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Julien Denormandie, une bougie au ministère
[Edito] Depuis sa nomination il y a tout juste un an, Julien Denormandie a rallumé la flamme, et pas seulement en faisant scintiller les milliards. Il a souvent enfilé la cotte et les bottes, sans pour autant se prendre pour le premier agriculteur de France et sans se faire la cerise sur l’écologie.
250 millions d’euros au secteur viticole, 60 millions d’euros aux éleveurs de bovins et 4 millions d’euros aux producteurs de pommes de terre, le tout destiné à compenser les dégâts collatéraux du Covid. 80 millions d’euros aux betteraviers pour cause de jaunisse, 73 millions d’euros (facture provisoire) à la filière canards gras en dédommagement de la grippe aviaire et sans doute encore des millions versés au titre de la sécheresse 2020. Du menu fretin, comparé au Plan de relance post-Covid et au fonds de solidarité consécutif au gel du siècle : 1,2 milliards d’euros pour le premier, 1 milliard d’euros pour le second. A ce niveau, les crédits d’impôt pour la bio, la HVE ou encore la sortie du glyphosate passeraient presque pour une opération pièces jaunes. En un an, Julien Denormandie a beaucoup, beaucoup donné. Il pardonnera les approximations et les omissions.
Du retour improbable des néonicotinoïdes...
Pas ingrats, les syndicats majoritaires ont donné quitus au ministre pour son Plan stratégique national, crédité, il est vrai, de 43,7 milliards d’euros sur la période 2023-2027. Mais Julien Denormandie ne s’est pas contenté de signer des chèques. Il a aussi fait don de sa personne en soutenant sans relâche les agriculteurs qui, faisant fi de leurs propres vulnérabilités, ont fait front face au coronavirus et à bien d’autres misères.
Posture obligée, calcul politique ? Bien évidemment. En tout cas, s’il a souvent chaussé les bottes, le ministre ne s’est jamais autoproclamé premier agriculteur de France. Et il ne s’est jamais refait la cerise sur le dos de l’écologie et de son ministère. D’aucuns n’ont pas eu cette élégance. A moins qu’il ne s’agisse de tactique. Qui aurait parié un sou sur le retour temporaire et improbable (et anachronique) des néonicotinoïdes sur betteraves ? Qui a mis fin au serpent de mer sur la gestion quantitative de l’eau en période de sécheresse, dont le décret est enfin sorti ?
... à l’improbable défense des clauses miroirs
Ne maniant ni l’esbroufe ni l’esquive, le ministre de l’Agriculture n’hésite pas à s’attaquer à plus fort que lui, beaucoup plus fort que lui. Avec le Varenne sur l’eau et le climat, Julien Denormandie entend normaliser et banaliser la gestion des aléas climatiques. Ni plus ni moins. C’est lui Jupiter. Il a promis de faire des clauses miroirs (n’importons pas l’agriculture et l’alimentation que nous bannissons chez nous) l’un des totems de la présidence française de l’UE au premier semestre 2022. A part lui, personne n’y croit.
A l’occasion du dernier trilogue, scellant la prochaine Pac, il a imposé à ses homologues européens une conditionnalité d’un nouveau type : la conditionnalité sociale. Les exploitations ne respectant pas les droits des salariés, notamment saisonniers, seront privées de tout ou partie de leurs aides Pac. Anecdotique, voire démagogique : les brebis galeuses se comptent sur les doigts de la main, en tout cas en France, et n’émargent pas ou si peu aux aides Pac. Les syndicats minoritaires auraient sans doute apprécié que le ministre se drape aussi en justicier des petits paysans, via la redistribution, le plafonnement des aides et l’instauration d’une aide forfaitaire aux petites fermes. Mais qu’on se le dise : le ministre peut aussi distribuer des gnons, et pas seulement du pognon.