8 ans après, les systèmes innovants Syppre toujours face au mur des IFT... et de l’EBE

L’allongement des rotations avec la diversification comme corollaire ne garantit pas toujours une réduction des IFT qui, le cas échéant, demeure nettement inférieure à la cible de -50% inscrite dans la stratégie Ecophyto 2030. Au plan économique, les performances sont quasi systématiquement dégradées.

Après huit campagnes de suivi (2015) et à deux campagnes de l’échéance finale (2025), les enseignements du programme expérimental Syppre (Systèmes de production performants et respectueux de l'environnement) laissent perplexes quant aux ambitions assignées à la transition écologique. Pour rappel, les plateformes Syppre, déployées par Arvalis, l’ITB et Terres Inovia dans cinq régions et systèmes agricoles distincts (Béarn, Berry, Champagne, Lauragais et Picardie), explorent tous les leviers agronomiques possibles (diversification, rotation, choix variétal, travail du sol, biocontrôle...) pour réduire les IFT (Indices de fréquence de traitement) de 50%, conformément aux objectifs inscrits dans Ecophyto, ancienne et nouvelle version, et en comparaison et en comparaison d’un témoin représentatif du système existant optimisé. Le recours au glyphosate par exemple n’est sollicité « qu’en dernier recours ». Syppre ne se cantonne pas à l’analyse des IFT : les systèmes innovants sont aussi jugés sur leur performance économique et sur leur productivité.

Evolution des IFT des systèmes innovants et de l’itinéraire témoin (Source : Syppre)
Evolution des IFT des systèmes innovants et de l’itinéraire témoin (Source : Syppre)

IFT : entre -25% et +18%

- Béarn : entre -17% et -60%

Dans les terres noires humifères du Béarn, où se pratique la monoculture de maïs sous mulch, Syppre repose sur 6 systèmes culturaux innovants, dont deux en monoculture mais moyennant l’introduction de couverts et de Cive et quatre en rotation de deux ou trois ans, avec soja et/ou blé tendre. Les dernières analyses de la plateforme concernent deux systèmes innovants en particulier, et prometteurs : une rotation en 2 ans Cive (avoine)-maïs-couvert-soja en semis direct et une rotation en 3 ans colza-soja-maïs. Sur la période 2018-2021, l’IFT du premier est réduit de 28% par rapport au témoin (-60% en 2022 et -2% en 2023). L’IFT du second est réduit de 47% en 2022 et de 17% en 2023.

- Berry : -25% en 2022

Dans les sols argilo-calcaire du Berry (Indre), Syppre repose sur une rotation de 8 ans introduisant, aux côtés du triptyque colza, blé tendre et orge d’hiver, du millet, du tournesol, du pois d’hiver, de la lentille, du blé dur et des couverts interculture. Résultats : à l’exception de 2019, quasi neutre, l’IFT Syppre est ressorti systématiquement inférieur à l’IFT témoin, s’établissant à -25% en 2022.

- Champagne : -9% en 2022

Dans les terres de craie de la Marne, Syppre repose sur une rotation de 10 ans contre 5 ans pour le témoin (blé tendre, orge de printemps, betterave, blé tendre, colza). Outre les couverts interculture, sont introduits colza, pois (hiver et printemps) et chanvre. Résultats : supérieur à l’IFT témoin entre 2017 et 2021, l’IFT Syppre ressort à -9% en 2022.

- Lauragais : +18% en 2022

Dans les coteaux argilo-calcaire du Lauragais (Haute-Garonne), Syppre repose sur une rotation de 8 ans introduisant, aux côtés des deux cultures dominantes que sont le blé dur et le tournesol, du blé tendre, du pois chiche, du pois d’hiver, du sorgho et du colza, en plus de couverts interculture, parfois au nombre de deux entre blé dur et tournesol. Résultats : entre 2017 et 2022, l’IFT Syppre est ressorti systématiquement supérieur à l’IFT témoin, s’établissant à +18% en 2022.

- Picardie : -21% en 2022

Dans les limons profonds de Picardie, Syppre repose sur une rotation allongée à 9 ans par l’introduction de pois d’hiver, de maïs, d’orge de printemps et de couverts d’interculture, complétant betterave, blé tendre, pomme de terre, colza ou flageolet. Résultats : entre 2017 et 2022, l’IFT Syppre est ressorti systématiquement inférieur à l’IFT témoin, s’établissant à -21% en 2022.

L’EBE presque systématiquement dégradé

- Béarn : -9% à +50%

La plateforme du Béarn est l’une des rares à voir la performance de certaines de ses modalités progresser. Pour ce qui est de la rotation en 2 ans Cive-maïs-couvert-soja en semis direct, tous les voyants sont au vert sur toute la période expérimentale, avec une moyenne 2018-2021 de +20% pour la marge directe avec aides (+10% en 2022 et +30% en 2023) et une moyenne 2018-2021 de +32% pour l’EBE par UTH familial (+13% en 2022 et +50% en 2023. En revanche, en ce qui concerne la rotation en 3 ans colza-soja-maïs, les performances économiques sont dégradées (par rapport au témoin), pointant à -9% (2022) et -56% (2023) pour la marge directe avec aides et à -9% (2022) et -80% (2023) pour l’EBE par UTH familial.

- Berry : -22% sur la période 2017-2023

Si les années à été humide (2017, 2021, 2023) sont favorables aux cultures de printemps et donc à Syppre comparativement au témoin, en moyenne pluriannuelle, la marge du système innovant reste inférieure à celle du témoin et plus variable, traduisant un manque de robustesse. Sur la période 2017-2023, la marge directe avec aides de Syppre pointe à -22% par rapport au témoin et EBE par UTH familial à -22%.

- Champagne : -46% en 2023

Entre 2017 et 2022, les deux indicateurs économiques (marge directe avec aides et EBE par UTH familial) ressortent systématiquement en négatif par rapport au témoin, dans des fourchettes comprises entre -18% et -78% pour le premier, -20% et -91% pour le second. Pour la campagne 2023, l’EBE par UTH familial de Syppre est en retrait de 46% par rapport au témoin. Les cultures de diversification, et essentiellement le pois, conduisent à une dégradation importante des performances économiques. La plateforme champenoise subit des dégâts d’oiseaux très conséquents, ainsi que des problèmes de bactériose, conduisant à un abandon quasiment systématique du pois ces dernières années. En 2023, le pois, le colza et le chanvre (remplacé tardivement par des betteraves) du système innovant ont été complètement détruits, limitant fortement l’acquisition de connaissance sur la plateforme pour cette campagne et la campagne à venir. En 2019, le chanvre a remplacé le tournesol, sujet à de nombreux dégâts lui aussi.

- Lauragais : -33% en 2021

Entre 2017 et 2022, les deux indicateurs économiques (marge directe avec aides et EBE par UTH familial) ressortent systématiquement en négatif par rapport au témoin, dans des fourchettes comprises entre -18% et -51% pour le premier, -18% et -51% pour le second. En 2021 (dernier chiffre connu), l’EBE par UTH familial de Syppre est en retrait de 33% par rapport au témoin. La baisse des performances économiques est attribuée à la réduction de la part du blé dur dans l’assolement, la moindre rémunération des cultures de diversification et à l’augmentation des charges opérationnelles due aux cultures intermédiaires avec semences certifiées.

- Picardie : -41% sur la période 2017-2023

Si les performances du système innovant sont très bonnes en termes de réduction de l’usage des intrants et des impacts environnementaux, les résultats économiques et de productivité sont inférieurs dans le système innovant depuis le début de l’essai, notamment en raison des très bonnes performances économiques du système témoin (surface plus importante de cultures à haute valeur ajoutée dans l’assolement témoin ; bonne maitrise technique de ces cultures). Sur la période 2017-2023, la marge directe avec aides de Syppre pointe à -21% par rapport au témoin.