Les champs péri-urbains, fabuleux espaces de rencontre avec les citadins

Alors que le fossé se creuse entre la ville et l’agriculture, de nombreuses initiatives lancées par des agriculteurs fleurissent aux portes des centres urbains, afin de rapprocher les deux mondes. C’est ce type de projet ambitieux que veut mettre en œuvre Jean-François Deneuville au seuil de la métropole lilloise.

Les exploitations agricoles péri-urbaines ont aujourd’hui ce statut particulier d’être la jonction entre les citadins et le monde agricole rural. Les agriculteurs qui les exploitent peuvent être la cible de conflits de voisinage importants pour cause d’incompréhension entre deux mondes qui s’éloignent. Mais ils ont aussi tout le potentiel de rapprocher consommateurs et paysans en faisant de leurs exploitations une vitrine et un lieu de rencontre.

Jean-François Deneuville, agriculteur dans les Hauts-de-France, a choisi cette seconde option. Il veut créer une véritable « zone de rencontre » à partir des 60 ha qu'il cultive sur la commune de Sainghin-en-Mélantois et qu’il va progressivement convertir en bio. « Nous sommes sur le seuil de la porte de la métropole lilloise. Cette situation géographique est une réelle opportunité », explique-t-il. Ici, il souhaite que les consommateurs puissent trouver des produits locaux de qualité, mieux comprendre l’agriculture et venir tester par eux-mêmes.

C’est pour donner un cadre à ce lieu de rencontre et favoriser le travail collectif que l’exploitant a créé l’association « Récoltes&nous ». « Avec l’entrepreneur de travaux agricoles qui intervient sur les parcelles, nous réfléchissons déjà à ouvrir les cabines des engins agricoles afin que les citadins puissent les découvrir à la fin de la récolte », illustre-t-il. Il lance également un appel à tous les porteurs de projets et agriculteurs riverains, bio ou pas, qui voudraient rejoindre l’association pour avancer ensemble.

"Les visiteurs réalisent qu’il y a des champs à proximité."

Jean-François Deneuville n’est pas le seul à promouvoir cette idée d’espaces de rencontres. Bien qu’ils ne soient pas eux-mêmes agriculteurs, Marie et Frédéric Guilbert portent ce concept chaque été avec la conception de labyrinthes de maïs. D’abord positionnées sur le littoral atlantique, ces structures éphémères se multiplient maintenant aux alentours des grandes agglomérations, avec une première ouverture cet été en périphérie de Paris. « L’agriculteur qui a accueilli le premier labyrinthe en région parisienne avait vraiment dans l’idée d’apporter une bouffée d’air aux citadins. Les visiteurs réalisent qu’il y a des champs à proximité. En moyenne, nous sommes situés à 10km des zones urbaines », explique Marie Guilbert.

Sur place, des panneaux issus d’un partenariat avec Passion Céréales permettent aux visiteurs d’allier l’utile à l’agréable en découvrant la culture du maïs. « Les questions des gens sont assez drôles. Ils ne connaissent pas le cycle du maïs et nous demandent pourquoi nous n’organisons pas de chasse aux œufs à Pâques dans nos labyrinthes », s’amuse-t-elle.

Jouer la carte du cadre de vie

L’un des objectifs de Jean-François Deneuville est également d’offrir un cadre de vie agréable aux riverains. Dans ce sens, il veut implanter des haies sur ses 60 ha afin de créer un parcours de promenade. Toujours dans cet esprit d’aménagement paysager, il va mettre des parcelles à disposition d’un agriculteur de la région qui propose des fleurs à couper en libre-service. « Avec les haies et les fleurs à côté, nous pouvons créer quelque chose de chouette », s’enthousiasme-t-il.

Ce concept de cadre de vie agréable, c’est également le crédo de l’association Campus Vert depuis sa création en 1995. C’est cette année-là que surgit l’idée, chez des agriculteurs du Béthunois, de rénover des bâtiments de ferme inoccupés pour en faire des logements étudiants à loyer modéré. Aujourd’hui, l’association regroupe 125 adhérents qui proposent 500 logements et 100 de plus sont en cours de réhabilitation. « Avec mon mari, nous voulions accueillir du monde sur la ferme pour garder une ouverture avec l’extérieur, mais qui ne soit pas un contact quotidien imposé comme pour les gîtes ou les chambres d’hôtes », témoigne Marie-Agnès Langlet, éleveuse sur la commune des Attaques près de Calais.

Parmi les objectifs de l’association figure la création de lien entre ville et campagne et la convivialité. C’est dans ce sens que l’agricultrice organise une visite de la ferme lorsque les locataires emménagent, puis un repas tous les deux mois. « C’est l’occasion de discuter de sujets épineux comme la ferme des milles vaches. Ils sont souvent ébahis par la technicité du métier », affirme-t-elle. Les locataires sont également encouragés à venir à la rencontre des éleveurs pendant leur travail quotidien et notamment la traite dont la porte est toujours ouverte. « Une fois, il y a une locataire plus entreprenante qui est venue toquer à la vitre de l’ensileuse pour monter en cabine », sourit Marie-Agnès Langlet. Une bonne manière de prendre de la hauteur pour changer de point de vue sur l’agriculture.