Jérôme Farjaud : « J’ai deux passions, mon métier et pompier »

Série d’été : « Cultiver l’engagement » (4/6). Cet été, Pleinchamp part à la rencontre d’agriculteurs et d’agricultrices qui cultivent le sens du collectif, l’attachement au territoire, ou encore la tradition de solidarité et d’ouverture. En France, environ 5000 agriculteurs sont sapeurs-pompiers volontaires et leur rôle est essentiel pour assurer les secours en milieu rural. A Saint-Gérand-Le-Puy, dans l’Allier, Jérôme Farjaud est l’un d’eux, animé par la vocation profonde de « rendre service » à la société.

Entre la ferme et la caserne, son cœur ne balançait pas : c’étaient les deux que Jérôme Farjaud voulait depuis tout jeune. La ferme, comme ses parents, et la caserne de pompier « parce que c’était un rêve de gosse ». L’agriculteur atteint ses deux objectifs presqu’en même temps : en 1995, il reçoit sa décision d’engagement en tant que sapeur-pompier volontaire, et en 1996, il s’installe officiellement sur une ferme voisine de celle de ses parents.

Acteur de sa commune

Aujourd’hui, à 52 ans, Jérôme Farjaud mène ses deux passions de front depuis une trentaine d’années, toujours sur la même commune de Saint-Gérand-Le-Puy dans l’Allier : son activité de polyculture-élevage et son engagement comme pompier volontaire au centre de secours communal.

Côté activité agricole, Jérôme a bâti au fil des années « la ferme Farjaud », une exploitation qui correspond à ses valeurs et sa vision : ancrée dans son territoire, avec une forte dimension de vente directe et d’accueil du public : « J’avais la fibre pour cela ». La quasi-totalité de la viande issue de son troupeau de 21 charolaises est vendue sur la ferme.

« Le bœuf, c’est notre cœur de métier », décrit-il. « Les bêtes sont abattues dans un abattoir de proximité, à Vichy, - pourvu qu’on le garde ! -, et un boucher vient assurer la découpe sur place en mission d’intérim. La viande peut être vendue fraîche, surgelée ou sous forme de plats préparés. Au total, notre activité emploie l’équivalent de 3 UTH ».

Jérôme Farjaud conduit son troupeau de 21 charolaises et leur suite de manière extensive, en accord avec les caractéristiques de sa petite région, la Forterre. (Crédits photo : Ferme Farjaud).

Côté pompier, l’activité a aussi bien évolué, même si la mission centrale, « rendre service », reste la base immuable : « On m’a proposé de devenir chef de centre adjoint en 2011. Je suis passé chef de centre en 2016. Bien sûr, c’est davantage d’administratif, de gestion, de management, de représentation… c’est parfois un peu lourd, mais cela ne me dérange pas, c’est un poste que j’aime. Et même si une caserne est par nature un univers très « vertical », on peut aussi avoir de la transversalité et déléguer ».

"On peut différer une partie de notre travail"

Jérôme Farjaud est donc aujourd’hui à la tête d’une caserne de 26 sapeurs-pompiers volontaires, dont cinq sont dans l’agriculture comme lui, exploitants ou ouvriers agricoles. « Ce que l’on peut apporter en tant qu’acteurs agricoles, c’est notre bonne connaissance du territoire, notre proximité et notre disponibilité en journée, quand les autres ne sont pas là. Nous avons la possibilité de « différer » une partie de notre travail ».

L’éleveur évoque aussi une certaine « débrouillardise » du monde agricole : « On sait s’adapter, on est habitués à trouver des solutions ». Un recours au système D qui se fait cependant toujours dans un cadre très rigoureux : « Face à des situations chaotiques, on se doit d’être très structurés, cadencés, d’avoir de la discipline ».

Pour cela, les sapeurs-pompiers volontaires sont formés, au début de leur engagement, et ils se remettent à niveau tout au long de leur carrière. En plus, ils s’entrainent régulièrement : « Nous réalisons 3 à 4 heures de manœuvres chaque mois. L’objectif est que nos gestes de secours deviennent de l’ordre du réflexe plus que de la réflexion ».

"C’est du temps donné, alors ça ne se compte pas !"

Si on l’interroge sur le « temps que lui prend » son engagement de pompier, Jérôme Farjaud répond qu’il n’en sait rien : « C’est du temps donné, alors, ça ne se compte pas ! ». Quant à son temps de travail, il ne compte pas non plus, « je ne travaille pas, je m’occupe » plaisante-t-il parfois, tout en reconnaissant que les accords établis entre les SDIS et les services de remplacement lui facilitent la vie et « réduisent le coût de ses absences pour formation ».

Même s’il ne le « compte pas », Jérôme Farjaud donne assurément beaucoup de son temps à son engagement de pompier. Mais il perçoit aussi des conséquences positives sur son métier d’agriculteur : la culture de la sécurité – « je ne monte plus sur un toit sans un harnais », ou encore la faculté de savoir prioriser les tâches, et même de relativiser les petits tracas du quotidien.

L’agriculteur retire surtout de cette expérience la richesse du travail en équipe, l’ouverture aux autres : « Nous sommes 26 pompiers volontaires, d’âges et de profils différents. Nous comptons plusieurs femmes dans nos rangs, la mixité est un atout. Notre plus jeune recrue a 16 ans. Nous avons la chance d’accueillir au moins un nouvel entrant chaque année, c’est très important de pouvoir assurer le renouvellement des effectifs pour assurer notre maillage territorial ».

Un maillage territorial mis en valeur avec Terroirs engagés

Ce maillage territorial, qui fait que les pompiers sont les premiers maillons des secours en milieu rural, existe grâce aux sapeurs-pompiers volontaires. A titre d’exemple, le département de l’Allier compte 250 pompiers professionnels et 1800 volontaires. A l’échelle de la France, environ 80 % des pompiers sont volontaires.

C’est notamment pour faire perdurer ce maillage que la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France a lancé l'initiative "Terroirs engagés" en 2019. Ce dispositif met en valeur les artisans, commerçants, agriculteurs… qui sont aussi sapeurs-pompiers volontaires et qui s’engagent donc, à double titre, pour leurs territoires.

Terroirs engagés était présent cette année au sein du Hall 4 du Salon de l’agriculture. « Beaucoup de visiteurs ont été très surpris de nous voir », témoigne Jérôme, qui était du voyage. « C’était une belle vitrine pour nous, et l’occasion d’expliquer qu’il est possible de concilier une activité professionnelle agricole et un engagement au service des autres ».