Concilier agriculture et environnement grâce à la science : les recommandations de l’Opecst

Dans un rapport d’audition surprenant, l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques identifie plusieurs pistes pour l’agriculture permettant de faire face au réchauffement climatique et à la perte de biodiversité. L’organisme montre que des innovations existent, à condition de lever certains verrous technologiques, réglementaires et humains. L’Opecst formule 10 recommandations fortes pour éclairer les législateurs sur ces questions en se basant sur des données scientifiques.

Et si la science pouvait concilier agriculture et protection de l’environnement ? C’est le sujet sur lequel s’est penché l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), organisme chargé de faire le lien entre le domaine scientifique et les élus de l’Assemblée nationale et du Sénat. À l’occasion d’une conférence de presse le 9 avril, le sénateur Écologistes Daniel Salmon et le député Horizon Pierre Henriet ont présenté des constats et recommandations qu’ils ont élaborés sur le sujet suite à l’audition de 9 scientifiques, dont 5 issus de l’Inrae, lors de deux tables rondes. La première était consacrée à la réduction des intrants et la seconde à la mise en œuvre de solutions durables pour l’agriculture. « Nous avons le souhait de mettre en avant la science, souvent attaquée », a insisté en préambule Daniel Salmon, tout en invitant à se « méfier du bon sens qui est parfois une insulte à l’intelligence ».

Le premier des constats répété à plusieurs reprises par les deux élus durant la conférence est la non-compatibilité des objectifs de maintien des rendements actuels et de la protection de l’environnement. Un vrai pavé jeté dans la mare du monde agricole et pourtant appuyé par les faits scientifiques selon les deux élus. Le rapport d’audition rappelle ainsi que l’agriculture représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre et que « les pratiques actuelles de fertilisation et de protection des plantes auraient un impact sur 80 % des espèces, à la fois directement et indirectement par des effets sur les oiseaux et la pollution de l’eau ».

Des avancées scientifiques à déverrouiller

Pour répondre au double défi de la production alimentaire et de la protection de l’environnement, les deux rapporteurs ont égrené une série d’innovations scientifiques, loin d’être exhaustive, nécessitant un déverrouillage scientifique, réglementaire, humain ou encore financier pour être mis en œuvre plus rapidement sur le terrain. Parmi elles, les paysages olfactifs permettant de désorienter les insectes. Pierre Henriet a chiffré à « 3 ans et 20 millions d’euros » les besoins pour développer un parfum permettant de lutter contre le puceron sur betterave, quand le développement d’un produit phytosanitaire de synthèse nécessite « 10 ans et 130 millions d’euros ». Selon ces propos, les granulés olfactifs sont considérés à tort comme des produits phytosanitaires et leur homologation nécessite un processus faisant perdre temps et argent dans leur appropriation par les agriculteurs. Ces chiffres ont été fournis lors des auditions par la société Agriodor qui développe et commercialise ces mêmes solutions.

Les deux élus font un constat identique pour les produits de biocontrôle dont l’efficacité relative entraîne une perte de confiance des agriculteurs. Le verrouillage est, dans ce cas, à la fois scientifique et humain, et nécessiterait le développement de solutions multisouche plus efficaces. D’une manière générale, il soulève le problème de la concurrence avec les produits phytosanitaires qui ressortent avec des coûts plus abordables du fait de leur production en masse et de leur large spectre d’utilisation.

Un système qui s’autorenforce

La deuxième table ronde de chercheurs entendue par les élus de l’Opcest a permis de faire un point sur le verrouillage du système « agri-alimentaire » face à l’innovation et au changement. Un système qui est considéré de la production agricole aux consommateurs et à leurs habitudes respectives. « Un agriculteur qui teste une innovation dans son champ va être verrouillé par l’aval. Il y a une force systémique qui freine le changement », commente Daniel Salmon. Pour le sénateur Écologistes, plutôt que des approches individuelles du changement, il faut imaginer des innovations couplées entre plusieurs acteurs. Il cite à ce titre l’approvisionnement en bio des crèches parisiennes qui a pu se faire en associant des céréaliers d’Île-de-France, une coopérative, un acteur de la restauration collective et la ville de Paris.

Des recommandations à destination des législateurs

Ces auditions ont permis aux deux rapporteurs d’établir une série de recommandations à destination des députés et sénateurs et des ministères de l’agriculture et de l’environnement. Parmi elles, des suggestions fortes, telles que la modification des prix relatifs des différents modèles agricoles, en taxant davantage les produits phytosanitaires et en redirigeant l’argent perçu vers les formes plus vertueuses d’agriculture. Les recommandations préconisent également de mieux hiérarchiser les objectifs de la Pac. « Des arbitrages doivent donc être faits sans pour autant sacrifier la protection de l’environnement au profit de priorités à plus court terme », écrivent les rapporteurs. La rémunération pour service plutôt que le versement de subvention est pareillement préconisée.

 

Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques : de quoi parle-t-on ?

L’Opecst est un organisme présidé par des parlementaires. Il a pour mission d’informer le Parlement sur les aspects scientifiques afin d’éclairer les décisions des législateurs. Lors des derniers mois, il s’est intéressé à la science et à l'agriculture, mais également aux impacts des plastiques sur la santé humaine, au vol spatial habité ou encore à l’avenir des réseaux électriques.