Quelle stratégie face au risque de contournement des gènes de résistance au mildiou de la vigne ?

Après la détection de plusieurs cas dans le Sud-Est de la France en 2024, le comité de pilotage de l’Observatoire national du déploiement des cépages résistants conseille de réaliser au moins deux traitements préventifs autour des stades de floraison. Sans remettre aucunement l’intérêt de ce levier agroécologique, le phénomène étant jugé « classique ».

Depuis 2018, les variétés résistantes au mildiou et à l’oïdium de nouvelle génération sont déployées sur le vignoble français. Et depuis cette date, elles font l’objet d’une surveillance active via l’Observatoire national du déploiement des cépages résistants (OSCAR) en vue d’évaluer au fil du temps la durabilité de la résistance. Et pour la première fois en 2024, le dispositif d’alerte a mis en évidence une baisse d’efficacité dans trois parcelles plantées avec la variété Artaban (Drôme, Gard et Vaucluse) et une parcelle plantée avec UD-32.078 N (Cabernet volos selon le catalogue européen) dans le Vaucluse. « Ces situations étaient caractérisées par des contextes agronomiques et climatiques particulièrement favorables au développement du mildiou », précise une note technique signée de l’IFV, de l’INRAE et des Chambres d’agriculture, ces dernières étant en charge de la surveillance des quelque 165 parcelles d’observation disséminées dans le Sud-Est. « Cette baisse d’efficacité observée constitue un évènement rare », insiste la note.

Prophylaxie et prévention

Pour minimiser les risques de contournement, il faut éviter que la parcelle soit soumise à une pression d'inoculum trop forte, en respectant les bonnes pratiques agronomiques comme pour les cépages sensibles (relevage, palissage, gestion des sols,…), précise la note, qui préconise également la réalisation d’au moins deux traitements préventifs, en général autour des stades de floraison, afin de maitriser d’éventuelles souches virulentes qui auraient pu émerger. « Ces traitements doivent néanmoins être adaptés à la pression parasitaire du millésime, selon les préconisations des conseillers techniques. Des traitements supplémentaires doivent ainsi être réalisés si les conditions le nécessitent. La stratégie de protection élaborée doit également prendre en compte la gestion du blackrot ».

Plusieurs projets sont actuellement en cours afin de préciser ces stratégies de protection. Pour les parcelles ayant connu des situations exceptionnelles lors de la campagne 2024 avec des fréquences et intensités élevées de mildiou sur feuilles et grappes, la note recommande d’assurer une couverture phytosanitaire équivalente à celle conduite dans les parcelles de variétés sensibles, en début de campagne (a minima les 4 premiers traitements, à adapter ensuite à la pression parasitaire de l’année). « Ces parcelles feront l’objet d’une surveillance accrue, afin d’identifier précocement d’éventuelles baisses d’efficacité ».

Réduction moyenne de 80% de l'IFT

L’année 2024 a été caractérisée par une pression mildiou exceptionnelle dans de nombreux bassins viticoles avec des épidémies parfois très précoces et des attaques sur grappes parfois importantes sur des variétés sensibles traitées. Au total, 95 % des parcelles de l’observatoire (pour lesquelles les données sur les traitements phytosanitaires ont été collectées) ont reçu au moins un traitement fongicide en 2024. Le nombre médian de fongicides appliqués (incluant les produits de biocontrôle), sur les parcelles de variétés résistantes du réseau, est égal à 5 avec un IFT médian égal à 2,3.  « La présence de ces souches virulentes n’est pas généralisée à l’ensemble du bassin viticole et du vignoble, précise note technique. Les situations de contournement, qui sont classiques pour de nombreuses cultures dans lesquelles des variétés résistantes sont utilisées, ne remettent pas en cause l'intérêt des variétés de vigne résistantes, qui restent un levier majeur pour une gestion du mildiou et de l’oïdium limitant fortement le recours aux produits phytosanitaires ». Les suivis réalisés en 2024 dans le cadre de l’observatoire OSCAR confirment le fort potentiel des variétés résistantes pour la réduction de l’usage des produits phytosanitaires avec une réduction moyenne de 80% de l’IFT fongicide par rapport à la référence nationale 2019. Cette réduction d’IFT s’accompagne, malgré une forte pression parasitaire, d’une bonne maitrise de l’oïdium et du mildiou sur les parcelles suivies dans OSCAR. Néanmoins, des intensités d’attaque de black-rot significatives sur grappes ont pu être observées sur certaines parcelles. 

Près de 3000 ha

Déployer, protéger, surveiller : tel est le credo des variétés résistantes qui, en 2024, étaient déployées sur 2768 ha. Les variétés les plus représentées sont le Floreal (841 ha) et le Souvignier gris (841 ha) qui à elles seules couvrent 60 % de la surface plantée en variétés résistantes. Viennent ensuite l’Artaban (243 ha), Le Soreli (214 ha), le Vidoc (205 ha), le Muscaris (82 ha), la Cabernet cortis (70 ha), le Voltis (61 ha) et le Sauvignac (46 ha). Quinze autres variétés sont plantées sur les 165 ha restants.

Vingt et une variétés hybrides d’ancienne génération, appelées hybrides producteurs directs sont également plantées sur le vignoble (3348 ha). Les plus plantées sont le Baco blanc (863 ha), le Villard noir (836 ha), le Plantet noir (660 ha) et le Chambourcin (433 ha).