Prochaine Pac : vers des éco-régimes « inclusifs »

Selon le ministre de l’Agriculture, les futurs éco-régimes rallieraient d’emblée 70% des agriculteurs dans l’état actuel de leurs pratiques. Une affirmation qui accrédite la thèse d’un simple glissement sémantique de l’ex-Paiement vert.

« Dans les premières évaluations, on a au moins sept agriculteurs sur dix qui ont accès à cet éco-régime » a déclaré Julien Denormandie sur l’antenne de Public Sénat le 8 avril. « Avant même d’avoir fini les discussions qui sont pleinement en cours, pour améliorer le dispositif, pour faire en sorte qu’il accompagne les agriculteurs, qu’il les inclue, on est déjà à sept sur dix alors même que on va continuer à faire évoluer le système », a-t-il pris soin de répéter, soucieux de rassurer les céréaliers qui craignaient d’être exclus du dispositif. « Il ne s’agit pas de dire à certains, on vous met de côté, vous ne bénéficiez pas du dispositif, a encore dit le ministre. Il s’agit au contraire de dire au plus grand nombre, vous rentrez dans le dispositif pour que l’on puisse vous accompagner, je veux quelque chose qui soit inclusif ».

Paiement vert et éco-régimes : le jeu des 7 erreurs ?

Si ces déclarations sont de nature à réassurer les céréaliers, qui ont mené ces derniers jours des actions en Ile-de-France et à Dijon (Côte d’Or), elles jettent un trouble sur la finalité réelle des éco-régimes et la montée en charge environnementale et climatique de la Pac. Au jeu des sept erreurs, il pourrait être difficile de distinguer le paiement vert instauré pour la Pac 2014-2020 des éco-régimes de la prochaine programmation, présentés par la Commission européenne comme le bras armé du Green Deal dans le secteur de l’agriculture. D’ici à 2030, la Commission souhaite voir réduire de 50% l’usage des pesticides, de 50% celui des antibiotique dans l’élevage et dans l’aquaculture, de 20% l’usage des engrais et atteindre 25% de la SAU en bio.

« Au plan budgétaire, le paiement vert et les éco-régimes se situent au même niveau, avec une quote-part de 30% du premier pilier, explique Claire Garrot, éleveuse en Mayenne et membre de la commission Pac à la Confédération paysanne. En ce qui concerne les modalités, le scénario du ministère de l’Agriculture repose sur trois portes d’accès que sont les pratiques agricoles, la biodiversité et une certification, avec pour chacune d’elles deux niveaux d’aides, un niveau standard et un niveau élevé, engageant dans tous les cas toute la SAU. Autrement dit, la certification agriculture biologique (AB) vaudrait autant que le niveau supérieur des pratiques agricoles. Nous, Confédération paysanne, on propose un premier palier pour les pratiques agricoles, un bonus pour la biodiversité et un ultime bonus pour l’AB, lequel devrait toutefois cocher les cases des pratiques agricoles et de la biodiversité ».

Après la Fnsea, la Conf' dans la rue

Après la Fnsea, la Confédération paysanne a programmé des manifestations à Lyon (12 avril), Rennes (13 avril), Limoges et Strasbourg (14 avril) destinées à porter ses revendications sur l’architecture sociale, environnementale et alimentaire de la Pac. Il y sera bien entendu question des éco-régimes mais aussi des aides couplées animales, dont les premières esquisses dévoilées par le ministère sont plutôt bien reçues. « Les aides à l’UGB plutôt qu’à la vache sont de nature à favoriser l’engraissement en France et sortir du système uniquement naisseur, où l’on envoie des animaux maigres en Italie et en Espagne avec peu de valeur ajoutée et des interrogations sur la souveraineté alimentaire, souligne Nicolas Girod, porte-parole du syndicat. La limitation du chargement est aussi une bonne chose mais le ratio entre vache allaitante et vache à lait nous apparaît comme trop défavorable à la production de viande ».

Les aides couplées à la production maraichère sont aussi bien vues mais là encore avec des objections sur les planchers et plafonds. La Conf' souhaite associer à ces aides couplées les producteurs de légumes ainsi que les petits éleveurs, les « oubliés » de la Pac.

Après le salon à la ferme, la Conf investit quatre grandes métropoles
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Gestion des risques : un fonds mutuel et solidaire

Le syndicat fera aussi valoir ses revendications sur le paiement redistributif, la dégressivité, le plafonnement et les aides aux nouveaux installés.

Il sera aussi question de gestion des risques. La Conf' défend la création d’un fonds mutuel et solidaire, dont le financement serait assuré notamment grâce à une solidarité entre les différentes productions et au sein des filières (interprofessions, fournisseurs d’agroéquipements et d’intrants, transformateurs et grande distribution), au motif que la production agricole bénéficie à toute la filière.