Méthanisation : des projets industriels aux enjeux profondément humains

Après quelques années de creux à la suite de la flambée des coûts des matières premières, les professionnels estiment que la période est désormais tout à fait favorable aux projets de méthanisation. Mais leur mise en œuvre nécessite une attention particulière sur le plan humain, bien plus que pour les projets photovoltaïques.

Dans les Hauts-de-France, l’engouement pour le gaz vert est palpable. Selon la Chambre d’Agriculture, près de 160 installations de méthanisation agricole sont en fonctionnement dans la région, faisant de cette dernière le leader de la production de biogaz en France. Après une première vague d’installations, freinées par le covid, la guerre en Ukraine et la hausse des coûts d’investissements, la période redevient propice au développement des projets. « Aujourd’hui, la situation est beaucoup plus saine. C’est le moment de prendre le rebond », affirme David Batteux, président de l’Association des Agriculteurs Méthaniseurs Hauts-de-France. Malgré des investissements de plusieurs millions d’euros qui rendent la dimension de ces projets plus industrielle qu’agricole, la rentabilité est telle « qu’il faut y aller », estime-t-il.

Une affirmation partagée par le Crédit Agricole, qui a créé un pôle dédié aux énergies renouvelables. « La méthanisation est une production qui permet de sécuriser une partie des revenus, et qui offre une bonne visibilité sur une quinzaine d’années », indique Christophe Boudes, responsable de la filière Transition Énergétique au Crédit Agricole du Nord Est. Mais la dimension collective de ces projets rend le facteur humain beaucoup plus important que pour les autres installations d’énergies renouvelables, comme le photovoltaïque par exemple.

« Un collectif d’agriculteurs méthanisateurs doit se mettre d’accord sur la gestion des 15 à 20 prochaines années. Ce qui est vrai pour une exploitation agricole l’est encore plus pour un projet de méthanisation », pointe Christophe Boudes. La distribution de la charge de travail, l’apport des matières premières pour nourrir le méthaniseur, le partage de la valeur… autant de décisions qui doivent être discutées en amont et qui peuvent être remises en question au fil des années. Que se passe-t-il si un des associés décide d’arrêter l’activité ? De partir à la retraite ? De moins s’investir ? Toutes les situations doivent être abordées et inscrites noir sur blanc via un pacte d’associés.

« Le volet humain est déterminant », abonde Samuel Heller, conseiller d’entreprise au Cerfrance Picardie Nord de France. Il enjoint les porteurs de projet à faire une analyse de risque complète, qui englobe les plans économiques, techniques, commerciaux et aussi humains. Environ trois ans sont nécessaires entre la réflexion et le début du projet. Un temps à mettre à profit pour discuter sereinement entre futurs associés.