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Vendredi 31/10/2025

Le soja, arme diplomatique de Pékin

[Edito] La rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping en Corée du Sud a démontré une fois de plus la maîtrise des leviers économiques agricoles de la Chine pour faire plier les États-Unis. Premier importateur mondial de soja, Pékin a transformé cette graine en véritable instrument diplomatique, avec des répercussions jusqu'aux marchés français.

En représailles aux surtaxes douanières de 20% imposées par Washington depuis mars 2025 sur de nombreux produits chinois, la Chine avait suspendu ses importations de soja des Etats-Unis au profit d'autres pays producteurs. Une arme puissante dégainée par le président chinois Xi Jinping : la Chine, premier importateur mondial de soja (112 millions de tonnes attendues en 2025-2026), absorbe en effet la moitié des exportations américaines. En coupant le robinet des importations de soja, cette décision impacte directement les agriculteurs américains, piliers électoraux de Donald Trump.

Jeudi 30 octobre 2025, la rencontre entre les présidents des deux grandes puissances a finalement débouché sur une désescalade des sanctions : un abaissement des surtaxes à 10% d’un côté, et la reprise des achats de soja de l’autre, sur fond d’accord concernant le fentanyl et les terres rares.

Interdépendances

Ce n'est pas la première fois que la Chine joue la carte du soja. En 2018, durant le premier mandat de Donald Trump, Pékin avait taxé la graine américaine à 25%, faisant perdre près de 10 milliards de dollars annuels à la filière. Au fil des années, la Chine a diversifié ses fournisseurs, notamment du côté de l’Amérique du Sud. Désormais, c’est le Brésil qui fournit à Pékin la majorité de ses graines de soja.

Les Etats-Unis, eux, restent dépendants des importations chinoises, même si les filières américaines, échaudées par ces guerres commerciales, tentent de trouver de nouveaux débouchés.

Deuxième importateur mondial, très loin derrière la Chine, l’Union européenne achète 14 millions de tonnes de graines de soja par an, massivement en provenance du Brésil. Une situation qui se heurte aux volontés du Vieux continent en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de baisse de la déforestation importée, ou encore de réciprocité des normes concernant les importations, le soja brésilien étant en grande majorité OGM.

L’UE fait également les frais de la volatilité des cours et de la redistribution des flux mondiaux de soja. La hausse des prix sur les marchés mondiaux pénalise les industriels et les éleveurs européens, spectateurs des bras de fer sino-américains.

Tout comme la crise du covid et la guerre en Ukraine ont mis en lumière les dépendances énergétiques de l’Union européenne, la guerre diplomatique autour du soja expose la dépendance de l’UE en matière de protéines végétales.

Les oléagineux en hausse

Ces derniers jours, l'annonce de la reprise des achats chinois a provoqué une vague de fermeté sur les marchés. Le cours du soja américain a atteint son plus haut niveau depuis 15 mois.

Pour les marchés français, les répercussions sont concrètes. Le prix des tourteaux de soja remonte en flèche, frôlant désormais les 365 €/t en délivré Montoir, contre moins de 320 €/t seulement 10 jours plus tôt.

C’est le colza qui, au final, profite de cette tension géopolitique. Porté par l’optimisme général sur les oléagineux, il a franchi la barre symbolique des 483 €/t sur l'échéance Novembre d'Euronext.