Atelier Courtadon : de la pierre à la dentelle

Nous sommes allés à la rencontre de Thierry Courtadon, tailleur de pierre de Volvic, qui repousse les limites de cette matière depuis plus de 30 ans.

Sphères lisses, drapés légers, dentelle de lettres... les sculptures en pierre de lave, tout droit sorties de l'imaginaire de Thierry Courtadon, laissent rarement indifférent. Considéré par beaucoup comme un véritable artiste, il se définit plus volontiers comme un "pierreux", amoureux de la roche noire et passionné d'innovation, toujours à la recherche du prochain défi technique. « Aujourd'hui, je me sens capable de réaliser tout ce dont je rêve » se réjouit l'homme de 54 ans, qui n'en finit pas de s'épanouir dans le seul métier qu'il ait jamais connu.  

" Ma seule frustration est de ne pas avoir assez d'une vie pour tout faire. "

 

Une histoire de famille

La sculpture de la pierre de Volvic est une histoire de famille chez les Courtadon. « Je baigne dedans depuis que je suis en âge de marcher ». À l'époque, le grand-père puis le père de Thierry créent et restaurent des monuments funéraires et éléments d'églises – un type de commande qu'aujourd'hui encore l'atelier Courtadon honore régulièrement.

« Le savoir académique est à la base de tout ! » estime le pierreux. Après des études dans une école des Beaux-Arts à Lyon, il regagne son Puy-de-Dôme natal pour y poursuivre le travail de ses aïeuls, tout en apportant sa touche artistique et entrepreneuriale. En parallèle des commandes traditionnelles, il confectionne ses premières pièces originales.

 

Jeux de contrastes

Très tôt, l'homme voit dans la trachyandésite (nom scientifique donné à la roche volcanique) un vaste terrain de jeu, d'expression, et surtout de recherche. « Sa structure dure et très homogène permet de réaliser de véritables prouesses techniques » affirme le sculpteur. Si l'idée d'une œuvre peut jaillir en l'espace d'un instant dans son esprit, la période d'expérimentation et de taille peuvent durer jusqu'à plusieurs mois. L'objectif de ses productions : provoquer l'émotion chez celui qui les observe, en jouant sur les contrastes d'ombres et de lumières, de vides et de pleins. 

" J'aime apporter à cette matière funéraire brute un aspect léger, mobile, parfois même transparent ."

L'échelle souvent monumentale des sculptures finit de décupler leur impact. Elle suffit parfois même à sublimer les mécanismes les plus ordinaires, tels qu'une chaîne de vélo – comme celle exposée à Vulcania à l'occasion du Tour de France – ou encore une fermeture éclair – en projet pour être érigée sur la butte du Calvaire de Châtel-Guyon. Devenus géants de pierre, les objets apparaissent alors dans toute leur ingéniosité et leur poésie. 

Rien d'étonnant à ce que le sculpteur ait été choisi comme ambassadeur de l’ensemble tectonique Chaîne des puys / Faille de Limagne, inscrit à l'UNESCO depuis 2018. « En transformant la pierre de Volvic en dentelle, je pense avoir participé à changer son image. » 

 

Une notoriété grandissante

Au fil du temps et des coups de maillet, les exploits du tailleur trouvent un écho auprès des amateurs de patrimoine et d'art. L'Atelier répond désormais à des commanditaires venus du monde entier (Émirats, USA, Europe). « Il y a 20 ans, certaines personnes trouvaient mes mains laides, abîmées. Depuis que mon travail a gagné en notoriété, elles se sont mises à les regarder différemment, et même, à les complimenter » rapporte Thierry Courtadon, qui s'amuse de ce renversement de situation. 

"La crédibilité qu'on m'accorde aujourd'hui m'apporte un véritable confort : celui de ne plus avoir à me justifier, même pour des pièces d'apparence "simple" ."

À ce jour, l'artiste et chef d'entreprise est entouré de sept employés, qui l'aident dans la réalisation des commandes, allant du pinacle d'Église au lavabo design, en passant par divers objets dédiés aux arts de la table.

 

Émaillage

Jamais à court de projets, l'Atelier va prochainement se lancer dans l'émaillage, afin d'étoffer sa gamme "Arts de la table". Cette technique consiste à recouvrir la pierre d'une couche de pigments cuits à 960 °C, pour la colorer et lui donner un fini vitreux. « Nous venons d'acheter trois fours » annonce Thierry Courtadon, impatient de repousser les limites de ce savoir-faire ancestral, habituellement appliqué à des surfaces planes (carreaux, plateaux de tables...). « L'idée serait d'émailler des volumes, en utilisant une gamme de couleurs allant du gris clair au gris foncé, en cohérence avec la teinte naturelle de la pierre. En jouant avec les textures, j'espère retranscrire la sensation de fusion de la matière ». Preuve s'il en est que la flamme d'une passion peut continuer de briller comme au premier jour, même après plus de 50 ans !