Fausse viande et fin de l’élevage : pourquoi le RIP dérange les syndicats agricoles

A l’initiative de trois grands patrons du digital, la pétition pour un référendum d'initiative partagée (RIP) sur la cause animale dérange les syndicats agricoles. Ils voient dans cette démarche une étape vers la fin de l’élevage en France et dénoncent les intérêts financiers des promoteurs du référendum, dont Xavier Niel, dans les start-up de viande artificielle.

Début juillet, trois grands patrons de la tech, Xavier Niel, Marc Simoncini et Jacques-Antoine Granjon, lançaient une pétition pour un référendum d'initiative partagée (RIP) sur la cause animale. Six mesures sont proposées : l’interdiction de l’élevage en cage et de l’élevage à fourrure à partir de 2025, l’interdiction de la construction de nouveaux bâtiments d’élevage sans accès au plein air, l’interdiction de la chasse à courre, l’interdiction des spectacles avec des animaux sauvages et l’interdiction de l’expérimentation animale dès lors qu’une méthode alternative existe.

Le référendum d’initiative partagée (RIP) permet de soumettre une proposition de loi au référendum si elle est soutenue par au moins 185 parlementaires et 10% des personnes inscrites sur les listes électorales (soit 4,7 millions). Au 24 septembre, 770 000 personnes et 142 parlementaires soutenaient la proposition, aux côtés d’une vingtaine d’associations de défense des animaux, parmi lesquelles L214. Un soutien qui fait grincer les dents dans les rangs des syndicats agricoles.

« Sous couvert de prôner la bientraitance animale, les associations comme L214 sont abolitionnistes et veulent en finir avec l’élevage », déplore Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, qui ne souhaite pas signer cette pétition.

Le syndicat, pourtant prompt à défendre le bien-être animal et la « désindustrialisation » de l’agriculture, ne voit dans cette pétition « que des éléments techniques de bien-être animal sans prendre en compte le paysan ni les enjeux économiques ».

"Pour qu’il y ait une transition, il faut de l’accompagnement"

« Pour qu’il y ait une transition, il faut de l’accompagnement par des politiques publiques fortes, poursuit Nicolas Girod. On ne peut pas pousser les paysans à aller vers des mesures de bientraitance animale si leurs revenus ne sont pas sécurisés et si l’on n’a pas de vision globale de l’avenir de l’élevage en France : quel élevage veut-on, avec quelles pratiques, avec combien de paysans ? »

« Sans vision à long terme, les mesures techniques qui auront été mises en place seront impossibles à tenir dans un contexte de libre-échange, de concurrence et de recherche du prix le plus bas possible », conclut-il.

Usine de substituts à la viande

Les intérêts économiques des patrons à l’initiative de la pétition pour le RIP sont également pointés du doigt. La semaine dernière, la start-up française "Les nouveaux fermiers" lançait la première usine en France de substituts végétaux à la viande. Ses fondateurs indiquent produire quelque 6 tonnes par jour de "steaks", "nuggets", et "aiguillettes" réalisés à partir de protéines de blé, de pois jaune ou de soja.

Problème : parmi les investisseurs de cette start-up figure notamment par le fonds d'investissement de Xavier Niel. « D’un côté, [Xavier Niel] prône l’arrêt de l’élevage. De l’autre, il se positionne sur un marché nouveau qui serait bien aidé par la fin de l’élevage. Ce mélange des genres est terriblement gênant pour notre démocratie », alerte-t-on à la FNSEA.

"Les plus grands promoteurs de la fin de l’élevage sont les premiers promoteurs de la fausse viande"

Et le syndicat de poursuivre : « Comment peut-on croire à l’honnêteté de certains « milliardaires du numérique », initiateurs du référendum d’initiative populaire (RIP) pour les animaux qui, se drapant publiquement de vertu pour la cause animale, cherchent en réalité à réaliser une OPA sur la viande ? Rappelons que les plus grands promoteurs de la fin de l’élevage sont les premiers promoteurs de la fausse viande, ultra-transformée, et dont le taux de profit n’a pas d’équivalent à ce jour. »

Craintes de distorsions de concurrence

Pour la Coordination rurale (CR), « ce n’est pas au suffrage universel de réglementer une profession et ses pratiques ». « Le seul effet de ce RIP serait d’accentuer la perte d’indépendance alimentaire […] et favoriserait la multiplication d’accords de libre-échange tels que le CETA ou le Mercosur. Pire encore, les éleveurs qui croulent déjà sous la sur-transposition des normes européennes se verraient concurrencés au sein même de l’UE par des pays qui sont très loin de pratiquer l’élevage paysan ».

Toujours est-il que le sujet de la bientraitance animale sera à l’ordre du jour des débats en séance publique à l’Assemblée nationale le 8 octobre. Y sera discutée une proposition de loi relative aux conditions de vie des animaux, déposée par les députés Cédric Villani et Matthieu Orphelin, qui reprend les principales mesures soutenues par les promoteurs du RIP. Elle est néanmoins complétée, dès son premier article, de la création d’un fonds de soutien pour accompagner les éleveurs dans ces transitions.