Christophe élève les génisses des autres

Acheter des petites génisses d'un mois dans des élevages laitiers et les revendre à leurs naisseurs lorsqu'elles sont amouillantes : l'activité d'élevage de génisses a de l'avenir, car la demande est très forte. Christophe Béron, éleveur à Miré (Maine-et-Loire), s'y est lancé l'an dernier.

Les ateliers laitiers ont tendance à s'agrandir et il arrive que les bâtiments ou la main-d'œuvre, ou les deux, deviennent limitants. Pour les éleveurs qui souhaitent se concentrer sur la production laitière, une solution peut être de déléguer l'élevage de leurs génisses.

Une forte demande

La pratique n'est pas nouvelle : elle existe depuis très longtemps, notamment en Mayenne et dans la Sarthe, et on retrouve aussi ces systèmes dans des zones de montagne. Mais depuis quelques années, constatant une forte demande de la part des producteurs laitiers, plusieurs organismes de conseil en élevage de l'Ouest ont souhaité faciliter et formaliser les relations entre les deux parties. La balance offre/demande penche du côté des demandes, et ces organismes sont en perceptuelle recherche d'éleveurs de génisses.

Devenir éleveur de génisses n'est toutefois pas à la portée de tous. Il faut avoir la « fibre de l'élevage » et de la place dans ses bâtiments. Il faut aussi être rigoureux, sur tous les plans, alimentation, contrôle de croissance, détection des chaleurs, sanitaire... On ne devient éleveur de génisses agréé par les organismes de conseil en élevage qu'après avoir passé un audit.

Après le départ des vaches

Cet audit, Christophe Béron, éleveur à Miré (Maine-et-Loire), l'a passé avec succès début 2020 pour devenir éleveur agréé par Seenovia (organisme de conseil en élevage intervenant sur les Pays de la Loire et la Charente-Maritime). Sur son élevage, comme chez beaucoup de ses collègues, l'élevage de génisses est arrivé après le départ des vaches laitières. De tristes circonstances, la maladie puis le décès de son associé, Michel Chanet, l'ont en effet conduit à vendre le troupeau de haute valeur génétique. « L'élevage des génisses permet de ne pas laisser les bâtiments vides », explique l’éleveur.

Désormais seul sur l'exploitation, Christophe Béron gère aussi un élevage de porcs (post-sevrage et 600 places en engraissement), est associé dans une maternité porcine collective et cultive une centaine d'hectares (autoconsommation et vente). Son expérience d'éleveur porcin, habitué à gérer des performances techniques et à suivre des protocoles de biosécurité, en font un éleveur « idéal » pour les génisses. Cependant, pour ne pas être surchargé en travail, il souhaite se limiter à 54 génisses, « soit 9 lots de 6 ».

C'est en effet en lots d'une demi-douzaine que les génisses arrivent sur son exploitation. La création de ces lots homogènes en âge et proches géographiquement est faite par Seenovia. Lorsqu'un lot est complet, avec des bêtes âgées de 3 à 5 semaines, Christophe Béron les achète, à un prix fixé par Seenovia (en fonction de leur poids, 170 € de 50 à 54 kg et 200 € de 55 à 65 kg) et va les chercher. Les animaux ont reçu leur vaccin BVD et sont dépistés pour la recherche des IPI.

Un temps vide après le départ du troupeau laitier, le bâtiment de Christophe Béron retrouve vie en accueillant une cinquantaine de génisses, âgées de 1 à 23 mois. (Photo Catherine Perrot)

Une ration complète mélangée

Les lots de 6 restent ensemble jusqu'à leurs 6 mois. Les génisses reçoivent d'abord un aliment lacté, puis un aliment fibreux. Christophe se charge de l'écornage et de tous les soins éventuels. A partir de 6 mois et jusqu'à leur départ, les génisses ont la chance de bénéficier d'une ration mélangée : Christophe Béron est en effet copropriétaire d'une mélangeuse automotrice initialement destinée à fournir l'alimentation des vaches laitières. La mélangeuse continue donc d'être utilisée pour distribuer des rations aux génisses trois fois par semaine. « Ce type de ration permet aux animaux de bien se développer », indique l’éleveur.

Selon la saison, les animaux pourront être sortis au pâturage. « Cela figure d'ailleurs dans le cahier des charges : j'ai l'obligation de sortir les génisses pour au moins une saison de pâturage », précise-t-il.

Insémination à 400 kg

Équipé de sa propre bascule et d'un parc de contention, Christophe réalise des pesées environ tous les deux mois. Une étape cruciale est l'atteinte du poids de 400 kg, généralement entre 13 et 15 mois : c'est à ce moment que les animaux pourront être inséminés. Environ un mois avant cette insémination, Christophe Béron se charge du rappel de vaccin BVD.

L'insémination se fait aux frais de l'éleveur (sauf semences spéciales), mais le choix du taureau reste du ressort du naisseur. C'est une des phases les plus compliquées de l'élevage de génisses, puisqu'il faut beaucoup de surveillance pour détecter les chaleurs - et c'est d'autant plus difficile quand les animaux sont dehors - et de la rigueur pour bien attribuer le bon taureau à la bonne génisse.

"Le naisseur a l'obligation de racheter ses animaux"

Une fois inséminées et pleines, les génisses continuent doucement leur croissance pour atteindre l'objectif des 550 kg, deux mois avant leur vêlage : elles rejoindront alors leur élevage de naissance. « Le naisseur a l'obligation de racheter ses animaux, et c'est un élément qui m'a rassuré », explique Christophe Béron.

L'un des points clés de l'élevage de génisses consiste à bien repérer les chaleurs. Heureusement, certaines génisses (comme celle-ci) sont très expressives. (Photo Catherine Perrot)

Les premières génisses amouillantes élevées par Christophe Béron devraient partir en octobre ou novembre prochain. « Je n'ai donc pas encore de retour de la part des naisseurs. Mais pour l'instant, les relations que nous avons sont bonnes ». Sur le plan financier, l'éleveur n'a pas non plus encore vraiment de repères précis. S'ils font bien 550 kg, les animaux devraient être repris par leurs naisseurs au prix de 1550 € HT (prix actuel, indexé sur les coûts de production). « Les techniciens nous parlent de 400 € de marge brute par génisse élevée », confie Christophe Béron.

Une marge sans doute trop courte pour envisager des investissements importants avec cette production, mais qui permet à des éleveurs déjà équipés de garder un contact avec la production laitière.