Pénurie de beurre : info ou intox ?

Depuis plusieurs semaines, internet et les réseaux sociaux s'emballent au sujet d'une pénurie de beurre. Vraie pénurie ou "tensions" provisoires sur le marché? D'après Baptiste Lelyon, experts productions animales, Crédit Agricole SA : "il y a certes des tensions, mais elles restent localisées et souvent de courte durée."

Y-a-t-il une pénurie de beurre ? 

Baptiste Lelyon: "Il est délicat de parler de pénurie. Cela signifierait que la production de beurre est à l'arrêt et qu'il n'y aurait plus d'approvisionnement des supermarchés ou des industriels. Or ce n'est pas du tout le cas. Il y a certes des tensions, mais elles restent localisées et souvent de courte durée. Les prix d'achat du beurre par la GMS ont été fixés en février dernier lors des renégociations des contrats pour l'ensemble de l'année et certaines enseignes rechignent à renégocier les prix à la hausse. En conséquence, les industriels laitiers arbitrent les fabrications et choisissent en priorité d'utiliser le lait pour faire des fromages dont le commerce est en ce moment très dynamique. Les délais d'approvisionnement s'allongent donc un peu, mais hormis de rares cas, les supermarchés restent approvisionnés en beurre.

Il est vrai que le prix de la matière grasse sur le marché international a plus que doublé en 18 mois pour dépasser les 6 500 €/tonne fin octobre. Cette hausse s'explique par plusieurs facteurs. Tout d'abord, la consommation de beurre a rebondi depuis que plusieurs études scientifiques ont réhabilité le beurre comme bénéfique pour la santé. Ensuite, de nombreux industriels utilisent désormais du beurre à la place de l'huile de palme pour certaines fabrications. Enfin, la viennoiserie et la pâtisserie française connaissent un boom à l'étranger et particulièrement en Asie."

Dans un contexte de forte augmentation du prix du beurre, que pensez-vous du prix payé au producteur ? 

B. L. : "Le prix du lait payé au producteur a connu une forte embellie au cours des derniers mois. L'année passée, celui-ci était de 293 €/1000 litres (prix du lait standard, source FranceAgriMer) et il s'établit aujourd'hui à 349 €/1000 litres en moyenne française. La hausse est donc de 19 %. Certes, celui-ci n'a pas doublé comme le beurre mais il faut savoir que dans un litre de lait il n'y a pas que de la matière grasse. Un litre de lait contient en moyenne 38 grammes de matière grasse et 32 gramme de protéines. Il faut donc prendre en compte la valorisation complète de ce litre de lait avec l'ensemble de la matière utile qu'il contient. A ce jour, le marché de la protéine laitière (poudre de lait, ndlr) est, à l'inverse du beurre, très déprimé. Le prix de la tonne de poudre de lait écrémé sur le marché international est aujourd'hui de 1 600 €/tonne en baisse de 20 % par rapport à l'année passée. Il s'agit d'un niveau extrêmement bas, inférieur au tarif d'intervention de la Commission Européenne. Le prix du lait payé au producteur intègre donc ces deux composantes et c'est pour cela qu'il n'évolue pas de la même façon que la cotation du beurre."

Cette « tension » va-t-elle durer ?

B. L. : "L'ensemble des acteurs de la filière reconnaissent que la tension sur le marché de la matière grasse devrait se poursuivre sur l'automne et probablement une partie de l'hiver. La demande devrait rester dynamique et seule une augmentation importante des quantités mises sur le marché ferait baisser les prix. Toutefois, on observe déjà une inflexion. Au cours des derniers jours, la cotation du beurre sur le marché mondial a subi une correction à la baisse : les niveaux atteints étaient stratosphériques.

La situation devrait également se détendre avec l'augmentation progressive de la production laitière française et européenne. Celle-ci connaît son point bas saisonnier au mois d'août pour augmenter en automne et hiver avec les vêlages des animaux. Cependant, une augmentation de la production de beurre signifierait également une hausse de la production de poudre. Le dilemme restera donc entier pour les industriels si le marché de la protéine ne rebondit pas. Cela ne semble pas à l'ordre du jour avec des stocks publics de plus de 370 000 tonnes qui continuent de peser sur le marché."

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