[Interview] Faut-il détruire les couverts plus tard cette année ?

Dans de nombreuses régions, la sécheresse estivale a contrarié le semis et la levée des couverts d’interculture. Pour Jérôme Labreuche, ingénieur agronome chez Arvalis, il est inutile de modifier la date de destruction de ces couverts peu développés.

Perspectives Agricoles : Dans de nombreuses régions, la levée des couverts d’interculture a été retardée par un temps trop sec. Dans quel état sont-ils, alors que leur période habituelle de destruction approche ?
Jérôme Labreuche : Il y avait, effectivement, assez peu de couverts correctement développés mi-octobre en région Centre qui a connu des mois d’été très secs. En façade Atlantique et dans l’Est, il y a eu localement un peu plus d’eau sous forme d’orages. La situation est hétérogène mais, globalement, on peut dire que les couverts ont été souvent « ratés » cette année.

 

P. A. : La pluie étant de retour, faut-il laisser aux couverts le temps de mieux se développer ?
J.L. : Réglementairement, il doit s’écouler généralement deux mois entre le semis d’un couvert, réalisé habituellement en août ou septembre, et sa destruction, typiquement début ou mi-novembre. Mais en bien des endroits, les couverts n’ont commencé à lever que fin septembre. On pourrait être tenté de retarder leur destruction afin de leur laisser le temps de jouer leur rôle réglementaire de piège à nitrate mais aussi de source de matière organique au sol. Cependant, il faudrait alors repousser leur destruction à mars et sans être sûr qu’ils se développent correctement étant donné leur levée très tardive.

 

P. A. : Cela ne risquerait-il pas de gêner la préparation des sols ?
J.L. : En effet, si cette préparation est retardée, comme il gèle de moins en moins, le sol risque d’être trop humide au moment de la destruction de ces couverts et du travail du sol. Dans de nombreux cas, le travail du sol gagne à être effectué avant l’hiver sur un sol correctement ressuyé. Retarder la destruction des couverts est donc un pari très risqué - sauf en agriculture de conservation où le sol est très peu ou pas du tout travaillé.

 

P. A. : Nous venons de connaître plusieurs étés successifs extrêmement secs. Que faire pour améliorer l’implantation des couverts dans ces conditions ?
J.L. : C’est une question qui remonte souvent ces dernières années. Dans l’espoir que les graines du couvert germent avant la sécheresse estivale, dans l’humidité et à l’ombre des cultures, certains agriculteurs ont tenté de le semer à la volée dans la culture précédente, avant la récolte. C’est une technique qui peut être très intéressante pour obtenir des couverts bien développés au moment de leur destruction, notamment en semant des espèces de couvert à petites graines (crucifères, moha, niger, sarrasin).
Arvalis a expérimenté cette technique dans les années 1990 et, plus récemment, ces deux derniers étés. Différentes espèces ont été semées trois  semaines avant la récolte ou la veille de cette dernière dans du blé conduit conventionnellement, avec l’écartement habituel, mais non irrigué. Dans plusieurs cas, les couverts ont levé assez vite après le semis mais ils sont morts les semaines qui ont suivi, faute de pluies. Récolter les pailles accentue ce phénomène puisqu’on retire une partie du mulch qui limite l’évaporation de l’eau du sol. Ce n’est donc pas la solution idéale quand il fait si sec. D’ailleurs, même les couverts permanents, pourtant déjà bien implantés lors de la récolte, ont végété ces deux dernières années.