Comment favoriser les chauves-souris, ces véritables régulateurs d’insectes

Les linéaires végétaux sont primordiaux pour permettre aux chauves-souris d’atteindre leurs zones de chasse. La réimplantation de haies sur les parcelles agricoles dans ce but est un pari gagnant-gagnant car ces petits mammifères-volants mangent de grandes quantités d’insectes.

Ce n’est pas forcément l’auxiliaire de culture la plus visible et pour cause, elle est essentiellement active la nuit. Pourtant, la chauve-souris est un véritable régulateur d’insecte. « Les trente-quatre espèces recensées en France sont insectivores », affirme Cécile Waligora, spécialiste en agroécologie et faune sauvage.

Une étude de 2015 menée aux États-Unis s’est intéressée à la prédation des insectes ravageurs du maïs. Les résultats montrent que les champs dont l’accès étaient interdits aux chauves-souris par des filets avaient des rendements moins importants que les parcelles voisines. En France, de la même manière, des études s’intéressent de plus en plus à la pression qu’exercent ces mammifères volants sur les insectes problématiques en viticulture.

Au-delà des aspects de prédation, les chauves-souris ont également un impact via leurs ultrasons qui stressent les insectes et diminuent leur activité de reproduction. C’est ce qu’a montré une étude française sur la chenille processionnaire du pin en 2015.

Les chauves-souris agissent également dans les élevages. En Anjou, une étude menée par télémétrie a permis de déterminer que trois chauves-souris sur les cinq pucées se rendaient très régulièrement dans des stabulations laitières pour chasser les mouches.

"Certaines espèces sont spécialisées"

« Elles écrêtent les populations d’insectes qui sont les plus présents à un instant T, mais certaines espèces sont aussi spécialisées, explique Benjamin Meme-Lafond, spécialiste des chauves-souris à la LPO Anjou. Par exemple, nous nous sommes aperçus que lors de l’émergence d’une importante ressource alimentaire en bord de la Loire, la chauve-souris y reste pendant une heure, puis elle se dirige quand même vers la stabulation qui est son terrain de chasse habituel pour garder le lien avec ce lieu ».

Avec le soutien financier de la région Pays-de-la-Loire, la LPO étudie les habitudes et les zones de chasses des trois importantes colonies de chauves-souris de l’est du Maine-et-Loire. Le grand rhinolophe et le murin à oreilles échancrées font notamment partie des espèces remarquables présentes dans ce secteur, notamment sur le site Natura 2000 des grottes du Puy-Notre-Dame.

Favoriser les trames paysagères

Malgré leur importance manifeste dans la régulation des insectes, les populations de chauves-souris ne se portent pas au mieux. « Vigie-nature a recensé une baisse d’activité des ondes émises par les espèces de chauves-souris communes de 40 % en 10 ans, indique Benjamin Meme-Lafond. Il n’est pas possible de corréler directement ce chiffre à l’évolution de la population, mais cela reste le signe d’une forte régression ».

L’une des raisons de ce déclin est imputée aux manques d’alignements végétaux. « Ces linéaires sont un repère leur permettant de chasser avec leur système radar », explique Cecile Waligora.

A la LPO Anjou, Sylvie Desgranges travaille avec les agriculteurs du secteur pour rétablir et renforcer ces linéaires. Cette approche a permis d’identifier que Samuel, un éleveur qui échange avec la LPO depuis 2018, avait sur ses terres le dernier passage vers les zones d’alimentation du sud de la colonie. Depuis, 900 mètres de haies ont été plantées sur l’exploitation et plusieurs nichoirs ont été posés.

"Certaines chauves-souris ont gardé la mémoire des trajets"

Le travail sur site a également permis de découvrir la présence de la loutre d’Europe. « Il nous a accueilli curieux et a découvert une bande de naturalistes qui ne savaient pas planter un arbre sans lever la tête pour regarder les oiseaux », sourit-elle. Lorsqu’elle arrive sur une ferme, Sylvie Desgranges étudie avec les agriculteurs les anciennes cartes de 1950 pour retrouver les linéaires autrefois plantés sur la ferme. « Parfois, certaines chauves-souris ont gardé la mémoire de ces trajets, souligne-t-elle. À tel point qu’elles peuvent parfois avoir l’habitude de traverser des routes et des zones dangereuses pour elles ».

Le but est maintenant d’impliquer de plus en plus d’exploitations agricoles. Une visite sur site organisée avec la Chambre d’agriculture du Maine-et-Loire a dû été reportée du fait du confinement. « Mais il y a quand même un phénomène tache d’huile avec le voisinage, se réjouit Benjamin Meme-Lafond. La Région pousse pour que ce type de partenariats se mettent en place. L’intérêt, c’est de créer du lien à long terme entre les agriculteurs et nos adhérents ». Un mouvement déjà largement enclenché chez les viticulteurs bio du secteur : un programme d’action de 2017 à 2019 a permis de planter 950 arbres en agroforesterie et 4350 mètres de linéaire de haies.