Comment appréhender la surmortalité des animaux due aux vagues de chaleur ?

Si la prévention du phénomène réserve des marges de progrès au niveau des élevages, les sociétés d’équarrissage ainsi que les pouvoirs publics doivent aussi mieux se préparer aux coups de chaleur, pointe une mission du Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux.

En 2019, les épisodes de fortes chaleurs et de canicule enregistrés successivement fin juin et fin juillet ont engendré une augmentation des demandes d’enlèvements d’animaux morts pouvant atteindre 40% certains jours. Ces pics de mortalité ont généré des retards de collecte. Problème : les cadavres d’animaux laissés à température ambiante élevée se dégradent très rapidement, jusqu’à la liquéfaction pour les volailles. Autre problème : les pics de mortalité ont engendré la saturation temporaire de certaines des huit usines d’équarrissage, dont elles se sont départies en procédant à des délestages intra-filières. De tels épisodes caniculaires, dont la fréquence et l’intensité vont accentuer avec le changement climatique, ont fait office d’alerte, d’autant que rode la menace d’épizooties telles que l’influenza aviaire ou la peste porcine africaine. « Une défaillance du service d’équarrissage pourrait rapidement rendre ingérable l’apparition d’une crise sanitaire majeure, qui pourrait nécessiter des abattages préventifs et curatifs massifs, à l’instar de ceux qui ont récemment été décidés les gouvernements suédois, danois et irlandais sur la filière vison », relève dans un rapport une mission Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER).

Une filière équarrissage plus résiliente

Pour éviter ce scénario catastrophe, la mission du CGAAER formule plusieurs recommandations, à commencer par la mise en place d’une mission interministérielle destinée à jauger l’efficacité et la résilience des quatre sociétés d’équarrissage (Atemax, Provalt, SecAnim et Sopa), assorties d’un dispositif de vigilance et d’alerte aujourd’hui inexistant. Les professionnels de la filière se sont engagés de leur côté à mettre en place  un plan de gestion de crise, destiné à appréhender une surmortalité animale suite à vague de chaleur, à une épizootie majeure ou à un plan de dépeuplement préventif ou curatif. Conscients que les entreprises n’avaient pas d’autre choix que le délestage interne ou externe en cas de saturation des usines, les services de l’État s’engagent de leur côté à appuyer la filière pour identifier et mettre œuvre les solutions offertes par les Installations de stockage des déchets non dangereux (ISDND), les Unités d'incinération d'ordures ménagères (UIOM) et les Unités d’incinération de déchets dangereux (UIDD), susceptibles de recevoir des matières fermentescibles. Le CGGAER formule d’autres recommandations, consistant d’une part à faciliter le stockage de cadavres en attentes de collecte (big-bags pour volailles, sciure de bois pour porcs) et d’autre part à sécuriser, aux plans techniques et juridiques, la solution ultime de recours à l’enfouissement des cadavres d’animaux en exploitation agricole. La mission attend par ailleurs de l’Etat le renforcement des moyens humains et informatiques pour mieux exploiter les données des sociétés d’équarrissage et améliorer la gestion de crise.

Moins de dérogations, plus de déclarations

En amont, c’est à dire au sein des élevages, la mission formule un certain nombre de recommandations destinées à prévenir les risques de surmortalité. Dans son viseur figure notamment la suspension, entre le 1er mai et le 15 août, d’une dérogation permettant aux Préfets de faire passer la densité d’élevage en fin de bande de 33 kg/m2 à 42 kg/m2. En dehors de cette période, l’octroi de la dérogation serait conditionné au contrôle du respect des conditions du bien-être des animaux. Est aussi pointée du doigt la sous-déclaration des surmortalités par les éleveurs, sous l’effet d’un vide juridique, fragilisant le dispositif d’épidémiosurveillance des maladies animales, notamment en élevages de volailles et de porcs. La mission recommande de mettre en œuvre au plus vite un dispositif coercitif sécurisé de déclaration redonnant au passage "toute leur place aux vétérinaires sanitaires".

Communiquer et moderniser

La mission plaide enfin pour la mise en œuvre de campagnes de communication nationales d’information, adaptées aux niveaux régional et départemental, portant sur les mesures de prévention à mettre en œuvre au niveau des élevages dans la perspective de futures vagues de chaleur. Elles touchent à l’aménagement des bâtiments (ventilation, brumisation, climatisation) et à la conduite d’élevage (gestion des densités, aménagement de parcours extérieurs), sans exclure les mesures d’urgence (« détassage », facilitation de l’accès aux points d’eau, réfrigération des locaux).

Autant de mesures potentiellement éligibles au Plan de relance et plus précisément au « pacte biosécurité et bien-être animal ». Cette mesure, dotée de 100 millions d’euros, regroupe deux dispositifs. Le premier, doté de 2 millions d’euros, apporte un soutien à la formation des éleveurs à la biosécurité pour la prévention des zoonoses et au bien-être animal. Le second, doté de 98 millions d’euros, vise à soutenir les investissements permettant de renforcer la prévention des maladies animales et d’assurer une amélioration des conditions d'élevage au regard du bien-être animal. Il s’adresse à toutes les filières animales. Le Pacte s'inscrit dans les objectifs fixés dans le plan de Compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE) mis en œuvre dans le cadre des Programmes de développement rural régionaux (PDRR).