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Après la « déflagration » Lactalis, le jour d’après, en attendant le(s) coup(s) d’après
Après la décision du géant laitier de réduire sa collecte de 8,8% d’ici à 2030, la FNPL met en demeure l’industriel d’accompagner les éleveurs victimes de son « plan social » et les autres industriels de jouer « collectif », pour ne perdre aucun éleveur, ne pas dégrader le mix produit et conserver le potentiel laitier national, sur fond de demande et de prix soutenus.
« On n’a jamais vu un plan social ciblant individuellement des gens avant l’annonce même du plan social et la recherche de solutions collectives ». Presque une semaine après l’annonce, par Lactalis, de son intention de réduire de 8,8% d’ici à 2030 sa collecte de lait destinée à l’export, motivée par le recentrage sur les produits de grande consommation français, « mieux valorisés car moins sujets aux aléas des marchés mondiaux », et qualifiée de « déflagration » par le président de la FNSEA, Yohann Barbe, président de la FNPL, n’en revient toujours pas de la « brutalité » et du caractère « inhumain » des méthodes du géant laitier.
Quelque 150 éleveurs de l’Est de la France et à peu près autant en Vendée ont reçu un coup de fil de leur collecteur leur annonçant qu’ils allaient recevoir, dans les deux mois à suivre, un recommandé les informant de la fin de leur relation contractuelle 12 mois plus tard. « On aimerait avoir la liste des producteurs concernés afin que la MSA et nos fédérations départementales puissent se rapprocher d’eux, notamment ceux qui ne sont pas bien économiquement, poursuit Yohann Barbe. Lactalis nous oppose un refus pour cause de RGDP. Mais quand tous les éleveurs ont été appelés, il n’y a plus de RGPD qui tienne, c’est une brutalité supplémentaire », s’insurge l'éleveur, qui n'est pas prêt d’oublier que le matin même précédent l’annonce, Lactalis leur parlait de décarbonation de la filière dans le cadre de la démarche RSE de l’entreprise. « On parle de RSE le matin et l’après-midi, on appuie sur le bouton. C’est quoi la RSE ? ». « Les producteurs sont désemparés, rencherit Stéphane Joandel, secrétaire général de la FNPL. On a le cas d‘un éleveur en Haute-Saône que Lactalis a accompagné l’an passé dans l’installation d’un deuxième robot avec des promesses de volumes et aujourd’hui, on lui dit : « le 1er janvier 2026, je ne collecte plus votre lait » ».
Les bio pas épargnés, les jeunes installés non plus ?
Autre cas dans les Vosges, où un éleveur a été averti de la future dénonciation de son contrat, alors qu’il exploite à moins de 30 km de l’usine Lactalis de Corcieux, « qui importe massivement de la crème. Cette usine peut absorber le lait vosgien », soutien Yohann Barbe. Selon la FNPL, le « plan social » n’épargne pas les éleveurs bio, qui bénéficient cependant d’un préavis de 24 mois, avec là aussi des exemples de promesses d’engagement, « avec notification contractuelle », précise le président de la FNPL. Le syndicat redoute que Lactalis n’ait « appuyé sur el bouton » à l’encontre de jeunes installés, en dépit de la protection de contractualisation dont ils bénéficient pendant 7 ans.
Deux mois pour se retourner, collectivement
La FNPL veut mettre à profit les deux mois à venir - le temps de la négociation entre Lactalis et L’Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis (Unell) - pour, « collectivement », jauger l’intérêt des différents opérateurs pour les 160 millions de litres de lait que Lactalis ne collectera plus à compter du 1er janvier 2026, dans l’Est et en Vendée. « Certains acteurs lèvent le doigt, mais pas tous, et ce qu’on leur demande, c’est de se concerter, pour ne laisser aucun éleveur sur le carreau », insiste Yohann Barbe. Le problème, c’est que certains outils sont saturés en PGC France, comme c’ests le cas dans l’Est de la France. Si des projets de construction d’outils émergent, il faudra le temps nécessaire et le soutien de l’Etat et des collectivités pour mettre les capacités industrielles à niveau, ce qui ne va pas se faire en 12 mois. Il faudra que Lactalis nous accompagne et fasse preuve de souplesse », prévient le responsable. La FNPL a d’ores-et-déjà obtenu des garanties de la nouvelle ministre de l’Agriculture.
Dans son malheur, la FNPL reconnait que la filière bénéficie actuellement d’une conjoncture économique favorable, avec des prix porteurs et, pas loin de nos frontières, des pays en quête de lait, comme l’Allemagne, les Pays-Bas et le Danemark. Mais le syndicat redoute tout de même un effet domino de la décision de Lactalis, dont la reprise des excédents par d’autres opérateurs pourrait avoir pour effet de dégrader leur propre mix produit et de faire baisser le prix du lait… Une brèche où ne manquerait pas de s’engouffrer le géant laitier et qui justifie, aux yeux de la FNPL, encore un peu plus la nécessité d’une approche collective. Le syndicat n’est du reste pas du tout convaincu par l’assertion de l’industriel, expliquant que « l’adaptation de [ses] volumes de collecte permettra de mieux valoriser le lait de [ses] producteurs en cohérence avec la récente évolution de [sa] formule de prix du lait ». Ce à quoi répond Yohann Barbe : « Le but de Lactalis, c’est de faire baisser le prix national France. Lactalis est le numéro un mondial de la collecte. Il ne sera jamais le numéro un du paiement ». La FNPL n’exclut pas un acte de représailles de la part de l'industriel à l’encontre de l’Unell, suite à l’obligation de se conformer à la loi Egalim. « Lactalis n’est pas au-dessus de la loi, déclare Stéphane Joandel. Et si une nouvelle loi Egalim est rouverte, il faudra qu’elle intègre la transparence de l’origine du lait, que Lactalis a fait tomber aux plans national et européen ».
Les tanks à lait sur la sellette
La FNPL s’inquiète aussi du devenir des tanks à lait qui sont la propriété de Lactalis et qui, à ce titre, sont potentiellement porteurs d’une double peine pour les éleveurs concernés par la future rupture contractuelle. Sachant qu’un tank neuf se négocie entre 20.000 et 30.000 euros selon sa capacité et qu’il faut entre 12 et 18 mois pour se faire livrer… Là encore, la FNPL attend un accompagnement de l’industriel, n’excluant pas des actions « coups de poing ou de masse » si le géant laitier n’y met pas du sien dans les semaines et mois à venir.