Comment éviter la contamination entre parcelles bio et non bio ?

Dérive au champ, partage de matériel, stockage mixte… les cas de contamination de produits bio, bien que rares, entraînent un risque de déclassement (perte du label bio) et souvent une perte sèche pour les producteurs et productrices. Afin de se prémunir des contaminations et savoir comment réagir dans cette situation, des kits en ligne viennent d’être publiés.

En cas de contamination décelée par l’organisme certificateur, il revient à ce dernier la décision de déclassement s’il considère que le producteur bio est en partie fautif ou que ses parcelles n’étaient pas assez protégées. En 2018, l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) a recensé 104 cas de déclassement faisant suite à des contrôles réalisés par les organismes certificateurs. Non exhaustif (le chiffre ne rend pas compte des déclarations faites directement par les agriculteurs), ce recensement est à mettre au regard des quelques 40 000 producteurs et productrices bio en France.

Bien que minoritaires, ces cas de contaminations peuvent toutefois être très pénalisants pour les producteurs et productrices bio, le préjudice étant à la fois financier et psychologique. Ce constat a mené plusieurs acteurs de l’Agriculture biologique (Fnab, Itab, Gab régionaux, Synabio…) à réaliser des kits de prévention et de présentation des démarches à suivre en cas de contamination.

Deux kits sont déjà publiés et accessibles sur le site www.produire-bio.fr. Le premier met l’accent sur la prévention du risque de contamination à la parcelle, avec une approche axée sur la relation entre voisins. Le second explique comment réagir en cas de contamination. Un troisième kit sur la prévention des risques liés à l’utilisation de matériel en commun, en cours de réalisation par la FNCuma, sera disponible fin avril.

Des conséquences parfois sous-estimées

La prévention demeure le levier principal face au risque de contamination : une bonne communication entre voisins en amont des traitements, la mise en place de haies ou de zones de non traitement entre les parcelles, voire même les échanges de parcelles peuvent limiter les risques. La souscription à une garantie « protection juridique » (souvent incluse dans l’assurance multirisque) permet également d’être accompagné par son assurance en cas de contamination.

Le dialogue entre voisins n’est cependant pas toujours évident et l’agriculteur bio doit alors faire valoir ses droits. C’est cette situation qu’a vécue David Peyremorte, agriculteur dans la Drôme. Au printemps 2017, il constate le jaunissement de sa bande enherbée mitoyenne au champ du voisin ainsi qu’un bout de sa parcelle de blé. Les analyses montreront par la suite qu’il s’agit de glyphosate. Après avoir prévenu son organisme certificateur puis son assurance, il contacte son voisin pour que lui-même prévienne son assurance. « Notre échange a été cordial, il a reconnu sa faute, mais n’a pas semblé prendre conscience des conséquences que cela impliquait pour moi », relate David Peyremorte. A savoir : le déclassement des surfaces contaminées, qui ne seront de nouveau certifiées bio que trois ans plus tard.

« Au bout d’une dizaine de jours et deux relances téléphoniques sans que mon voisin ne contacte son assurance, j’ai dû me résoudre à lui faire comprendre que, sans reconnaissance de sa part, je serai obligé de porter plainte, poursuit-il. Mon voisin semblait étonné que je puisse en arriver là. Il a fini par faire les démarches et déclarer le dommage à son assurance ». S’en est suivie une réunion d’expertise afin d’estimer le préjudice. « Pour le blé contaminé, l’indemnisation a été calculée au coût réel. Un montant insignifiant par rapport au tracas qu’entraîne la dé-certification », estime-t-il.

Entre sa parcelle et celle de son voisin, David Peyremorte a mis en place une haie et une bande enherbée.
Entre sa parcelle et celle de son voisin, David Peyremorte a mis en place une haie et une bande enherbée.

Selon la Fnab, qui a réalisé une enquête auprès d’une soixantaine de producteurs et productrices bio ayant subi un déclassement, le préjudice financier s’élève en moyenne à 7 280€, avec une grande variabilité allant de 3 461€ en grandes cultures à 26 400€ en arboriculture. Seuls 26% des interrogés avaient obtenu une indemnisation, certains agriculteurs bio prenant en charge eux-mêmes le sinistre en détruisant la parcelle contaminée.

« Se retrouver confronté à une contamination peut faire peur, et on ne connaît pas forcément la démarche à adopter », reconnaît David Peyremorte, saluant l’arrivée d’outils concrets comme les kits de prévention. Il estime qu’une meilleure communication avec le voisinage faciliterait beaucoup les choses. « On ne prend pas forcément le temps d’échanger avec les voisins, qui ont souvent une méconnaissance de notre système et de nos obligations », observe-t-il.

Le kit propose notamment une trame de lettre, à adapter selon son contexte, pour expliquer les enjeux de la dérive des pesticides à ses voisins afin d’engager un échange et mettre en place des mesures de prévention.