Les bonnes pratiques d’ensilage

La récolte est une étape cruciale de la conduite de la culture du maïs fourrage. Elle a pour objectif de conserver la quantité et la qualité produites au champ avec un minimum de pertes. Voici quelques points essentiels à prendre en compte lors de la confection des silos.

Dimensionner le front d’attaque

Dans le silo de maïs fourrage, les pertes interviennent surtout au front d’attaque, pendant l’utilisation de l’ensilage. Une élévation de température par rapport à l'air ambiant de 5°C, c’est 1,2 % de matière sèche perdu par jour (en % de la masse échauffée). Une des conditions à respecter pour éviter les échauffements consiste à avancer le front du silo plus vite que la reprise des fermentations. Un avancement de 10 cm par jour en hiver et de 20 cm par jour au printemps et en été permet généralement d’éviter les échauffements. Pour s’y tenir, la largeur et la hauteur des silos doivent être adaptées non seulement à la taille des troupeaux, mais aussi à la part de maïs dans la ration et à la saison d’utilisation. Rappelons que la densité de l’ensilage est d’environ 230 kg de MS par m3 en silo couloir (pour un silo bien confectionné).

Veiller à la cohérence du chantier dans sa globalité

Le chantier d’ensilage est un tout : coupe et hachage au champ, transport puis tassement au silo. Les ensileuses sont aujourd’hui puissantes et rapides. C’est pourquoi, pour de nombreux chantiers, le temps nécessaire de tassement est devenu le facteur limitant, surtout si le taux de matière sèche est élevé (le tassement est alors rendu plus difficile mais encore plus nécessaire). Si besoin, il ne faut pas hésiter à prévoir deux silos à remplir en même temps, mais en contrepartie, il faudra plus de tracteurs tasseurs !

MAÎTRISER LA FINESSE DE HACHAGE

Le hachage a deux objectifs apparemment contradictoires : hacher fin pour faciliter le tassement du silo, et laisser des brins assez longs pour la mastication des vaches. Les figures ci-dessous reprennent les objectifs (en % du volume ou en % du poids) de taille de particules à atteindre sur l’échantillon à évaluer.

Figure 1 : objectif de hachage à observer avec la méthode du tamis secoueur ARVALIS

Figure 1 : objectif de hachage à observer avec la méthode du tamis secoueur ARVALIS

La coupe des particules doit être franche et nette, ce qui nécessite l’affûtage régulier. L’amidon vitreux des maïs à plus de 32 % MS a besoin d’être fractionné pour que sa digestion soit optimisée : c’est le rôle des éclateurs de grains sur les machines.

Figure 3 : Objectif d’éclatement des grains à observer avec la méthode de la bassine

Figure 3 : Objectif d’éclatement des grains à observer avec la méthode de la bassine

Pour en savoir plus, consultez l’article sur les méthodes pour bien régler l’ensileuse.

 

EVITER LA TERRE DANS LE SILO

La terre apportée par les roues des tracteurs et des remorques est une source de spores butyriques qui polluent les silos. Même si ces germes ont peu de chances de se multiplier dans le maïs, l’ensilage peut alors contaminer les bouses et le lait lors de la traite. Pour éviter ce risque, préférer les silos en sol bétonné, les zones de circulation proches du silo en terrain stabilisé (empierrement, sols goudronnés). Les tracteurs qui vont au champ ne montent pas sur le silo.

TASSER POUR ENFERMER LE MOINS D’AIR POSSIBLE DANS LE SILO

Plus le maïs fourrage est récolté vert et humide, moins le silo tassé conserve de porosité, et plus vite le peu d’oxygène retenu dans le silo est consommé par la respiration du végétal et l’activité microbienne.

Un maïs à 30 % MS enferme environ un litre d’air par kg de matière sèche. En 3-4 heures, il n’y a plus d’oxygène dans le silo et le processus de fermentation démarre rapidement. En revanche, quand le maïs fourrage est plus sec (plus de 35 % MS), chaque m3 du silo est plus difficile à tasser. L’air enfermé dans le silo représente 2 à 4 litres par kg de matière sèche, et se situe beaucoup plus en haut du tas. Les cellules encore vivantes du maïs fourrage sont moins actives : il faut donc beaucoup plus de temps pour épuiser l’oxygène enfermé (3 à 5 jours). Pendant ce délai, les bonnes fermentations lactiques ne démarrent pas, mais les levures et moisissures se multiplient. Si le silo est bien hermétique, leurs activités s’orientent vers une vie ralentie et cessent d’échauffer le silo… mais, plus tard, en présence d’air (trou dans la bâche, front d’attaque), les dégradations reprennent de plus belle : c’est la principale cause de pertes de matière sèche lors de la conservation du maïs fourrage.

Comment faire pour avoir un tassement suffisant ?

Aujourd’hui, on communique sur le chiffre de 400 kg par tonne de matière sèche, c’est-à-dire qu’il faudrait 400 kg de matériel tasseur sur le silo par tonne de MS qui entre dans le silo en une heure. Compte tenu de la performance des ensileuses et des maïs, il devient nécessaire d’avoir deux tracteurs sur le silo, ou de remplir alternativement deux silos. Une ensileuse qui fait 2 à 3 ha à l’heure d’un maïs qui produit 14 à 17 t MS/ha récolte 35 à 40 t MS à l’heure. Il faudrait donc 14 à 16 tonnes de matériel sur le tas, soit deux tracteurs…
C’est la pression qui tasse, donc il est recommandé de diminuer la largeur et augmenter la pression des pneus. Attention à maintenir suffisamment d’adhérence pour monter sur le tas. Rouler à 3-4 km/h sur le tas.
Au début du chantier, construire le tas en cuvette en remontant le fourrage sur les parois pour en faciliter le tassement. En fin de silo, bien tasser la couche de fourrage superficielle qui est plus en contact avec l’air pour limiter le risque « levures et moisissures ». Par contre, tasser longuement en fin de silo ne tassera pas plus en profondeu
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Effectuer des prélèvements d’échantillons à la récolte

Pendant la récolte, il faut prélever le (ou les) échantillon(s), dont l’analyse est utile pour évaluer la quantité de fourrage stocké et ensuite la consommation du troupeau, ainsi que pour ajuster la complémentation. La principale qualité d’un échantillon, c’est d’être représentatif de la parcelle ou du silo dont il est issu. Pour ce faire, effectuer plusieurs prises tout au long du chantier. Déposer au plus tôt l’échantillon au laboratoire, ou le congeler.

Fermeture du silo : mettre le fourrage à l’abri de l’air du premier au dernier jour

L’absence d’oxygène, le plus tôt possible, est une condition nécessaire pour que les fermentations se déroulent bien. Tout renouvellement de l’oxygène relance les fermentations indésirables et les échauffements. Le jour de la récolte, la fermeture du silo doit donc être la plus hermétique possible.

On utilisera des bâches de qualité en termes de caractéristiques géométriques (largeur, régularité de l’épaisseur), de caractéristiques mécaniques (résistance à la perforation ou à l’étirement), de seuil maximal de microporosité et de tenue dans le temps de ces qualités, face à l’exposition aux ultraviolets du soleil.

La liaison au sol et aux murs (dans le cas de silo couloirs) doit être parfaite, assurée par un cordon continu tout autour du silo (bourrelet de sable, sacs remplis de sable ou de gravier). Le contact avec le fourrage sur toute la surface sera assuré par des masses régulièrement réparties. Des sacs en toile de polypropylène remplis de sable bien répartis remplacent avantageusement les pneus jointifs placés sur la bâche. L’idéal serait une couche continue de matériaux sableux : outre la charge qui assure un tassement des couches superficielles, la couche continue permet une isolation thermique. On évite ainsi les entrées d’air consécutives à l’alternance de la chaleur du jour (dilatation de l’air) et du refroidissement de la nuit (aspiration d’air frais).

A l’ouverture du silo : limiter les entrées d’air dans le fourrage

A l’ouverture du silo, la gestion du front d’attaque, sans éboulements, sans vibrations et avec une avancée rapide, doit permettre de limiter au maximum la pénétration en profondeur de l’air qui réactiverait d’autant plus les fermentations.

 

Conserver un cordon continu à la verticale du front d’attaque pour limiter l’entrée d’air sous la bâche.

Conserver un cordon continu à la verticale du front d’attaque pour limiter l’entrée d’air sous la bâche.

Anne-Sophie COLART (ARVALIS - Institut du végétal)