La télémédecine vétérinaire bovine, bientôt une réalité ?

Sans remplacer les consultations physiques indispensables, la télémédecine vétérinaire, rendue performante grâce au déploiement de la 5G, pourrait contribuer à améliorer le suivi de la santé des animaux dans les élevages bovins. Dans ce cadre du projet 5G4AGRI, une démonstration de cette télémédecine vétérinaire pour bovins a été réalisée à la ferme expérimentale de Derval, le 17 octobre dernier.

Ana, jeune vétérinaire rurale débutante, se demande si la vache 3847 qu’elle voit en consultation n’aurait pas un problème pulmonaire : le son de ses poumons est normal, mais à l’échographie elle détecte quelques anomalies qui l’inquiètent. Sur VetLinkPlatform, elle déclenche alors un appel à Sébastien, un collègue plus expérimenté.

Grâce à la combinaison des réseaux 5G privé (celui de la ferme où Ana intervient) et public (déployé par Orange sur le secteur), depuis son cabinet, Sébastien a un accès sécurisé et en temps réel à un espace de travail sur VetLinkPlatform. Il peut y consulter la fiche de la vache 3847 et notamment son historique de santé :  l’animal est en deuxième lactation et il a effectivement présenté des soucis pulmonaires auparavant, mais c’était il y a 4 ans, alors qu’il était jeune veau.

Consultation vétérinaire à distance

Sur cet espace de travail, Ana envoie à Sébastien le fichier audio du son qu’elle a enregistré avec son stéthoscope connecté et le fichier vidéo récupéré à partir de son échographe connecté, ces deux équipements étant communs dans la pratique vétérinaire. Sébastien examine ces éléments et rassure Ana : les anomalies visibles sur l’échographie, appelées « queues de comète », sont courantes et ne correspondent pas à une pathologie.

Pour compléter son évaluation, Sébastien propose à Ana de chausser ses lunettes connectées qui lui laissent les mains libres et d’assister à distance à son examen physique de la vache : il confirme que la vache ne présente aucune anomalie. Ana peut donc assurer à l’éleveur que la vache 3847 est en bonne santé.

Un suivi de traitement depuis le cabinet vétérinaire

Autre situation : Elise, éleveuse de bovins lait, a rendez-vous avec Sébastien, le vétérinaire traitant de son élevage, sur VetLinkPlatform. Il y a trois jours, Sébastien a vu et traité par antibiotiques sa vache 3865 pour une mammite. Le rendez-vous en ligne a été programmé pour faire un suivi de l’efficacité du traitement.

Sur l’espace de consultation virtuel, Sébastien accède à l’historique de l’animal, et, comme les vaches du troupeau d’Elise sont toutes munies de colliers enregistreurs d’activité, il regarde si 3865 se démarque des autres : en cas de douleurs liées à une mammite, une vache a tendance à moins se coucher. Les données qu’il visualise semblent montrer que le comportement de 3865 se normalise par rapport à ses congénères.

Pour compléter son examen, le praticien propose à l’éleveuse de s’approcher de sa vache avec son téléphone portable et de lui montrer la mamelle : celle-ci n’est plus ni rouge ni gonflée et elle est souple à la palpation. Le traitement a bien fonctionné. Sébastien rappelle juste les précautions d’usage sur l’éviction du lait de l’animal traité aux antibiotiques.

Ingénieure de recherche en charge de l'animation de la chaire de télémédecine vétérinaire d’Oniris, Ana Guintard joue ici le rôle d’Elise, éleveuse, en rendez-vous de suivi de traitement avec son vétérinaire traitant. (photo Catherine Perrot)

Des tests pour comprendre les enjeux des usages numériques

Ces deux situations ne sont pas encore une réalité, mais elles pourraient bientôt le devenir : elles sont aujourd’hui techniquement possibles (la première est d’ailleurs possible et légale). Elles ont été « jouées » en direct par Ana Guintard, ingénieure de recherche en charge de l'animation de la chaire de télémédecine vétérinaire d’Oniris et Sébastien Assié, enseignant-chercheur dans cette même école, lors d’une journée de démonstration, organisée à la ferme expérimentale de Derval, le 17 octobre dernier.

La plateforme VetLinkPlatform a été développée par l'entreprise de services numériques Adventiel, avec la collaboration d’Ana Guintard et de Sébastien Assié. La mise au point de cet outil s’est faite dans le cadre de 5G4AGRI, un projet de co-création et de test de produits et services pour le secteur agricole, que le déploiement de la 5G rend possibles ou plus performants.

Jouant le rôle du confrère vétérinaire expérimenté pour la démonstration, Sébastien Assié est enseignant-chercheur à Oniris et responsable de la chaire de télémédecine vétérinaire. (photo Catherine Perrot)

Cas d’usage pour 5G4AGRI

Piloté par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, 5G4AGRI réunit 10 partenaires publics et privés et est financé par France Relance et BPI France. Le 17 octobre dernier, quelques semaines après l’installation d’une antenne 5G interne à la ferme expérimentale de Derval, une journée de présentation de plusieurs cas d’usage a été organisée, dont VetLinkPlatform.

Ces tests grandeur nature, mais aussi tous les travaux que mènent la chaire de télémédecine vétérinaire d’Oniris depuis plusieurs années, prouvent que ce type de solutions peut trouver sa place dans la pratique de la médecine vétérinaire rurale. Sans remplacer les visites de terrain, ces solutions numériques pourraient améliorer la réactivité des soins, réduire l’empreinte écologique des déplacements, transmettre les expériences des confères expérimentés aux plus jeunes et donc faciliter et sécuriser leur installation en milieu rural.

Bien d’autres éléments sont encore à évaluer dans l’utilisation de cette pratique, et plusieurs autres expérimentations sont actuellement conduites en France, dans divers contextes. La profession de vétérinaire étant réglementée, c’est l’ordre national des vétérinaires qui, sur la base des résultats de ces expérimentations, devra se prononcer sur les conditions de déploiement de cette télémédecine.