Météo : retour du gel et crainte d’une sécheresse précoce

Après un mois de mars particulièrement doux et sec, la situation hydrique s’est nettement dégradée en France, laissant craindre une sécheresse précoce. Quant à la chute drastique des températures prévue pour le début du mois d’avril, elle inquiète et rappelle l’épisode de gel de l’an dernier. Le point météo avec Nicolas Le Friant, météorologiste chez DTN.

Le dernier jour du mois de mars a vu un changement radical du temps avec l’arrivée d’une masse d’air froid en provenance directe d’Arctique. Résultat, en moins de 4 jours, les températures ont baissé de 15 à 20 degrés en moyenne sur le pays. « Ce changement s’est effectué avec le passage d’une perturbation qui va provoquer de la neige jusqu’en plaine entre ce vendredi 1er et ce samedi 2 avril. Il sera, dès lors, fort probable d’observer de 2 à 5 cm de neige en plaine (surement moins dans les grandes villes telles que Paris) et, évidemment, l’ensemble des reliefs retrouvera un manteau neigeux », indique Nicolas Le Friant, météorologiste chez DTN.

Ce coup de froid, non exceptionnel pour cette période de l’année, se poursuivra dimanche 3 et lundi 4 avril, « mais nous ne parlerons plus de neige mais de gel », poursuit Nicolas Le Friant. En effet, avec le retour des hautes pressions, le rayonnement nocturne, couplé avec la présence de l’air froid, fera chuter les températures minimales et de fortes gelées (jusqu’à -6°C en plaine) sont prévues dimanche matin et lundi matin sur quasiment l’ensemble du pays, selon DTN. Ce gel tardif est une très mauvaise nouvelle pour les cultures, et rappelle le cauchemar d’avril 2021.

Températures minimales prévues pour dimanche 3 avril 2022.

« A partir du lundi 4 avril dans l’après-midi, le redoux sera sensible par l’Ouest et s’accompagnera d’humidité en provenance de l’océan Atlantique, ce qui aura comme conséquence le passage de perturbations pluvieuses plutôt bénéfiques, indique le météorologiste. A noter, tout de même, que l’air froid restera en embuscade sur le nord de l’Europe et pourrait donc, à tout moment, revenir sur le pays à la faveur du basculement du vent au secteur nord… un mois d’avril qui ne ressemblera donc pas du tout à celui du mois de mars ».

Le mois de mars 2022 dominé par une récurrence anticyclonique et sèche

Le mois de mars 2022 a été marqué par des contextes météorologiques assez atypiques. « Malgré le développement de deux épisodes cévenols, qui se produisent davantage en automne qu’au printemps, les conditions météorologiques ont été particulièrement sèches sur le nord et l’est du pays », constate Nicolas Le Friant. L’ensoleillement a battu des records sur le nord-est du pays alors qu’il n’a jamais fait aussi gris sur le Languedoc-Roussillon. « Cette situation s’explique par la présence et la persistance des hautes pressions sur le nord de l’Europe qui ont véhiculé une masse d’air continental et sec sur la plupart de nos régions », précise le météorologiste.

Résultat, les précipitations ont été très déficitaires à l’échelle du pays avec quasiment deux fois moins de pluies qu’un mois de mars normal. Les régions septentrionales et de l’est du pays ont connu un mois de mars très sec avec une moyenne de 5 à 10 mm de précipitations. En conséquence, la situation hydrique s’est nettement dégradée au cours du mois : « en termes d’anomalie, nous sommes très largement au-dessus des indices habituellement observés à cette période de de l’année », note Nicolas Le Friant, qui prévient : « si les prochaines semaines s’annoncent globalement sèches, il faudra craindre une sécheresse précoce (nappes phréatiques moins bien rechargées durant cet hiver et qui ne se rechargeront plus car les précipitations estivales seront absorbées par la végétation) dans de nombreux départements et attention au Mistral qui pourrait souffler cet été et qui attisera les malheureusement probables incendies de forêt ». Enfin, il est à noter que près de 80% des cours d’eau français affichent des débits inférieurs à la normale.

La situation hydrique s’est nettement dégradée au cours du mois de mars 2022.

En revanche, du Languedoc-Roussillon aux Midi-Pyrénées, les précipitations ont été excédentaires et même exceptionnelles sur certaines localités des Cévennes héraultaises qui ont reçu l’équivalent de 2 à 4 mois de précipitations lors des deux épisodes cévenols observés.

Un mois globalement doux et ensoleillé

Concernant les températures, elles ont été très douces avec un excédent moyen de 1,4 degrés par rapport à la normale climatiques (toujours calculées sur les 30 dernières années). Globalement, à l’exception de la période du 4 au 8 mars, les températures moyennes ont toujours été excédentaires. « Ce sont surtout les valeurs maximales qui ont été élevées (excédent de plus de 2 degrés) alors que les minimales, quant à elles, sont proches des normales, précise Nicolas Le Friant. Les gelées ont été très fréquemment observées du fait de la persistance des conditions anticycloniques ».

Enfin, l’ensoleillement s’est montré particulièrement important sur la plus grande partie du pays avec des valeurs souvent exceptionnelles comme à Charleville-Mézières avec près de 226 heures (record mensuel), ce qui est deux fois la durée d’ensoleillement moyen. Plus globalement, c’est l’ensemble de la moitié nord qui a connu un mois très lumineux et même très largement excédentaire. A contrario, les régions méridionales accusent souvent un déficit.

« D’après une analyse plus poussée et climatologique de ces 40 dernières années, nous constations une récurrence de plus en plus fréquente de situations dites de « blocages », ce qui est probablement le fait du ralentissement du flux perturbé d’ouest zonal à tous les niveaux de l’atmosphère (très nette ondulation du courant-jet), détaille le météorologiste. La conséquence est la variation plus importante des masses d’air chaud, remontant vers le nord, et des masses d’air froid, se dirigeant vers le sud. Ainsi, ces masses d’air tropical, en progressant davantage vers le nord, font remonter, en latitude, les anticyclones subtropicaux, qui se situent donc plus fréquemment vers le nord de l’hémisphère ».