Bordeaux carbure sur la décarbonation

[Vinitech 2022] Le vignoble s’est doté d’une stratégie de décarbonation, aux effets encore relatifs, mais qui mobilise tous les acteurs. Le CIBV les outille par tous les moyens, pour susciter la prise de conscience chez les uns, l’accentuation chez les autres.

L’inertie : telle est l’ennemie du changement climatique à l’œuvre. Qu’il s’agisse des causes (les émissions de gaz à effet de serre) ou des solutions (l’évitement et la séquestration), la trajectoire empruntée par le réchauffement climatique ne répond pas vraiment au doigt et à l’œil. L’inertie : la filière viticole bordelaise ne s’y résout. Depuis une quinzaine d’années, le CIVB s’est doté d’une stratégie bas-carbone, qui s’est matérialisée par la réalisation d’un premier bilan en 2007, faisant office d’étalon. Deux autres ont été réalisés en 2012 puis en 2019. Résultats ? « Les émissions ont baissé de 19% sur la première période puis de 24% sur la seconde, a déclaré Jeanne-Marie Voigt, chargée de mission stratégie carbone au CIVB, lors d’une conférence à Vinitech. Ce bilan est toutefois à nuancer car la production de vin a aussi baissé sur ces périodes, pour des motifs économiques et climatiques. Rapportée à l’hectolitre de vin, les émissions ont régressé de 16% sur la première période mais elles ont progressé de 6% sur la seconde ».

Jeanne-Marie Voigt, chargée de mission stratégie carbone au CIVB
Jeanne-Marie Voigt, chargée de mission stratégie carbone au CIVB

Agir sur les postes émetteurs et la séquestration

A Bordeaux, les plus gros postes émetteurs sont liés au verre et au conditionnement pour 28%, aux pratiques viticoles pour 22%, au fret pour 19% et à l’efficacité énergétique des bâtiments et des process pour 4%. « En ce qui concerne le verre, nous travaillons sur l’allègement des bouteilles dans la limite des risques de casse, ainsi que le taux de calcin, c’est à dire de verre recyclé, souligne Jeanne-Marie Voigt. Le réemploi des bouteilles est une autre piste. L’allègement des carton ou l’opportunité de conditionner les bouteilles dans des caisses en bois, dont les cavistes ne savent parfois que faire, doivent aussi nous interroger ». En matière de fret comme pour les engins agricoles, le CIVB lorgne sur les énergies alternatives telles que le BioGNV. L’isolation des chais, leur caractérise semi-enterré sinon leur toiture végétalisée, les transferts gravitaires du vin sont autant de pistes pour réduire les impacts dans les bâtiments et dans les process.

Le CIVB ne néglige pas le levier de l’atténuation, avec la séquestration de carbone dans les sols, les jachères fleuries, les haies ou encore l’éco-pâturage. « Les efforts d’atténuation ne dispenserons jamais d’agir sur la réduction des émissions », prévient Jeanne-Marie Voigt.

Plateforme Bordeaux Connect

Le CIVB met aussi en avant un autre préalable : l’information et la sensibilisation des acteurs. L’interprofession s’y emploie via sa plateforme Bordeaux Connect, laquelle propose différents outils pédagogiques, des plus rudimentaires pour faire émerger la prise de conscience, aux plus sophistiqués, s’apparentant à un pseudo-bilan carbone. « Ces outils sont destinés à accompagner les professionnels, à les soutenir et à les orienter dans leurs choix, sans enfreindre leur liberté d’entreprise, indique Jeanne-Marie Voigt. Le simple fait de délivrer une information peut parfois produire un déclic ». La filière a programmé son prochain bilan carbone à l’horizon 2026. D’ici là, elle ne remettra « une couche » le 24 janvier prochain avec le Forum développement durable, qui fera la part belle à la décarbonation.