Gaspillage alimentaire : le don pour sauver des tonnes d’aliments

En cas de surproduction ou de récolte déclassée, le don agricole peut permettre d’éviter de générer du gaspillage alimentaire. D’année en année, les circuits de don se perfectionnent et permettent aux exploitants de signaler des volumes disponibles en quelques clics.

De par le caractère aléatoire qui caractérise sa production, le secteur agricole a depuis toujours été un acteur majeur du don alimentaire. Les causes peuvent être des rendements plus importants que prévus qui ne trouvent pas preneur sur le marché. Mais aussi des défauts d’aspect des productions dus à des aléas climatiques et refusés par la distribution, notamment en fruits et légumes. Les conséquences sont les mêmes pour les producteurs : des tonnes de productions coincées au stade expédition, voir non récoltées.

Depuis le début des années 2010, le don agricole s’est organisé à l’échelle nationale pour répondre aux enjeux de la réduction du gaspillage alimentaire. Au-delà de l’anti-gaspi, le don de matière première agricole permet également de lutter contre la précarité alimentaire. Dans les Pays de la Loire, la pandémie de covid et le confinement ont bien montré la complémentarité de ces deux enjeux. La région a racheté aux agriculteurs en manque de débouchés les productions habituellement destinées à la restauration collective, puis les a redistribuées aux associations de dons alimentaires régionales. Depuis la fin de la pandémie, la région œuvre à poursuivre ce dispositif mais sous forme de don du secteur agricole.

Trouver les bons interlocuteurs locaux

L’incontournable association Solaal, fondée par Jean-Michel Lemetayer et Angélique Delahaye qui en est toujours présidente, s’est érigée comme tête de pont sur le sujet. Depuis 2013, elle a assuré la logistique de 30 000 tonnes de denrées alimentaires et 60 millions de repas entre les agriculteurs et les associations en charge de la distribution.

Si l’association est emblématique du don agricole, elle n’en est pour autant pas l’alpha et l’oméga. De nombreux agriculteurs ou stations fruitières et légumières se mettent directement en contact avec les associations habilitées par l’État. « Nous faisons des dons tous les jours, déclare Cédrick Gallot, directeur du GPLM, groupement coopératif légumiers normand. Quand il reste une palette ou une demi-palette de produit, avec l’accord du producteur, nous prévenons les associations partenaires. Nous travaillons avec la banque alimentaire de la Manche et une antenne des Restos du Cœur en local ». Même son de cloche en Bretagne au sein de la ferme Ty Coz à Saint Pol de Léon. « Nous faisons des dons aux Restos du Cœur sur les produits qui sortent des standards », assure Julien Séité, l’un des exploitants.

Une compensation économique du don

En plus de la lutte contre le gaspillage et de la précarité alimentaire, le don agricole représente également un intérêt économique pour les agriculteurs. Si les produits sont donnés à des associations habilitées par l’État, ces dernières peuvent fournir une attestation qui ouvre droit à une déduction fiscale à hauteur de 60% de la valeur du don, avec un plafond de 0,5% du chiffre d’affaires. Si le plafond est dépassé l’année du don, il peut donner lieu à une réduction d’impôt sur les cinq exercices suivants.

Autre intérêt économique, via les associations précitées, le producteur a la garantie que ses produits ne rentreront pas en concurrence à prix cassés dans la distribution avec sa production commercialisée. « Les expéditeurs, qui ont rejoint notre association, ont parfois des refus de marchandise à 600 kilomètres de chez eux. C’est une situation dans laquelle il est impossible de faire revenir les produits. Ils préfèrent alors faire un don aux associations pour que des personnes qui n’en auraient pas eu les moyens puissent profiter de la marchandise plutôt que la vendre à des démarqueurs et la retrouver ensuite à moitié prix dans la distribution. C’est plus sain », analyse Angélique Delahaye.

Le numérique : accélérateur du don agricole

Contrairement aux grandes surfaces urbaines facilement accessibles pour les associations, toute la problématique du don en milieu rural est de pouvoir assurer la logistique de ramassage des denrées sur les exploitations agricoles et la livraison jusqu’aux associations. C’est de ce constat qu’est née Solaal. « À l’époque, j’avais rencontré Guillaume Garot, secrétaire d’État à l’alimentation, qui m’avait accompagnée sur la mise en œuvre d’une plateforme numérique », se souvient Angélique Delahaye. Aujourd’hui, l’association propose aux agriculteurs de rentrer leurs dons disponibles sur la plateforme de manière simple et rapide, puis prend en charge la logistique. « Il faut que ce soit le plus simple possible pour faciliter la tâche des agriculteurs », souligne Angélique Delahaye. Elle explique qu’un donateur est souvent très occupé car dans une situation économique particulière du fait de l’inadéquation de l’offre et de la demande pour sa production.

La région Pays de la Loire a financé un véhicule à l’antenne régionale de Solaal afin de sensibiliser les agriculteurs ligériens au don. © TD

D’autres acteurs numérisent leur service. C’est le cas des Banques Alimentaires qui ont développé ProxiDon. Cette solution numérique permet à des artisans ou supérettes en milieu rural de déclarer les dons alimentaires qu’ils proposent. Les associations du secteur peuvent d’un simple clic analyser les denrées disponibles à proximité et s’organiser pour venir les chercher. Le système est accessible à tous et donc également aux exploitations agricoles qui voudraient valoriser leurs dons en ultra-local. L’enjeu est maintenant d’assurer la notoriété de ces outils numériques. Pour ce faire, la région Pays de la Loire a financé un poste d’animateur et un véhicule respectivement aux antennes Solaal et des banques alimentaires régionales afin de sillonner les routes et de recruter de nouveaux donateurs.