est utilisée au Canada. Elle offre l’avantage d’obtenir un couvert déjà implanté après le maïs et de permettre une bonne portance du sol lors de la récolte », énumère Noëlie Delattre. En Vendée, le maïs en corridor solaire est semé en deux rangs espacés de 5 cm puis un inter-rang de 1,5 m. « En zone grande culture dans le Sud-Vendée, nous avons obtenu les mêmes résultats qu’avec une implantation classique. Dans le bocage, nous avons observé une baisse des rendements de 30%. Il faut continuer les essais », relève Samuel Oheix.

Enchaîner les cultures pour gérer l’enherbement

Que ce soit dans les Haut de France ou en Vendée, le semis de maïs dans un couvert fait partie des essais pratiqués sur le terrain. « Nous avons un agriculteur qui a modifié une fraise pour créer un effet strip-till afin d’implanter son maïs dans un couvert de trèfle. C’est assez aléatoire selon les conditions, mais avec un printemps pluvieux et un trèfle blanc, il a obtenu de bons résultats », relate Noëlie Delattre. En Vendée, l’essai a été réalisé via une implantation de maïs dans un couvert de féverole pure avec un orbis de Roll’n’Sem. « Ça fonctionne car la féverole n’est pas très concurrentielle, mais le problème c’est qu’elle n’est pas non plus concurrentielle avec les adventices », constate Samuel Oheix.

Gérer la fin d’une prairie

Si la prairie représente un outil indispensable pour nettoyer une parcelle sale, la transition avec la culture à suivre avec le moins de travail du sol possible peut s’avérer délicate. Dans le nord de la France, le projet ABAC a testé une implantation de sarrasin dans une prairie afin de l’étouffer sans pour autant la détruire. Le semis s’est déroulé avec un ou deux passages en dyna-drive au préalable sur la prairie selon les modalités, suivi d’un semis à l’Easy-drill. Il a permis d’obtenir en deuxième année un blé à 30 q/ha avec un redémarrage du trèfle dans la culture, ce qui était l’objectif de l’agriculteur.

Dyna drive

Toujours dans le cadre du projet ABAC, un essai d’agriculture de régénération sur la gestion des repousses de luzerne sans charrue a obtenu de bons résultats. La préparation du sol avec un rotavator a permis d’obtenir les mêmes rendements sur un triticale/pois qu’avec un déchaumage. En deuxième année, une explosion de ray-grass a pu être maîtrisée avec le rotavator, moins avec le déchaumeur. L’implantation du pois-chiche en troisième année dans le trèfle toujours présent n’a malheureusement pas pu être évaluée suite à une attaque de mouche.

En Vendée, des expérimentations concluantes ont permis d’élaborer une méthode pour fatiguer les vieilles prairies avant leur destruction. « Un semis en dérobé d’avoine/radis ou de triticale/avoine/vesce permet d’obtenir un gain de fourrage et de fatiguer la prairie », commente Samuel Oheix. Plus la prairie est vieille, plus elle laisse d’espace et plus la technique est efficace. La prairie est ensuite détruite au rotavator ou à la fraise au printemps, puis la parcelle est reprise au cultivateur. « Il faut ensuite attendre 3 semaines pour que les débris végétaux se dégradent puis semer avec un passage de herse rotative », décrit l’animateur vendéen.

Après le passage de la fraise, photo prise le 21 avril 2021.

* Projet mené de 2019 à 2023 par Bio Hauts de France, l’Apad 62 et la Fredon Hauts de France dans le but de réduire l’utilisation de désherbant en agriculture de conservation et de réduire le travail du sol en agriculture biologique.