Loup y es-tu ? Et si le statut du loup changeait ?

La proposition de la Commission européenne visant à modifier le statut de protection du loup, suscite un débat passionné.

Cette initiative, soulevée en septembre dernier après l'examen des nouvelles données sur la population des loups en Europe, est portée par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Elle suggère de reclasser le statut du loup, passant ainsi d’espèce “strictement protégée” a “protégée”. Ce changement juridique offrirait une plus grande flexibilité dans la gestion de l'espèce, en autorisant notamment des mesures comme des quotas de chasse et l'ouverture des tirs d'abattage aux chasseurs, jusque-là réservés aux louvetiers.

Le document intitulé "Plan National d’Actions 2024-2029 Loup et activités d’élevage" précise les implications d'un tel changement de statut. Si le loup venait à être reclassé en France à l’annexe III de la convention de Berne et à l’annexe V de la Directive « Habitats Faune Flore », ce changement juridique permettrait une gestion plus souple de l'espèce, avec la possibilité de définir des quotas et des modalités de prélèvements plus précises. Jusqu'à présent, le loup bénéficie d'une protection stricte en Europe en vertu de la Convention de Berne de 1979, ainsi que de sa transcription dans le droit français en 1989. Toutefois, des dérogations existent, notamment en France, conformément à la directive européenne "Habitats" de 1992, permettant des mesures spécifiques en cas de menace réelle pour le bétail et les activités d'élevage. Actuellement, 19 % de la population de loups peut être abattue (soit 174 loups en 2022). Cette proposition de modification du statut du loup soulève des questions cruciales concernant l'équilibre entre la protection de l'espèce et la préservation des intérêts économiques et environnementaux des régions affectées.

Les ONG mobilisées 

Les 11 ONG de protection de l'environnement, dont le WWF, Ferus, OPIE, SHF, SNPN, SFEPM, Humanité & Biodiversité, FNE, LPO, UICN et ASPAS, expriment leur préoccupation face à la proposition de modification du statut du loup. Elles affirment que ce changement mettrait en danger la survie d'une espèce déjà vulnérable, sans pour autant résoudre les difficultés rencontrées par les éleveurs. Au lieu de cela, ces organisations préconisent une approche basée sur la coexistence entre le loup et l'homme, avec une mise en œuvre renforcée des mesures de protection des troupeaux. Bertrand Sicard, président de l’association Férus qui milite pour la défense et la sauvegarde des grands prédateurs, s’indigne “le nouveau plan ne nous (ndlr : les 10 autres ONG) satisfait pas du tout”. Selon lui, une telle mesure ouvrirait la boîte de Pandore. Il serait impossible d’évaluer les conséquences à long terme et elle ouvrirait la voie à une modification de statut de protection à d’autres espèces. À terme, les ONG redoutent aussi que le loup devienne une espèce chassable, même si l’Etat le dément. “C’est pourquoi nous avons lancé une pétition. Aujourd’hui, nous tentons d'obtenir un rendez-vous avec le Premier ministre Gabriel Attal, pour lui expliquer la gravité de la situation”. 

Les tirs, une solution efficace ? 

Les ONG remettent en question l’efficacité des tirs. Bertrand Sicard explique, “Ils ne sont en rien pédagogiques. Le loup est très similaire à nous d’un point de vue sociable. S’il est dissuadé d’aller à un endroit, il informera sa meute, à condition qu’ils y aient des moyens de protection mis en place et qu’il puisse revenir vers les siens”. Il conclut : "un loup mort est un loup qui n'apprend pas". Concernant l’assouplissement des tirs, le rapport du Plan Nation d’Action est lui circonspect sur leur efficacité : “s’agissant de l’effet des tirs sur la prédation, des travaux de recherche ont été menés sans apporter de résultats évidents. Ainsi la thèse encadrée par l’OFB et le CNRS n’a pas permis de conclure : elle a montré que les tirs étaient réalisés dans les foyers de prédation, mais n’a, en revanche, pas permis de montrer d’effet univoque sur la prédation (les résultats étant hétérogènes en fonction des massifs). Il convient de continuer les travaux de recherche”. 

Privilégier le préventif au curatif

Selon le président de l’association Ferus, la France et les éleveurs ont oublié les modes de protection traditionnels, contrairement à d’autres pays européens où le loup n’a jamais réellement disparu : Espagne, Roumanie ou encore l’Italie. “Là-bas, les éleveurs travaillent avec de bons chiens qui connaissent bien les loups, ces derniers ont peu de chance d’attaquer les brebis”. Les associations recommandent également d’augmenter les moyens de protection : clôtures, rondes la nuit, mise en place de filets… “Il y a des solutions, rappelle Bertrand Sicard, il n’y a pas zéro risque mais certaines des mesures ont déjà fait leurs preuves”. Il rappelle que le loup ne représenterait à ce jour qu’1% de la disparition du cheptel français, chiffre qui n’a pas été reconnu par l'État. Concernant la question du financement du loup, attaques et préventions, elle est de 38 millions d’euros selon l’Inrae, contre 50 pour le sanglier d’après la FNC. Les 11 ONG restent soudées entre elles et se retrouveront mardi 9 avril pour discuter ensemble des stratégies.