Démarches bas carbone en bovin viande : gagner sur plusieurs fronts

Améliorer le bilan carbone des exploitations de viande bovine, c’est bon pour l’environnement. L'analyse des résultats sur la région des Pays de la Loire montre que c’est aussi bon pour les finances. Rencontre avec Matthieu Hémery, conseiller en viande bovine en Vendée, qui accompagne régulièrement des éleveurs sur cette thématique.

La rumination est un processus biologique complexe. Elle permet aux bovins de digérer l’herbe et d’autres matières premières riches en cellulose et de les transformer en nutriments assimilables par l’homme. Toute rumination s’accompagne de l’émission de méthane, gaz à fort effet de serre : une molécule de méthane a un pouvoir réchauffant de 28 molécules de CO2.

La méthode CAP'2ER® très largement diffusée

Conscientes de ce « handicap », les filières bovines, lait comme viande, se sont engagées depuis plusieurs années dans des actions visant à améliorer leur bilan carbone, en réduisant leurs émissions de carbone et augmenter leur stockage. L’une des preuves de cet engagement est le nombre de réalisations de diagnostics CAP'2ER®, (Calcul automatisé des performances environnementales pour des exploitations responsables) méthode officielle de mesure des impacts positifs et négatifs des exploitations sur l’environnement et notamment de leur impact carbone.

Fin 2023, plus de 37 000 diagnostics de ce type avaient été réalisés en France depuis la création de l’outil, en 2015. Parmi ces diagnostics, une large majorité concerne les exploitations bovines : environ 20 000 en bovins lait et 10 000 en bovins viande. Conseiller d’élevage chez Bovins croissance Sèvres-Vendée Conseils, Matthieu Hémery est l’un des acteurs de terrain de ces diagnostics : il en réalise depuis plusieurs années chez des éleveurs viande dans le cadre de démarches « Fermes Bas carbone », en grande partie financées par Interbev et la région des Pays de la Loire.

Zoom sur les diagnostics en bovins viande en Pays de la Loire

À partir des accompagnements qu’il a réalisés et des résultats obtenus sur la région dans plus de 300 exploitations en viande bovine, Matthieu Hémery confirme : 60 % des émissions en équivalents carbone des élevages proviennent de la fermentation entérique. La gestion des effluents, représente environ 22 % des émissions. Viennent ensuite l’alimentation des animaux et la fertilisation pour environ 8 % des émissions chacun. Dans la région, les émissions sont en général compensées à hauteur de 25 % par le stockage (prairies, haies).

En toute logique, chez les éleveurs qui s’engagent dans une amélioration de leur bilan carbone, les actions mises en œuvre sont majoritairement liées au troupeau (48 % des actions), puis aux rations et fourrages (28 % des actions), à la conduite des cultures (19 %) et à la gestion des fumiers (7 %).

Réduire l’improductivité

Comme les bilans carbone s’expriment par kilo de viande produite, la majorité des actions liées au troupeau visent à augmenter la productivité par animal. « L’action la plus utilisée par les éleveurs est la réduction de l’âge au premier vêlage, de 36 à 30 mois, qui peut être obtenue grâce à un suivi attentif de la croissance des génisses » décrit Matthieu Hémery.

Autre action souvent mise en œuvre : la réduction de la mortalité des veaux : « Améliorer les conditions de vêlages, mettre en place des outils de détection permet de réduire cette mortalité », assure le conseiller, « au final, sur un troupeau moyen de 75 vaches, baisser la mortalité de 12 à 8 %, c’est 3 jeunes bovins de plus par an ! ». D’autres leviers liés au troupeau améliorent également les performances carbone, comme le progrès génétique, l’augmentation des croissances et la réduction de la durée d’engraissement, la maîtrise de la reproduction…

Sur l’alimentation, les voies d’amélioration sont la meilleure valorisation du pâturage, l’optimisation de l’indice de consommation, l’autoconsommation des céréales, l’amélioration de la qualité des fourrages, l’introduction de légumineuses… Enfin, sur le volet cultures, les actions entreprises sont l’optimisation de la fertilisation, la plantation de haies, l’allongement de la durée de vie des prairies ou l’introduction de cultures de légumineuses…

 

 

14,7 eq CO2/kg VV : une exploitation dans la fourchette haute

Pour appuyer son propos, Matthieu Hémery prend l’exemple d’une exploitation sur laquelle il a réalisé un accompagnement bas carbone : un élevage naisseur-engraisseur de 65 VA en zone bocagère de Vendée (145 ha, dont 76 de cultures et 57 de prairies), dont toutes les génisses vêlaient à 36 mois. En 2021, cet élevage a réalisé un diagnostic CAP'2ER® et obtenu un bilan
carbone de 14,7 unités de CO2 par kg de viande vive produite : « Cela le situe plutôt en fourchette haute, car la moyenne régionale est à 13,5. ». 
Un plan d’actions sur 5 ans est alors mis en place, avec pour objectif de baisser d’au moins 10 % les émissions nettes de carbone de cette ferme. En 2023, seulement à mi-parcours du plan d’action, Matthieu Hémery décrit les changements réalisés :

- passage des trois quarts des génisses en vêlage à 30 mois
- réduction de la mortalité des veaux de 12 à 8 %
- implantation de 5 ha luzerne et de 4 ha lupin
- amélioration des rations de la ferme (avec moins d’achat extérieur de correcteur)…

La démarche bas carbone, c’est bon pour le moral

Si l’impact sur le bilan carbone n’a pas encore été calculé (un nouveau diagnostic sera fait à l’issue des 5 ans, mais l’objectif des 10 % sera sûrement dépassé), l’éleveur est déjà en mesure d’évaluer des impacts économiques considérables : « 3750 € en moins sur la conduite des génisses, 2700 € en moins de charges d’aliments et 4 veaux sevrés en plus, ce sont 10 700 EBE supplémentaires » décrit Matthieu Hémery. « Et cela, sans même compter les aides PAC pour les légumineuses, et la vente de crédits carbone à l’issue des 5 ans », poursuit le conseiller. Dans le cas de cette exploitation, ce seraient environ 8500 € de crédits carbone qui pourraient être versés, mais au regard des gains d’EBE, « ces crédits carbone ne sont que la cerise sur le gâteau ».

Chez cet éleveur, le gain n’est pas que financier : avoir introduit des légumineuses et veillé à la qualité de ses fourrages le rend beaucoup moins dépendant des achats extérieurs : « Même en cas de sécheresse, il n’aura plus « à courir » partout pour trouver du foin. Il se trouve dans un contexte psychologique plus confortable. » Moralité : améliorer son bilan carbone, c’est bon pour l’environnement, c’est bon pour les finances et en plus, c’est bon pour le moral !