Fièvre Q : une maladie à connaître pour mieux la maîtriser

La fièvre Q est une zoonose aux impacts potentiellement importants, pour les ruminants comme pour les humains. Elle n'est cependant pas suffisamment connue et reconnue par les acteurs de terrain. Pour mieux la faire connaître, et donc mieux la maîtriser, un « comité fièvre Q » s'est constitué en 2020. Il produit, rassemble et diffuse les connaissances sur cette maladie, notamment sur un site mis en ligne en février dernier.

« One health », « une seule santé » : depuis que l'épidémie de Covid bouleverse le monde entier, ce concept de lien étroit entre la santé des animaux et celle des hommes (voire celle de la planète) est de plus en plus connu et reconnu. Le Covid est très probablement une zoonose, c'est-à-dire une maladie pouvant se transmettre de l'animal à l'homme (et vice-versa). Il est loin d'être la seule. Selon l'OIE (Organisation mondiale de la santé animale, auparavant Office international des épizooties), 60% des maladies infectieuses humaines sont des zoonoses et 75% des maladies « émergentes » sont des zoonoses.

Une bactérie très présente

La fièvre Q est une zoonose fréquente dans les élevages de ruminants en France. En effet, la bactérie responsable de la maladie, Coxiella burnetii, est présente dans plus d'un élevage bovin sur trois, un élevage ovin sur deux et près de deux élevages caprins sur trois. Chez les ruminants, l’infection est le plus souvent asymptomatique : elle passe inaperçue. Cependant, dans sa forme clinique, la fièvre Q entraîne des troubles de la reproduction : infertilité, avortements en fin de gestation, mises-bas prématurées, non-délivrances, et naissances de veaux, chevreaux et agneaux chétifs.

Chez l’Homme, là aussi, l'infection par la bactérie n'engendre généralement pas de symptômes. Mais lorsque la fièvre Q s’exprime, elle se manifeste sous la forme d’une fièvre et de douleurs musculaires, parfois accompagnées de signes digestifs ou respiratoires (toux). Comme c'est le cas pour le Covid, les personnes fragiles ou à risque peuvent développer des complications de la maladie. Ces dernières années, de nombreux cas d’épidémies de fièvre Q humaine ont été rapportés en France et en Europe. Chaque année, en France, au moins 200 hospitalisations liées à la fièvre Q sont signalées. Mais les experts de la maladie pensent que ce nombre est sous-estimé.

Ces « experts » de la fièvre Q, qui la surveillent depuis plusieurs années, sont des vétérinaires, enseignants-chercheurs et chercheurs (écoles vétérinaires, Inrae, Idele), et des représentants d'organisations de terrain (GDS France et SNGTV). Ils ont décidé, en janvier 2020, de se constituer en « comité Fièvre Q », organisation qui dispose, depuis février dernier, d'un site internet : comitefievreq.com.

La transmission de la fièvre Q aux humains concerne les éleveurs et leurs personnels, les visiteurs, les personnes au voisinage d’un site infecté, mais aussi les intervenants en élevage, les personnels d’abattoir et de laboratoire. La fièvre Q est une maladie professionnelle indemnisée.

Une maladie et ses incidences mal connues

« Les raisons qui nous ont poussés à créer ce comité est le constat partagé entre différents acteurs de la santé animale du besoin de diffuser les informations sur la fièvre Q, qui, bien qu'elles soient nombreuses, ne sont pas connues de tous », décrit Raphaël Gatteo, professeur en médecine bovine à Oniris (école vétérinaire de Nantes), coprésident du comité (avec Christophe Brard, président du SNGTV, organisation représentant les praticiens de terrain). « Cela aboutit sur le terrain à un sous-diagnostic de la maladie et à une hétérogénéité dans la mise en place de mesures de lutte ».

L'une des premières actions de ce comité a été de faire un point exact sur l'état des connaissances sur le terrain, par le biais d'une enquête réalisée par un institut de sondage auprès de 375 éleveurs, 100 vétérinaires et 100 médecins en zones rurales. Il apparaît que la maladie est connue en moyenne par trois éleveurs sur quatre, mais avec une proportion plus forte chez les éleveurs de petits ruminants (et donc moins forte chez les éleveurs de bovins). Parmi eux, 12% déclarent y avoir été confrontés personnellement (animaux dans leur élevage, ou eux-mêmes ou un de leurs proches). Moins d’un éleveur sur deux identifie les avortements comme un signe cardinal de la fièvre Q, et très peu d'entre eux songent à la gestion des avortons, morts-nés et effluents, comme moyens de lutte contre la maladie (qui est pourtant essentielle).

L'un des leviers majeurs de lutte contre la Fièvre Q est la gestion scrupuleuse des avortons et placentas (très contaminants) et la déclaration systématique des avortements. La fièvre Q est la deuxième cause infectieuse d'avortements répétés dans les élevages de ruminants et même la première cause chez les caprins.

Du côté des vétérinaires ruraux, un sur deux affirme avoir été confronté à la maladie dans les élevages qu'il suit. Les praticiens connaissent la maladie et ses impacts majeurs sur les animaux (avortements), mais pas forcément tous ses symptômes (troubles de la reproduction en général). Ils ne proposent pas très souvent la vaccination. Quant aux médecins, ils ont une connaissance approximative de la maladie : par exemple, ils ne sont pas informés de l'existence de cas groupés de fièvre Q ces dernières années. Un médecin rural sur quatre a néanmoins déjà eu des patients atteints de cette maladie.

Face à cette nécessité de mieux informer et sensibiliser les acteurs de l'élevage, et en particulier, les éleveurs et leurs vétérinaires, le comité Fièvre Q a ainsi compilé les informations sur la maladie et les diffuse notamment sous formes de fiches pédagogiques et très synthétiques sur son site. « Grâce aux progrès récents des connaissances scientifiques et des méthodes de gestion, on peut lutter efficacement contre la fièvre Q, décrit Raphaël Gatteo. Notre objectif est d’apporter des réponses pratiques ciblées, adaptées aux besoins de chacun, éleveur, vétérinaire, technicien, médecin ».