Après 400 ans d’histoire, le foin de Crau s’interroge sur son avenir

Après une perte de production de 30% l’an passé, consécutive à des restrictions d’irrigation, le Comité du foin de Crau s’interroge sur son avenir à la veille d’une saison mal engagée sur le front hydraulique.

« Le barrage de Serre-Ponçon est six mètres en-dessous de sa cote maximale, ce qui n’augure rien de bon pour la saison à venir », affirme Didier Tronc, directeur du Comité du foin de Crau. Plus grand lac artificiel d’Europe, Serre-Ponçon (Hautes-Alpes) réserve 200 millions de ses 1,27 milliard de m3 d’eau à l’agriculture, une quantité mobilisable entre le 1er juillet et le 30 septembre, et dont profite notamment les producteurs de foin de Crau (Bouches-du-Rhône).

« L’an passé, les restrictions d’irrigation ont entamé la production d’environ 30% », poursuit Didier Tronc, qui redoute un scénario identique cette année, alors que l’hiver en cours connaît, à l’échelle nationale, un épisode de sécheresse aussi inédit que critique.

Le lac de Serre-Ponçon au niveau du pont de Savines-Le-Lac à la mi-février 2023 (Crédit photo : Comité du Foin de la Crau)
Le lac de Serre-Ponçon au niveau du pont de Savines-Le-Lac à la mi-février 2023 (Crédit photo : Comité du Foin de la Crau)

Un risque existentiel

Située 250 km en aval du lac, la plaine de le Crau réserve un quart de sa SAU, soit 13.500 ha à la production de foin, dont les deux tiers bénéficient de l’AOP Foin de la Crau, seule et unique AOC dans le domaine des fourrages, acquise en 1997. L’irrigation, encadrée dans le cahier des charges, est un élément intangible de la production, tant en quantité qu’en qualité. « Depuis le XVIème siècle, des canaux amènent l’eau de la Durance et ses alluvions dans la plaine de la Crau, indique Didier Tronc. Sur les terres irriguées, les limons déposés créent peu à peu un sol alluvionnaire riche en minéraux et en oligo-éléments, qui sont une des éléments de la qualité de notre foin ». Le Foin de la Crau, dépourvu de poussière, est très apprécié des équins ou encore des AOP laitières laitières des Alpes.

Les efforts de sobriété, que le Comité affirme avoir entrepris de longue date, ne suffiront pas pour juguler les tensions s’exacerbant autour de la ressource en eau. « Nous aimerions a minima être associés aux discussions qui entérinent les mesures de restriction », explique Didier Tronc. « On ne va pas arrêter une histoire de plus de 400 ans », veut-il croire.