Jaunisse de la betterave : trois leviers prometteurs

Selon Christian Huygue, directeur scientifique agriculture à l’INRAE, la mise en œuvre de plantes compagnes, l’application de répulsifs et la suppression des réservoirs viraux liés aux repousses et aux couloirs de déterrage constituent trois leviers de nature à juguler les attaques de jaunisse, en attendant les variétés tolérantes, en tant que levier additionnel.

« On va y arriver » : c’est ce qu’a déclaré, Christian Huygue, directeur scientifique agriculture à l’INRAE, lors d’une table ronde organisée en juillet dernier par l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Le chercheur, qui est aussi responsable du Comité de coordination technique du plan de sortie des néonicotinoïdes, faisait allusion à la lutte contre la jaunisse de la betterave, qui a dû faire sans une troisième année dérogatoire à l’emploi de l’imidaclopride et du thiamethoxam en traitement de semence, après une décision de la Cour de justice de l’Union européenne. Mais cette campagne 2023 était aussi la troisième année du Plan national de recherche et innovation (PNRI), qui a pour objet d’identifier des solutions alternatives opérationnelles contre la jaunisse.

Plantes compagnes et kéromones

Christian Huygue a évoqué trois pistes prometteuses, sur la base des remontées des derniers résultats d’essai. Il a d’abord évoqué les plantes compagnes, qui permettent de retarder l’arrivée des pucerons. « On est capable de modéliser leur arrivée au jour près et cette année, on s’est trompé de zéro jour, quel que soit l’endroit », a déclaré le chercheur. Les plantes compagnes permettent de couvrir le risque quand il est très précoce, « même si c’est compliqué à comprendre pour le monde agricole, du fait que les betteraves sont très sensibles à la compétition ».

Un deuxième levier prometteur réside dans l’emploi de répulsifs à base de kéromones. « Les résultats d’essai montrent que l’on arrive à réduire de façon extrêmement forte les populations de pucerons à très grande échelle, tout en maintenant les populations d’auxiliaires au même niveau ».

Les trois sources de réservoirs viraux

Christian Huygue a enfin évoqué la piste des réservoirs viraux. « Un puceron nait « propre » et s’il n’a aucun endroit où récupérer le virus, il ne fera rien », a rappelé le scientifique, qui a cité trois sources potentielles de contamination, dont les 800 ha de production de semences betteraves localisées dans le sud du bassin parisien, semées à l’automne est récoltées au printemps suivant. « Tous les virus sont dedans et dans toutes les parcelles ». La deuxième source de contamination réside dans les repousses. « Environ une tonne par hectare de petites betteraves n'est pas récoltée. Il y a 400.000 ha de betteraves dont 50% sont suivies de céréales implantées à 50% en semis direct, ce qui suppose d’employer un anti-dicot pour supprimer les sources de virus ». Le dernier foyer potentiel réside dans les couloirs de déterrage. « Cette année, on a tiré la sonnette d’alarme auprès des professionnels et il y a eu une action extrêmement forte de tous les agriculteurs pour éviter les repousses », s’est satisfait Christian Huygue.

« Pas de solution miracle »

Christian Huygue a rappelé qu’il ne fallait escompter une « solution miracle » se substituant aux néonicotinoïdes, évoquant un « un intrant incroyablement simple, tellement simple qu’on n’avait même pas à l’appliquer vu qu’il était sur la graine, et qui nettoyait absolument tout, vu que les néonicotinoïdes tapent sur une cible qui est partagée par l’ensemble des insectes et un grand nombre d’arthropodes. De fait c’était le vide ».

"Au bout d’un an et demi, vous avec encore suffisamment de produit dans le sol pour flinguer à peu près tout ce qui ressemble à un insecte, de fait il fallait sortir de ce truc"

Pour le chercheur, il fallait sortir des néonicotinoïdes à la demi-vie longue de 228 jours. « Au bout d’un an et demi, vous avec encore suffisamment de produit dans le sol pour flinguer à peu près tout ce qui ressemble à un insecte. De fait il fallait sortir de ce truc (...). On a dû attendre la catastrophe de 2020, on a de fait perdu 27% de la production moyenne française, alors qu'on savait depuis 2014 qu’on allait sortir des néonicotinoïdes ». Pour Christian Huygue, seule la combinaison de « N » leviers, tels que ceux évoqués et la tolérance variétale, permettra de maîtriser les attaques. « On va y arriver ».