« Chaque vigneron veut se différencier sur ce marché porteur »

A l’occasion du concours des crémants de Loire, le directeur de l’AOC est revenu sur la dynamique positive et les sujets de travail de l’appellation.

Entretien avec Christian Pauleau, président de l’appellation crémant de Loire, qui se réjouit de l’évolution positive de ces effervescents, tant en volume qu’en qualité.

Vous venez de participer au jury du concours des crémants de Loire. Qu’en retenez-vous, à chaud ?

Christian Pauleau : C’est un vrai plaisir de faire partie du jury. On juge au sentiment, à la fraîcheur, à la couleur, la pétillance, l’élégance, la finesse… On a goûté de très bons produits. Franchement, sur les échantillons que mon groupe de jurés a dégusté - des blancs millésimés et des rosés -, il n’y avait rien à jeter, tout était bon. Pour les médailles d’or, nous étions tous d’accord, il n’y a pas eu de débat. Ensuite, on a départagé les vins, mais c’était à la virgule près. Sur les rosés, c’était linéaire, aucun ne dénotait. C’est la preuve que d’énormes progrès ont été faits au niveau de la vinification. En blancs, nous avions des millésimes 2018-2019, mais aussi des 2014-2015. Ça montre que l’appellation est capable d’offrir une fraîcheur pour un vin de plaisir, mais aussi des vins de gastronomie, le tout de qualité.

L’appellation travaille spécifiquement à améliorer la qualité de ses vins ?

C.P. : En fait, chaque vigneron veut se différencier sur ce marché porteur, garder son identité. Et en ça, le collectif crée une émulation. Le crémant du Luxembourg par exemple, est la plus jeune des appellations de crémant, mais c’est elle qui a fait le plus grand bond technique. Ses vins sont très frais et fins. Déguster au concours national de tels vins, ça nous donne une leçon. On voit les progrès restant à faire et on cherche à s’améliorer techniquement.

Aujourd’hui, quelle est la dynamique commerciale sur l’AOC ?

C.P. : Elle est très positive. En 2004, on produisait 30 000 hl. En 2022, on en est pratiquement à 200 000 hl et personne n’est en surstock. Ceux qui font vieillir leurs crémants le font par choix. Crémant le plus exporté de France, nous vendons beaucoup en Allemagne, notre produit correspondant tout à fait à leur marché de consommateurs. On se développe aux Etats-Unis, plutôt sur du haut de gamme. En Angleterre en revanche, nous sommes sur un palier haut, la situation économique du pays nous dessert. Mais cet aspect est compensé par les marchés allemand et états-unien. La Scandinavie est également un marché important pour nous. La tendance est sur les blancs secs issus de chenin, qui se vendent très bien.

Dans ce contexte porteur, quels sont actuellement les défis à relever pour l’appellation ?

C.P. : On constate un début d’essoufflement des rosés, dont il faut qu’on tienne compte. On va caberniser encore, mais sans aller trop loin. On était à 14 % de cabernet il y a cinq ans, on est déjà à 22 % aujourd’hui. On sent aussi que le grolleau va arriver dans le crémant de Loire car il se récolte facilement, qu’on peut le transformer en crémant blanc, rosé, blanc de noir… En résumé, il faut qu’on restructure notre vignoble pour répondre au marché. On a aussi pour objectif de raccourcir notre période de vendanges. On vendange aujourd’hui trop tôt et trop tard, à cause de la pénurie de main-d’œuvre pour la récolte manuelle, et du manque d’outils de pressurage. Il faudrait qu’on puisse récolter 250 000 hl en trois semaines au lieu de cinq semaines. On a donc ce challenge à relever : s’équiper davantage au niveau du pressurage.