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Cépages résistants : « J’ai réduit de 90 % mes traitements »
Convaincu par les cépages résistants, Édouard Massart a sauté le pas en 2020. Il prévoit de continuer à étendre ses surfaces dès l’an prochain. S’il apprend à connaître et à cultiver ces nouvelles vignes d’année en année, son principal challenge est de démontrer leurs atouts auprès des consommateurs.
« C’est une révolution », attaque d’emblée Edouard Massart, viticulteur bio sur la commune de Château-Thébaud en Loire-Atlantique. Depuis 2020, il a commencé à planter des cépages résistants sur les 12 ha de son domaine « Le Jardin d’Edouard » situé au cœur de l’appellation Muscadet. Aujourd'hui, ces nouvelles vignes, élaborées par l’Inrae, représentent une surface de 1,5 ha, et il prévoit de nouvelles plantations en 2026. La particularité de ces cépages, c’est leur résistance au mildiou et à l’oïdium. Alors qu’Edouard Massart réalise en moyenne 17 traitements sur ses surfaces en melon de Bourgogne, les cépages résistants ne reçoivent eux qu’un seul traitement. « Pour éviter les contournements et pour gérer les maladies très sensibles au cuivre telle que l’anthracnose » commente le viticulteur.
Changer le référentiel du métier
Pour Édouard Massart, ces cépages résistants représentent une occasion de repenser son métier. « Sur la façade Atlantique, si on compare le travail de la vigne en bio et en conventionnel, ce sont deux métiers différents. Pour les viticulteurs bio, chaque erreur se chiffre en perte de rendement » retrace-t-il. Or, au sein du « Jardin d’Edouard » le vin est uniquement réalisé à partir des raisins récoltés sur les 12 ha du domaine, rien n’est acheté à l’extérieur. « Je suis 100% bio, 100% récoltant et 100% vigneron indépendant » tient-il à rappeler.
La double peine pour les vignerons indépendants bio, c’est le peu de temps à consacrer au commerce durant la période des traitements. « Au printemps 2024, le commerce est passé à la trappe, se souvient-il, avec les cépages résistants, je vais pouvoir me dégager du temps pour vendre, mais aussi pour me pencher sur des sujets positifs comme la qualité des sols ou le développement de la biodiversité », se projette-t-il.
Floréal, Voltis, Souvignier gris et Sauvignac
Parmi les nouveaux cépages implantés par Édouard Massart ne se trouvent que des blancs. Floréal est le principal avec 1 ha de plantation. Ce blanc très aromatique s’apparente au Sauvignon. Le vigneron apprend année après année à maîtriser cette nouvelle vigne dont il a constaté la sensibilité au sous-sol avec des comportements très différents sur deux parcelles éloignées de 200 mètres. « Nous découvrons également qu’il est assez sensible à la chaleur. C'est un problème. Mais le changement climatique, ce sont aussi des précipitations importantes et là, il trouve sa place avec sa résistance aux maladies », estime-t-il. Le Floréal étant particulièrement vigoureux avec beaucoup de bois, il y consacre plus de temps et d’attention lors du palissage que pour le Melon de Bourgogne. Un temps bien vite rentabilisé lors des traitements. Les cépages Voltis et Souvignier gris encore en test sur des petites surfaces semblent moins sensibles à la chaleur. Son coup de cœur va pour le moment au Sauvignac, un blanc sec qu’il a testé avec succès sur quelques dizaines de pieds derrière le chai. « En 2024, sans aucun traitement, cette micro-parcelle a produit énormément. C’est cette variété que je vais planter en 2026 » se réjouit-il.
Côté rouge, le Jardin d’Edouard proposent une cuvée à base de Plantet, un cépage résistant qui a connu ses heures de gloire au XIXème siècle. « Il a une très bonne résistance au mildiou et quelques sensibilités à l’oïdium mais que je n’ai jamais constaté pour le moment ».
Passer le fossé de la vente
Avec ces 5 cépages, il produit 3 cuvées : un blanc, dénommé Floréal, un rosé et un rouge. C’est lors de la commercialisation qu’apparaît le plus gros frein au développement de ces cépages. Inconnus des consommateurs, ils peinent à se faire une place. « Dans l’imaginaire collectif, le bio ne reçoit jamais de traitement. De ce fait, les consommateurs ont beaucoup de mal à comprendre ma démarche », constate le vigneron ligérien. Pour clarifier les choses, il a rassemblé ses trois vins sous la dénomination PURS® pour : Pâturage des sols, Unique pour la biodiversité, Résistant et Sulfites minimum. Une contre-étiquette, bientôt apposée sur les bouteilles, permettra aux consommateurs de positionner la gamme PURS® par rapport aux cahiers des charges AB et HVE sur cinq critères que sont l’IFT, les volumes de cuivre par hectare et par an, l’impact biodiversité, les émissions de CO2 ou encore le taux de sulfite dans le vin. « Il m’a fallu quelques années pour mettre cet argumentaire par écrit » rapporte le viticulteur.
Côté profession, les cépages résistants avancent également. Actuellement, seul le Melon de Bourgogne est autorisé en appellation Muscadet. « C’est en train de bouger, un groupe de viticulteurs, que je devrais rejoindre, va tester à titre expérimental d’intégrer 10 % d’autres cépages » se félicite Édouard Massart. Pour autant, il prévient « Le réchauffement climatique va aller très vite. Il va falloir suivre si nous ne voulons pas être pris de vitesse ».