Météo 2020 : l’automne de tous les contrastes

Records de chaleur et de froid, neige précoce et tempête exceptionnelle : le bilan météorologique de l’automne 2020 en France est pour le moins contrasté. Jérôme Cerisier, météorologiste pour DTN, dresse le bilan du septième automne le plus doux de l'histoire de France, qui affiche un déficit pluviométrique de -16% et un ensoleillement supérieur à la normale.

Après un mois d’octobre très perturbé, quel est le bilan météo de novembre 2020 ?

Jérôme Cerisier : Effectivement, le mois d’octobre s’est montré très perturbé dans la durée, avec une succession de dépressions au voisinage immédiat de la France, et en prime des températures un peu trop justes pour la saison. Ce fut d’ailleurs le premier mois déficitaire à l’échelle de la France depuis… mai 2019 !

Pourtant, dès les premiers jours de novembre, la situation météo a radicalement changé avec le retour de conditions anticycloniques durables. Les hautes pressions ont navigué tout au long du mois entre les îles britanniques, la France et l’Europe Centrale, empêchant les perturbations de circuler. On a simplement noté deux petits épisodes méditerranéens, le premier en milieu de mois (14-15), avec jusqu’à 91 mm à Marseille notamment, et le deuxième le week-end dernier. Celui-ci a concerné essentiellement la Roussillon et l’est de la Corse, avec jusqu’à 150 mm dans l’intérieur des Pyrénées-Orientales.

Pour le reste, les précipitations se sont montrées rares sur le pays, à l’exception de la pointe bretonne (déficit de national de -63%, mais tout de même 109 mm à Brest).

"Ce mois de novembre rentre dans le top 10 des plus doux de l’histoire"

L’ensoleillement a également été très supérieur aux normales et digne d’un mois d’octobre (+53%), ce qui est une constante depuis le début de l’année. En région parisienne par exemple, nous avons déjà dépassé les 2000 heures de soleil depuis la mi-novembre, ce qui n’était s’était pas produit depuis plus de 50 ans.

Enfin, la douceur a fait son retour avec un excédent mensuel de +1,9°C. Il est particulièrement notable au niveau des maximales (+2,6°C), les minimales étant plus fraîches en raison du rayonnement nocturne. Quelques records mensuels de douceur ont été battus les tout premiers jours du mois avec par exemple 28,7°C à Cambo-les-Bains (64) ou 26,7°C à Mont-de-Marsan (40). Ce mois de novembre rentre dans le top 10 des plus doux de l’histoire malgré une dernière journée bien froide.

Les pluies automnales ont-elles permis de diminuer la sécheresse des sols ?

Jérôme Cerisier : Il est vrai qu’après un printemps et un été très sec, notamment sur les régions du nord et de l’est, les perturbations ont retrouvé le chemin de la France dès la deuxième quinzaine de septembre, avec des pluies quasiment quotidiennes jusqu’à la fin octobre. Sur cette période, l’excédent pluviométrique à l’échelle de la France a été de +40%, ce qui a grandement réduit la sécheresse de surface, dite agricole.

C’est moins vrai dans le nord-est du territoire, où elle a été plus importante d’une part (déficit atteignant parfois 60% entre mai et mi-septembre), et où les pluies de ce début d’automne ont aussi été moins abondantes. A Strasbourg par exemple, il n’est tombé que 56 mm, soit un petit déficit supplémentaire.

Néanmoins, au niveau national, ce mois d’octobre très arrosé est extrêmement bénéfique et a permis de normaliser la situation sur la plupart des régions.

Au niveau des nappes phréatiques enfin, la situation n’a jamais été trop problématique car l’hiver 2019-20 avait été très arrosé, ce qui avait permis une bonne recharge des nappes. En revanche, avec la sécheresse de ce mois de novembre, il faudra surveiller la situation sur ce plan dans les prochains mois, car nous sommes à présent en période de reconstitution. Le retour du temps perturbé est toutefois prévu dans les prochains jours.

En quoi les phénomènes météo observés au mois d’octobre ont-ils été exceptionnels ?

Jérôme Cerisier : Personne n’a oublié la tempête Alex au tout début du mois d’octobre, qui nous a valus deux vigilances rouges à l’espace de 48 heures. Il s’agit d’une dépression dite explosive, c’est-à-dire qu’elle s’est creusée très rapidement, perdant plus de 30 hectopascals en une journée, aidée par un courant-jet très puissant en altitude. Ce type de tempêtes, particulièrement dangereuses et imprévisibles, a par exemple été observé en décembre 1999, en janvier 2009 (tempête Klaus) ou en février 2010 (tempête Xynthia).

Dans un premier temps, ce sont les rafales de vent qui ont été extrêmement violentes en Bretagne, battant parfois des records absolus avec par exemple 186 km/h à Belle-Île (56), 157 km/h à l’île de Groix (56) ou 135 km/h à Sarzeau (56). Ensuite, un épisode méditerranéen exceptionnel s’est mis en place à l’avant, notamment sur les Alpes-Maritimes avec des précipitations ayant une durée de retour centennale. On a ainsi relevé en 24 heures plus de 500 mm à Saint-Martin-Vésubie, soit l’équivalent de près d’un an de pluie à Paris !

Les dégâts ont été considérables dans toutes les vallées de l’arrière-pays niçois. Si Alex a été le seul phénomène exceptionnel du mois, les conditions sont restées perturbées du début à la fin, avec notamment la tempête Barbara du 19 au 21, où les vents de sud ont soufflé à parfois plus de 150 km/h sur les Pyrénées mais aussi les monts du Lyonnais, dépassant 110 km/h à Toulouse (autan) et à Clermont-Ferrand. Enfin, la neige est tombée en abondance à plusieurs reprises sur tous les massifs, ce qui est relativement précoce.

Quel bilan peut-on tirer de cet automne 2020 ?

Jérôme Cerisier : Le mot qui pourrait caractériser au mieux cet automne météorologique serait contrasté. En effet, septembre en lui-même a déjà affiché de fortes disparités, avec une première quinzaine presque caniculaire, puis une deuxième partie de mois très perturbée et fraîche, avec de la neige très précoce en moyenne montagne et même quelques records mensuels de froid. Octobre a été très perturbé dans la durée, nous l’avons vu, et novembre s’est montré en revanche calme et très ensoleillé.

Si l’on résume cet automne en chiffres, il aura affiché un excédent thermique de +1°C, un déficit pluviométrique de -16% et bonne nouvelle, le soleil se sera montré 15% de plus qu’en temps normal. Il s’agit du septième automne le plus doux de l’histoire en France, avec une moyenne nationale de 13,5°C, assez nettement derrière 2006 (14,8°C) ou encore 2014 (14°C). Rappelons que ce n’est pas parce que l’automne est doux que l’hiver sera froid ou vice-versa, nous sommes dans un climat tempéré où il n’y a pas de lien de causalité.