- Accueil
- Quelle Pac après 2027 ? Les jalons de la Commission européenne
Quelle Pac après 2027 ? Les jalons de la Commission européenne
L’exécutif européen a présenté sa « Vision » de l’agriculture à horizon 2040, posant les jalons de la Pac post-2027, avec pour objectif de garantir la compétitivité à long terme, la résilience et le développement durable de l'agriculture et de l'alimentation de l'Union. Certaines mesures, en matière de simplification ou de lutte contre la concurrence déloyale seront engagées dès cette année. Le texte fait l’impasse sur le budget.
A la veille du Salon de l’agriculture, où s’est rendu Christophe Hansen, le Commissaire européen à l’agriculture et à l’alimentation, la Commission européenne a présenté sa « vision » pour un secteur agricole et agroalimentaire européen « prospère ». Le document, d’une trentaine de pages, constitue une nouvelle brique dans la construction de la future Pac, après celle posée dans le Dialogue stratégique présenté en septembre dernier, en attendant la proposition législative de la Commission. Comme sur le suggère son intitulé, la « Vision » ne fait pas dans le détail, notamment sur la question budgétaire, et outrepasse l’horizon 2027, tout en mentionnant la mise en œuvre de mesures avant cette échéance, notamment en terme de simplification.
Budget et distribution des aides
Rappelant le rôle « crucial » des paiements directs, qui représentent en moyenne 23% du revenu agricole (2020), la Commission juge que les aides publiques au titre de la PAC restent « un élément essentiel pour soutenir les revenus des agriculteurs ». Mais il faudra attendre le prochain Cadre financier pluriannuel pour connaître le budget qui sera alloué à la Pac post-2027. En ce qui concerne les critères d’attribution des aides, la « Vision » estime nécessaire d'œuvrer à « une répartition plus équitable des aides publiques », davantage axées sur les agriculteurs qui participent activement à la production alimentaire, sur la vitalité économique des exploitations et sur la préservation de l’environnement. « Le but est d'orienter davantage les aides vers les agriculteurs qui en ont le plus besoin, en accordant une attention particulière aux agriculteurs situés dans des zones soumises à des contraintes naturelles, aux jeunes agriculteurs et aux nouveaux agriculteurs, ainsi qu'aux exploitations mixtes ». Il est par ailleurs envisagé de donner la priorité à la production de produits agricoles « essentiels à l'autonomie stratégique et à la résilience de l'UE ».
L'utilisation accrue de mesures comme la dégressivité (réduction des paiements) et le plafonnement sont aussi à l’ordre du jour, « en tenant compte des réalités structurelles et sectorielles différentes des États membres ». Les PSE, aides à l’investissement et outils de gestion des crises et des risques seront de nouveau soutenus. A noter la mise au point d'une boussole de la durabilité dans les exploitations, un outil facultatif d'évaluation comparative, afin de simplifier les obligations d'information en matière de durabilité et de présenter leurs progrès.
Une stratégie ciblant les jeunes et un Observatoire des terres
Considérant que l’avenir de la souveraineté alimentaire européenne en 2040 repose sur les épaules des jeunes et des nouveaux agriculteurs d’aujourd’hui, la Commission présentera cette année une Stratégie de renouvellement des générations, destinée à lever les obstacles au renouvellement des générations. A cette fin sera lancé un Observatoire européen des terres agricoles, destiné à renforcer la transparence et la coopération dans des domaines tels que les transactions foncières et les transferts de droits d’utilisation des terres, l’évolution des prix et le comportement sur le marché, les changements dans l’utilisation des terres, ainsi que la perte de terres agricoles et naturelles.
Une attention particulière pour l’élevage…
Considérant l’élevage comme « une composante fondamentale de l’agriculture, de la compétitivité et de la cohésion de l’Union », la Commission prévoit de lancer cette année un axe de travail dédié, au service « d’une chaine de production animale d’excellence ». Seront abordées différentes problématiques telles que la durabilité (quels modèles de production ?), l’empreinte climatique et environnementale (prairies), la concurrence internationale (réciprocité des normes, étiquetage de l’origine) ou encore le développement de l’innovation.
En ce qui concerne plus spécifiquement le bien-être animal, la Commission affirme qu’elle « veillera à ce que les futures propositions législatives appliquent les mêmes normes pour les produits fabriqués dans l’UE et ceux importés à partir de pays tiers », dans le respect des règles de l’OMC et sur la base d’une analyse d’impact. Sur le sujet, elle prendra également en compte les préoccupations exprimées par nos concitoyens.
… et pour les produits phytosanitaires
« La Commission examinera attentivement toute nouvelle interdiction de pesticides si des solutions de remplacement ne sont pas encore disponibles, à moins que le pesticide concerné ne représente une menace pour la santé humaine ou l’environnement, sur lequel se fonde la viabilité de l’agriculture ». Constatant que l’introduction de solutions de remplacement n’a pas suivi le même rythme que le retrait des substances actives du marché, la Commission présentera, dans le cadre du train de mesures de simplification, une proposition accélérant l’accès des biopesticides au marché de l’UE. Elle établira par ailleurs un principe selon lequel les pesticides les plus dangereux interdits dans l’UE pour des raisons sanitaires et environnementales ne seront pas réintroduits dans l’UE par l’intermédiaire de produits importés. Pour progresser sur ce point, elle lancera en 2025 l’analyse d’impact qui examinera les incidences sur la position concurrentielle de l’UE et les implications internationales et, le cas échéant, proposera la modification du cadre juridique applicable. De même, elle évaluera également la question de l’exportation de produits chimiques dangereux, y compris de pesticides, qui sont interdits dans l’UE.
Haro sur les pratiques commerciales déloyales intra et extra-européennes
« Les pratiques selon lesquelles les agriculteurs sont systématiquement contraints de vendre à des prix inférieurs aux coûts ne seront pas tolérées », avertit la Commission. Ce sera l’objet de la révision de la Directive sur les pratiques commerciales et de celle du règlement OCM. Afin de renforcer la transparence quant à la manière dont les coûts et les marges sont fixés et partagés dans la chaîne alimentaire, la Commission s’appuiera sur la création récente de l’Observatoire de la chaîne agroalimentaire de l’UE (AFCO). Dans le cadre du futur filet de sécurité commun, attendu cette année, l’UE compte aussi protéger les Etats membres des partenaires commerciaux qui recourent à « une concurrence déloyale et à des actions unilatérales qui ciblent illégalement notre secteur agroalimentaire », en usant pour cela de tous les moyens disponibles (OMC, instrument anti-coercition)
L’agriculture dans la « boussole de compétitivité »
En janvier dernier, la Commission européenne a présenté sa « boussole » destinée à restaurer la compétitivité de l’ensemble des secteurs économiques, dont l’agriculture, et consistant à évaluer l’incidence des règlements de l’Union sur les agriculteurs et les PME agroalimentaires de l’UE, sur le commerce et sur les risques de dommages. La boussole a aussi vocation à examiner « de manière approfondie » les implications des accords de libre-échange en cours de négociation pour les agriculteurs de l’UE et la durabilité au niveau mondial. En ce qui concerne l’accord UE-Mercosur, le document de l’UE mentionne la réserve d’un milliard d’euros qui devrait être actée dans le prochain Cadre financier pluriannuel.
Un effort « sans précédent » en matière de simplification
S’inspirant du rapport de Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), sur l’avenir de la compétitivité européenne, pointant des exigences et des obligations de déclaration excessives entravant la compétitivité et l’innovation, la Commission déploiera un effort de simplification « sans précédent » dans le secteur agroalimentaire. « Il n’appartient pas à l’Union de concevoir en détail les pratiques à respecter dans les exploitations, lit-on dans le texte. De nombreuses demandes de dérogation à ces obligations, souvent justifiées par des spécificités nationales et régionales, ont démontré que les approches universelles ne sont pas l’outil le plus approprié pour un secteur aussi diversifié ». La Commission proposera au deuxième trimestre 2025 un ensemble complet de mesures de simplification du cadre législatif agricole actuel.