Les systèmes culturaux innovants Syppre toujours en quête du graal

Cinq ans après leur implantation sur cinq plateformes régionales distinctes, les systèmes innovants s’avèrent globalement plus performants aux niveaux technique et environnemental que les systèmes témoins, mais au détriment de leur productivité et de leur rentabilité. Il reste cinq ans pour trouver la martingale.

Une forte diminution de la consommation en énergie et des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur la majorité des systèmes innovants, la diminution de l’Indice de fréquences des traitements (IFT) et l’amélioration du stock de matière organique du sol à 30 ans : tels sont les bénéfices constatés sur les plateformes (Systèmes de production performants et respectueux de l'environnement). Axées sur les grandes cultures et pilotées par Arvalis, ITB et Terre Inovia, les cinq plateformes (Béarn, Berry, Champagne, Lauragais, Picardie) jaugent dans la durée (10 ans) l’impact de systèmes culturaux disruptifs sur neuf indicateurs de durabilité : azote, IFT, GES, stockage de carbone, marge directe par ha, EBE par UTH, productivité, efficience énergétique.

Des résultats encourageants sur chaque plateforme...

Dans le Lauragais, dont les sols de coteaux sont très sensibles à l’érosion, la forte couverture du sol (presque 90 % de la durée de la rotation avec un couvert, contre 52 % dans le système témoin) combinée à un travail du sol moins profond ont amélioré significativement la structure du sol et réduit l’impact des phénomènes érosifs. Dans le Béarn (terres humifères), la rotation courte « 3 cultures en 2 ans » (soja, CIVE d’hiver et maïs) se montre pertinente : la moindre performance économique du soja par rapport au maïs est compensée par la valorisation de la CIVE dans un méthaniseur. En Picardie, le travail du sol parvient à être réduit sans pénaliser l’implantation des pommes de terre grâce à un prébuttage d’automne. Dans le Berry, la problématique vulpin est mieux maîtrisée grâce à l’allongement et à la diversification des cultures, associés à un travail du sol adapté. En Champagne, Les performances relatives aux indicateurs d’utilisation des ressources et de produits phytosanitaires ressortent globalement meilleures pour le système innovant, même si tous les objectifs ne sont pas atteints.

... mais quelques contre-performances...

Toutefois, quelques systèmes affichent des contre-performances. Ainsi, dans le Berry, les résultats de modélisation estiment à 5 % la baisse du stock de matière organique par rapport au système témoin colza-blé tendre-orge : le système innovant a introduit des cultures qui restituent moins de carbone au sol que le colza et les céréales à paille et que l’introduction de couverts ne compense pas. Dans le système du Béarn comme dans le Lauragais, l’IFT des systèmes innovants est plus élevé que celui des témoins. Le maïs et le tournesol sont en effet des cultures à faible IFT. Bien que permettant d’allonger les délais de retour des cultures, l’introduction de nouvelles cultures à plus fort IFT n’abaisse pas suffisamment la pression biotique pour permettre un maintien ou une baisse des IFT à l’échelle de la rotation.

... notamment au plan économique

Au plan économique, à l’exception d’un système innovant expérimenté dans le Béarn, la productivité et la rentabilité des systèmes innovants sont bien en-deçà de leurs systèmes témoins, car les nouvelles cultures introduites sont généralement moins productives. C’est, par exemple, le cas de la plateforme picarde sur laquelle la sole de betterave et de pomme de terre représente un tiers des surfaces du système témoin et seulement 2/9ème dans le système innovant.

Dans le contexte économique des années 2017 à 2021, la rentabilité des systèmes innovants est directement impactée par la présence d'espèces de diversification moins compétitives économiquement. Même dans les systèmes dans lesquels il y a eu une forte baisse des intrants azotés et phytosanitaires (exemple dans le Berry ou en Picardie), la baisse des charges est insuffisante pour compenser la perte de produit brut. Si les systèmes témoins à rotations courtes présentent généralement des limites agronomiques (comme ceux du Berry et du Lauragais), à l'inverse, les systèmes trop diversifiés, qui intègrent des espèces moins adaptées au contexte de production, « diluent » les performances des cultures historiques et réduisent la robustesse climatique - et donc économique - du système. C’est ainsi le cas des systèmes innovants du Berry, de Picardie et de Champagne.

Pas de conclusions hâtives

Pour les porteurs du projet, L'enjeu est donc, dans chaque contexte, de trouver un équilibre et d’insérer des cultures de diversification les plus adaptées possibles au contexte afin de bénéficier de leur intérêt agronomique sans trop altérer les performances des cultures historiques. Ces résultats contrastés démontrent aussi l’importance de ne pas tirer de conclusions générales sur les profils de performances des systèmes agroécologiques. La situation locale de production a un effet majeur sur les performances obtenues.

D’autre part, d’une année à l’autre, les performances des systèmes innovants comme des témoins sont très variables. Pour le moment, l’analyse réalisée sur ces cinq premières années ne met pas en évidence l’effet de l’amélioration progressive des performances des systèmes innovants, comparé aux systèmes témoins techniquement bien maîtrisés. Il est donc nécessaire de poursuivre la mise au point de ces systèmes innovants. Il reste cinq ans au programme Syppre pour atteindre le graal de la multiperformance.