Des outils innovants pour désherber des cultures à haute valeur ajoutée

Le challenge de la réduction des herbicides est particulièrement difficile à relever pour les végétaux à haute valeur ajoutée comme les plantes aromatiques et médicinales ou les cultures porte-graines. Dans le Maine-et-Loire, une démonstration de matériels de désherbage mécanique et de précision a été organisée le 13 avril dernier auprès d'agriculteurs et de techniciens.

Les herbicides n'ont vraiment plus la cote en agriculture. Dans toutes les productions végétales, on cherche à réduire leur usage, voire à les remplacer. Parfois volontaire, cette réduction est de toute façon souvent contrainte par les retraits de produits ou d'homologation sur certaines cultures.

Ce challenge de la réduction de l'emploi des herbicides est particulièrement difficile à relever sur les productions végétales à forte valeur ajoutée que sont les PPAM (plantes à parfum, aromatiques et médicinales) et les cultures porte-graines (production de semences). Pour elles, le désherbage approximatif n'est pas une option : elles ont des standards de qualité élevés, qu'il s'agisse de pureté du produit ou de garantie d'absence de contaminants (chimiques ou naturels, issus des adventices par exemple). En outre, dans ces deux filières, la demande de produits certifiés bio est importante.

Un projet pour trouver des solutions techniques

Pour être pérennes, ces deux filières doivent donc continuer à maîtriser efficacement leurs adventices et les enjeux économiques sont importants : la filière de production de semences en France représente 360 000 hectares, implique 19 000 exploitations et pèse pour environ 3,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires chaque année. Celle des PPAM occupe 65 000 hectares, 6 500 exploitations, pour un chiffre d'affaires estimé de 150 millions d'euros. Difficulté technique supplémentaire : ces deux filières couvrent une grande diversité d’espèces : 152 en semences et 150 en PPAM, souvent cultivées selon des modalités spécifiques, comme des cycles de cultures très longs ou encore des densités de produits faibles...

C'est autour de ce sujet que s'est monté en 2021 et pour 3 ans, le projet AgroPAMS. Porté par la FNAMS (Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences), l’Iteipmai (Institut technique des plantes aromatiques, médicinales et à parfum), la coopérative Hemp-it (coopérative de production de semences de chanvre industriel) et le pôle de compétitivité Vegepolys Valley, il vise à identifier les techniques et équipements utilisables sur ces cultures spécialisées, à les tester en collaboration avec les constructeurs, puis à partager avec les agriculteurs utilisateurs les connaissances acquises.

Dans le cadre de cette mission de partage, une journée « Désherb'expo » a été organisée le 13 avril dernier à Loire-Authion (49), en plein cœur de l'Anjou, l'un des bassins de production de ces cultures. Une vingtaine de constructeurs et de distributeurs ont été invités à présenter leurs matériels sur des stands, mais surtout in situ, sur des parcelles de PPAM et de cultures porte-graines.

« A l'issue de cette journée, les retours des exposants sont très positifs, décrit Valérie Trijean, responsable communication de la Fnams. C'était l'occasion pour eux de rencontrer leur public ». Ce « public » de producteurs de semences et de PPAM, n'est en effet pas toujours très bien identifié par les constructeurs de matériels comme cible de marchés à conquérir. C'était aussi l'un des enjeux d'AgroPAMS : montrer aux constructeurs tout le potentiel de ces filières.

De la bineuse améliorée au pulvérisateur intelligent

Côté visiteurs, plus de 500 personnes sont venues à Desherb'expo, dont une majorité d'agriculteurs et de techniciens. Là encore, retours très positifs, notamment « sur la diversité des matériels présentés », commente Camille Guérin, responsable du projet AgroPAMS à la Fnams. Les partenaires du projet ont en effet pris soin de sélectionner des matériels innovants, certains très technologiques, mais d'autres présentant des innovations seulement de l'ordre « mécanique ».

Parmi les innovations les plus « accessibles », purement mécaniques, on trouvait ainsi le Rotosark, d'Oliver Agro, une bineuse équipée d’outils sarcleurs conçus pour arracher les adventices au plus près du rang sans abîmer le système racinaire de la culture en place. Le constructeur précise que cette bineuse peut travailler sur toutes les cultures ayant un écartement entre les rangs supérieurs à 40 cm.

Dans la catégorie des matériels assez accessibles, on trouvait aussi le Toutilo, du constructeur Touti Terre, un outil polyvalent léger à motorisation électrique, pouvant être télécommandé à distance et déjà très présent dans le monde du maraîchage diversifié (150 Toutilos sont en service en France). Le Toutilo peut porter des personnes (il est connu notamment pour son « lit de désherbage manuel »), mais peut aussi être équipé de modules intelligents et de précision. Le Toutilo présenté à Desherb'expo comprenait un module de microbinage de précision, avec caméra, capable de travailler dans des inter-rangs de quelques centimètres d'une culture de coriandre.

Outil léger, piloté par télécommande, le Toutilo de Touti Terre est ici muni d'un système de désherbage hyper précis capable de travailler sur des rangs de jeunes plants de coriandre. (Photo Catherine Perrot)

Du côté des outils plus technologiques et onéreux, le distributeur Mac a présenté le pulvérisateur Ara du suisse Ecorobotix, un outil tracté capable de pulvériser des produits avec une précision de 6 cm sur 6 cm, soit plante par plante ! Grâce à son intelligence artificielle en perpétuelle amélioration, ce pulvérisateur distingue les adventices des cultures et calcule les concentrations de produits à pulvériser. L'économie de produit peut aller jusqu'à 95 % par rapport à une pulvérisation standard.

Le pulvérisateur intelligent Ara, de l'entreprise Ecorobotix, ici en cours de dépliement. Ce pulvérisateur est capable de distinguer les adventices des cultures et de réaliser des pulvérisations hyper localisées. (Photo Catherine Perrot)

Robot autonome à tout faire

Enfin, très représentés également parmi les matériels innovants, les robots autonomes ont également montré leur efficacité de désherbage. C'était le cas notamment du nantais Trektor, de l'entreprise Sitia, un tracteur robot très polyvalent, capable de travailler en viticulture, maraîchage, arboriculture et donc également en cultures porte-graines.

Le directeur général de Sitia, Fabien Arignon, entend faire de son Trektor le nouveau tracteur polyvalent à tout faire dans les exploitations : « C'est un tracteur d'entrée de gamme, de 50 à 60 CV, et qui peut être attelé avec tous les outils déjà présents sur les exploitations ». En développement depuis plusieurs années, le Trektor est désormais prêt à passer à une échelle de production de masse, et il est en recherche de partenaires industriels. Il vient de recevoir une belle reconnaissance de sa pertinence pour la réduction des produits phyto en figurant dans la liste des 23 outils éligibles neufs  à une subvention dans le cadre du plan France 2030 de FranceAgriMer.