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Baisse programmée de la collecte Lactalis : les éleveurs furibonds, le ministère au soutien
La FNPL dénonce un « lâchage sans scrupule » tandis que la Confédération paysanne évoque un « scandale », après que Lactalis ait annoncé son intention de réduire d'ici à 2030 de près de 9% sa collecte de lait destinée à l’export.
« Une déflagration » : c’est ainsi qu’Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, a qualifié le 26 septembre sur l’antenne de Franceinfo l’annonce de Lactalis faite la veille au soir. Dans un communiqué, le groupe laitier a fait connaître son intention de réduire « de l’ordre de 450 millions de litres » sa collecte annuelle « de quelque 5,1 milliards de litres » de lait d’excédent auprès des éleveurs français, précisant que la réduction des volumes serait « progressive entre 2024 et 2030 ». « Quand vous êtes collectés par le numéro un mondial, vous avez le sentiment que vous êtes avec quelqu’un de solide et pourtant il y a des marchés mondiaux », a déclaré Arnaud Rousseau, précisant que Lactalis avait, au printemps dernier, « laissé entendre qu’il y avait des difficultés sur la part du marché qui est exporté, ce qui représente à peu près un tiers de ses volumes ».
Le président de la FNSEA a dit qu’il était encore trop tôt pour évaluer l’impact sur les producteurs, estimant que l’enjeu, « pour ceux qui veulent de continuer à produire, était qu’ils trouvent une structure qui continue à leur collecter le lait. C’est ça tout l’enjeu pour continuer à créer de la valeur et installer en France ».
La première étape de réduction porte sur 320 millions de litres et touchera surtout les zones Est et sud Pays de Loire d'ici 2026 (soit 160 millions de litres de lait) ainsi que le non renouvellement d'un contrat avec une coopérative à horizon 2030 (160 millions de litres de lait), précise le communiqué sans indiquer quelle sera la coopérative concernée. Lactalis estime nécessaire « de se recentrer sur les produits de grande consommation français, mieux valorisés car moins sujets aux aléas des marchés mondiaux (…) C'est aujourd'hui une décision difficile pour nous qui étions toujours parvenus à collecter les surplus de lait en France et à les valoriser à l'international », précise le groupe.
La FNPL dénonce une « lâchage sans scrupule » et réclame du temps
Ce n’est pas exactement l’analyse de la FNPL, l’association spécialisée de la FNSEA. « Le géant mondial proposera encore davantage aux consommateurs français de produits à base de lait importé, après avoir détricoté la réglementation sur l’étiquetage de l’origine. Lactalis n’a donc pas plus de considération pour les producteurs qu’il collecte que pour les consommateurs en attente de produits français ». La FNPL entend ne pas « laisser passer de telles décisions » et appelle l’Etat à prendre « toutes ses responsabilités », tout en réclamant à l’industriel un délai plus long pour « identifier des alternatives », accusant le géant de « lâcher sans scrupule » les producteurs et de « s’attaquer à la pérennité de la filière laitière et à la souveraineté alimentaires française ».
La nouvelle ministre « aux côtés des producteurs »
En outre, la FNPL craint que la décision de Lactalis ne fasse tache d’huile auprès d’autres opérateurs, évoquant le litige persistant entre Savencia et l’association d’organisations de producteurs Sunlait, l’industriel ayant dénoncé en 2022 le contrat-cadre qui le lié aux producteurs dans un contexte de conflit judiciaire sur la détermination du prix du lait. « Il est nécessaire que tous, à l’amont et à l’aval, unissent leurs efforts et leur volonté pour défendre notre capital productif alimentaire, dans la filière laitière comme dans les autres, a réagi dans un communiqué Annie Genevard, la nouvelle ministre de l’Agriculture, qui a reçu aujourd’hui même les représentants de la FNPL, se disant « aux côtés des producteurs pour maintenir une activité laitière dans les élevages concernés. Ce sera ma priorité. J’attends de nos leaders industriels le même engagement et la même ambition pour la production alimentaire française ».
La Conf’ dénonce un « scandale » et exige une régulation publique des marchés
La réaction de la Confédération paysanne n’est pas moins virulente que celle de la FNPL. « Cette diminution de la collecte sert à éliminer des producteurs et à faire pression sur celles et ceux qui restent, dénonce-t-elle dans un communiqué. La peur d’une cessation de collecte empêche les revendications légitimes pour améliorer le revenu des éleveurs ». La Conf’ évoque un « énième tour de passe-passe pour écrémer davantage les éleveurs laitiers français tout en produisant dans d’autres pays aux conditions fiscales et sociales avantageuses (…) Quid des marges et des valorisations que Lactalis réalise sur les différents segments du marché laitier ? Quid de la poursuite des importations de Lactalis en France » ?
Le syndicat réclame une régulation publique et collective des volumes de nature à garantir des prix rémunérateurs et une répartition des volumes dans les bassins laitiers. Dénonçant une rupture unilatérale de contrats laitiers, la Conf’ annonce qu’elle va saisir le médiateur des relations commerciales « Aucun éleveur, aucune éleveuse ne doit rester sur le carreau ».