Au pâturage, et surtout à la mise à l’herbe, les maladies métaboliques vous guettent

Au pâturage, plus qu’en bâtiment, les troubles métaboliques auxquels peuvent être sujets les animaux représentent une réelle menace. En effet, ils sont souvent le résultat de régimes alimentaires fluctuants, et de transitions brutales, et l’herbe pâturée est par définition un fourrage de qualité très variable. Voici les quelques troubles plus ou moins fréquemment observables, et quelques éléments pour les repérer, et les corriger.

1. La tétanie d’herbage : la bête noire du début de saison

Qu’est-ce que c’est ?

La tétanie d’herbage est un trouble de la nutrition minérale, qui se traduit dans les cas les plus extrêmes, à la contraction générale de tous les muscles de l’animal, et par conséquent à sa mort. Ceci étant dû à une concentration sanguine en magnésium insuffisante, provoquée par la faible teneur en magnésium de l’herbe jeune. Elle est accentuée par un temps froid et humide, qui mobilise des réserves et consomme du magnésium pour maintenir la température corporelle de l’animal.

Comment le repérer ?

Dans la pratique, il est rare qu’aucun signe précurseur n’apparaisse avant la mort de l’animal, cependant, peu de signes sont clairement caractéristiques. Ainsi, l’apparition de tremblements, de troubles digestifs et de baisse d’appétit sont précurseurs d’une chute en magnésium.

Comment le corriger ?

Si cela est repéré à temps, il est alors possible d’une part de limiter la consommation d’herbe au pâturage, par la distribution de fourrages riches en cellulose (foin), mais aussi et surtout de distribuer 30 à 50 g de magnésie, ou de chlorure de magnésium par animal, pour ainsi compenser la carence.

Malheureusement, une fois que la tétanie se manifeste, il est déjà trop tard. Ainsi, il est souvent préférable de limiter le pâturage d’herbe jeune dans un premier temps, et de distribuer un complément de magnésium avant la mise à l’herbe. Les transitions brutales sont à éviter au possible.

2. Météorisation

Qu’est-ce que c’est ?

Il s’agit d’une accumulation anormale de gaz dans le rumen, pouvant amener à la mort rapide de l’animal, par asphyxie. Cette accumulation excessive peut avoir deux causes. Soit les voies respiratoires de l’animal sont obstruées, auquel cas l’évacuation de gaz issu du rumen ne peut se faire (météorisation gazeuse), soit les gaz formés sont emprisonnés dans une « mousse » formée essentiellement de protéines (météorisation spumeuse). Dans tous les cas, pour qu’il y ait production intense de gaz, il faut qu’il y ait une ingestion rapide et intense d’aliments rapidement dégradables.

Comment le repérer ?

Le gonflement rapide et important du flanc gauche de l’animal est assez impressionnant chez les individus atteints de météorisation. Il convient d’être particulièrement vigilant en cas d’ingestion d’aliments riches en eau, pauvres en fibres, et en particulier riches en protéines solubles. Ainsi, en effet, les légumineuses et les crucifères, à l’exception de celles qui sont riches en tannins (Lotier, …), sont les plantes les plus sujettes à ce problème. Il convient d’être particulièrement vigilant lors du pâturage de prairies riches.

Comment le corriger ?

Comme pour tout trouble métabolique, le pâturage important et rapide de plantes à risque est à éviter. Ainsi, l’ingestion en amont de fourrages grossiers, ainsi que la limitation du temps de pâturage sont autant de précautions à prendre pour réduire fortement les risques. En cas d’apparition de symptômes de météorisation, il est recommandé de vérifier l’absence de corps étrangers dans l’oesophage de l’animal. Si cela n’est pas suffisant, l’administration de produits réduisant l’apparition de mousse (huiles, paraffine, …), ou une opération mécanique est rapidement nécessaire. Dans les deux cas, une bonne préparation de la mise à l’herbe et le maintien de pratiques préventives suffisent à s’en prémunir. Or, les deux troubles présentés ci-dessus ont beau être les plus fréquents au pâturage, ce ne sont pas les seuls.

3. L’acidose au pâturage : mythe ou réalité ?

Qu’est-ce que c’est ?

En théorie, le pâturage massif d’herbe peu fibreuse, et riche en sucres solubles, peut avoir pour conséquence une acidification anormale du rumen, due à la production très rapide d’acides gras volatiles (et en particulier d’acide lactique), lors de la dégradation des sucres rapides par les microorganismes spécialisés. Cependant, en général, les symptômes ne s’observent que très rarement au pâturage, d’autres troubles se manifestant plus tôt. Cependant, dans le cas d’un pâturage d’une faible quantité d’herbe riche en sucres et relativement pauvre en protéines solubles, et d’une distribution complémentaire orientée vers des céréales et/ou de l’ensilage de maïs, ce trouble n’est cependant pas totalement impossible.

Comment le repérer ?

Généralement, une baisse de production, accompagnée d’une baisse du ratio TB/TP (< 1.25), et de diarrhées « jaunes » (bouses pâles et qui pétillent), sont des signes assez caractéristiques d’acidose.

Comment le corriger ?

Comme pour corriger une ration d’hiver très riche en amidon, l’apport de fibres réoriente la flore ruminale, et la production d’acides gras volatiles. De même, il ralentit le transit, et améliore la salivation, qui est elle-même une substance tampon. Au pâturage donc, il conviendra d’affourager en fibres, ou bien de s’orienter vers de l’herbe ayant atteint un stade plus avancé.

4. Acétonémie ou Cétose

Qu’est-ce que c’est ?

L’acétonémie, ou cétose, est un trouble métabolique qui a pour cause une accumulation de corps cétoniques dans le sang, qui sont la résultante de la dégradation de graisses de réserves dans le foie. Cela est principalement dû à des rations particulièrement pauvres en énergie, mais aussi parfois à un défaut de fibres qui pénalise la valorisation de l’énergie ingérée. En général, une transition trop rapide avec de l’herbe très jeune et donc peu fibreuse en est la cause majeure. Cela touche particulièrement les animaux à forts besoins énergétiques (débuts de lactation en particulier).

Comment le repérer ?

L’acétonémie se détecte la plupart du temps par une baisse de production, combinée à une hausse de TB et une baisse de TP. Il est généralement considéré qu’en début de lactation, un rapport TB/TP supérieur à 1.33 est un signe d’acétonémie. Une vache ayant un TB de 43g/kg, et un TP allant jusqu’à 32g/kg est ainsi potentiellement atteinte. De plus, quand la chute de production se combine avec un amaigrissement, une baisse de l’appétit, surtout vis-à-vis des concentrés, cela confirme ce trouble. Dans un second temps, l’acétonémie se manifeste à travers l’abattement de l’animal, la constipation, la somnolence ou le pica, et par l’odeur caractéristique d’acétone («pomme verte») dans le lait, les urines ou l’haleine de l’animal.

Comment le corriger ?

Pour les vaches gardant un bon appétit, on peut davantage orienter la complémentation vers des sources d’énergie rapides (amidons peu protégés). Attention cependant à ce que cet apport ne perturbe pas l’ingestion d’herbe et de fourrages grossiers, car le risque que les troubles évoluent vers des troubles d’acidose sont réels. Dans le cas du pâturage d’herbe particulièrement jeune et riche en sucres, l’apport doit s’orienter vers des fourrages grossiers, afin de favoriser la valorisation des sucres.

Sur les vaches ayant un état excessif (>4), ou si une baisse d’appétit est constatée, l’apport de monopropylène glycol, ou de propionate de sodium s’avère nécessaire.

Mais avant tout, les risques d’acétonémie sont fortement réduits par une bonne gestion du tarissement. D’une part, afin d’éviter la prise d’état et de maintenir une bonne capacité d’ingestion, il faut privilégier le fourrage grossier à l’ensilage de maïs. D’autre part, il est nécessaire de revenir en douceur au système d’alimentation du troupeau laitier en fin de tarissement. Ainsi, la réintégration progressive des fourrages destinés aux vaches laitières peut se faire 2 à 3 semaines avant de réintégrer l’animal au troupeau en production.

En définitive, si votre troupeau est atteint d’un trouble quelconque au pâturage, il est souvent bien plus efficace d’en comprendre la cause plutôt que d’en observer les symptômes. Cependant, le maintien d’une quantité de fibre satisfaisante, et l’application de transitions alimentaires douces, permettent de se prémunir de la plupart des risques.