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Le Crémant en pleine effervescence
Face à une croissance commerciale soutenue et à une volonté accrue d’ancrage territorial, le Crémant transforme son image : de bulle populaire à vin de terroir, prêt à jouer un rôle plus visible sur les marchés français et internationaux.
Longtemps discret, souvent relégué derrière le champagne, le Crémant s’impose aujourd’hui comme une force tranquille du paysage viticole français. Sa progression commerciale n'est plus à démontrer, mais la filière cherche désormais à affirmer son identité : une méthode, un lieu, un cépage : le Crémant ne se résume pas à une bulle.
Une croissance portée par le goût, le prix et le territoire
Le marché du Crémant est en pleine expansion. En 2024, 114,5 millions de cols ont été commercialisés, soit environ 858 750 hectolitres, contre 85,1 millions en 2020 (638 250 hl). Cette progression s’explique par plusieurs facteurs : un positionnement prix plus accessible que le champagne, une qualité gustative reconnue, et une forte identification régionale. En Alsace, par exemple, le Crémant est un produit de fierté locale, ancré dans les habitudes de consommation et valorisé par les producteurs.
Contrairement au Prosecco, souvent perçu comme plus standardisé, sucré et moins lié à un terroir, le Crémant revendique une méthode traditionnelle exigeante : vendange manuelle obligatoire, fermentation en bouteille, élevage sur lattes pendant au moins douze mois, dégorgement, prise de mousse et dosage. C'est la même méthode que celle utilisée pour le champagne. Ce savoir-faire, commun à toutes les appellations, contribue à sa montée en gamme et à sa reconnaissance croissante auprès des consommateurs avertis.
Une filière structurée et en mouvement
La filière Crémant regroupe aujourd’hui huit AOC — Alsace, Bordeaux, Bourgogne, Die, Jura, Limoux, Loire et Savoie — réparties sur 14 867 hectares, pour une production annuelle de 887 932 hectolitres. À l’export, la Loire domine avec 57 % de sa production expédiée (15,5 millions de cols, soit 116 250 hl), suivie par Limoux (54 %) et la Bourgogne (48 %). Les États-Unis sont devenus le premier marché du Crémant, devant la Scandinavie et le Royaume-Uni, qui s’est affirmé comme acheteur régulier depuis cinq ans.
Face à cette dynamique, certains vignerons — notamment à Bordeaux — envisagent la reconversion vers le Crémant comme une solution économique. Le marché est porteur, les volumes sont en hausse, et les bulles séduisent. Mais cette reconversion a un coût : elle suppose parfois des arrachages, souvent des replantations ciblées, des investissements techniques, et une adaptation aux exigences de la méthode traditionnelle.
Lieux-dits et ancrage territorial : une reconnaissance en marche
Le nom “Crémant” est juridiquement protégé depuis 1994. Il ne peut être utilisé qu’accompagné d’une mention régionale — Crémant d’Alsace, Crémant de Bourgogne, etc. — et désigne exclusivement des vins mousseux élaborés selon la méthode traditionnelle. Cette protection est inscrite dans la réglementation européenne sur les indications géographiques. Pourtant, certains pays comme l’Allemagne n’appliquent pas toujours ces règles, effaçant la mention régionale sur les étiquettes et affaiblissant la lisibilité du produit à l’export.
Une image encore à reconstruire
Si les ventes progressent, le Crémant souffre toujours d’un déficit d’image. En grande distribution, il est souvent relégué en bas des rayons, confondu avec les mousseux génériques, et perçu comme un produit moins noble que le champagne. Cette position traduit une perception persistante : celle d’un vin secondaire, acheté pour son prix plutôt que pour sa qualité. La filière tente de redorer son image : cuvées prestige, amélioration du design des bouteilles, travail sur le verre. Mais sans campagne marketing coordonnée, ces efforts restent marginaux. Le Crémant manque encore d’un récit commun, capable de faire le lien entre terroir, méthode et valeur.
Pour la FNPE, la réponse passe par une stratégie collective avec les producteurs : valoriser les lieux-dits, renforcer la traçabilité, former les acheteurs, et surtout raconter ce que chaque bouteille a de singulier. Car si le Crémant veut être choisi — et non simplement acheté — il doit faire entendre ce qu’il est : un vin de terroir, exigeant, structuré, et capable de rivaliser par son identité, s'accorder en mets et vins et pas seulement par son prix.