Mirabelle de Lorraine : « Heureusement que l’on est sur une demi-récolte »

Plus que le climat et le gel en particulier qui a affecté sa récolte 2022, Eric Floquet appréhende toujours plus les difficultés de recrutement du personnel saisonnier indispensable à la récolte de ses mirabelles et autres productions fruitières.

« Heureusement que l’on est sur une demi-récolte car je ne sais pas comment on aurait ramassé nos mirabelles cette année ». La phrase en dit long sur le dépit d’Eric Floquet, producteur de mirabelles de Lorraine IGP et accessoirement de pêches, d’abricots, de quetsches ou encore de fraises et petits fruits. L’arboriculteur n’ira pas jusqu’à remercier le coup de gel qui s’est invité en avril dernier du côté de Buxières-sous-les-Côtes (Meuse) et de Lagney (Meurthe-et-Moselle), les deux sites d’exploitation du Gaec Les vergers du coteau. D’autant moins qu’il n’est pas assuré. « Financièrement, c’est impossible de se couvrir, ni en moyens techniques, ni en produits assurantiels », explique-t-il. L’épisode a décimé environ la moitié du potentiel de production de son verger de 25 ha, sur un total de 32 ha de SAU, dont 2 ha de maraichage.

L’investissement, la quête de valeur, la reconnaissance, la dynamique collective, le soutien des pouvoirs publics : tous les ingrédients du succès sont là. Il n’y a qu’à produire. Et récolter.
L’investissement, la quête de valeur, la reconnaissance, la dynamique collective, le soutien des pouvoirs publics : tous les ingrédients du succès sont là. Il n’y a qu’à produire. Et récolter.

Le gel, ce n’est pas tous les ans, encore que, au train où va le climat. Mais la main d’œuvre... « C’est très clairement une menace pour une exploitation comme la nôtre, affirme l’arboriculteur. La récolte des mirabelles s’opère en quelques semaines seulement, période pendant laquelle il nous faut mobiliser jusqu’à 40 personnes pour assurer la cueillette ».

La mécanisation réduit à la portion congrue le besoin de main d’œuvre mais certains vergers et circuits commerciaux sont inadaptés
La mécanisation réduit à la portion congrue le besoin de main d’œuvre mais certains vergers et circuits commerciaux sont inadaptés

La mécanisation ne fait pas tout

En année « normale », le Gaec produit entre 350 et 400 t de mirabelles, dont 90% sont livrées à l’union de coopératives Végafruits, premier opérateur de mirabelles IGP, regroupant environ 200 producteurs de la région. Le Gaec a mécanisé autant que faire se peut la récolte, en s’équipant d’un vibreur et de bâches déroulantes réduisant le besoin en main d’œuvre à la portion congrue. Cette stratégie est d’autant plus pertinente que la coopérative s’est récemment dotée de matériel de tri optique, dans le cadre d’un plan d’investissement de 10 millions d’euros, avec la contribution de France Relance à hauteur de 2,1 millions d’euros. « Le tri optique permet de valoriser l’intégralité notre récolte, se félicite Eric Floquet.

La récolte des mirabelles s’opère en quelques semaines seulement
La récolte des mirabelles s’opère en quelques semaines seulement

Outre la conserverie, la coopérative a développé une activité de surgélation et depuis peu, ses purées de fruits sont conditionnées en gourdes sous la marque Minute Fruitée, avec un joli succès. L’investissement, la quête de valeur, la reconnaissance, la dynamique collective, le soutien des pouvoirs publics : tous les ingrédients du succès sont là. Il n’y a qu’à produire. Et récolter.

"Ne pas pouvoir récolter des fruits, c’est aussi dur financièrement que psychologiquement"

Le Gaec commercialise environ 10% de ses mirabelles en vente directe, au sein du magasin qu’Eric et on épouse exploitent à Lagney et où ils vendent également des produits secs, laitiers et carnés d’une dizaine de producteurs. La bio ? « En mirabelle c’est compliqué. Il faut déjà gérer les parasites qui prolifèrent dans les vergers bio laissés à l’abandon, fulmine le producteur. Mais en pomme, j’y songe ». Pour la vente directe, les fruits sont récoltés manuellement. Pour réduire la pénibilité, le verger a été transformé en mode piéton, rabaissant les charpentières à hauteur d’homme.

peut miser sur un noyau dur d’une quinzaine de saisonniers fidèles
peut miser sur un noyau dur d’une quinzaine de saisonniers fidèles

Chaque année, l’exploitation peut miser sur un noyau dur d’une quinzaine de saisonniers fidèles. Bien mais pas suffisant. Les dispositifs incitatifs à l'embauche ? « En Meurthe-et-Moselle, les saisonniers peuvent conserver le bénéfice du RSA tout en exerçant une activité ponctuelle mais pour autant, on n’a pas plus de candidats que dans la Meuse, où ce dispositif n’est pas mis en œuvre ».

Au printemps, Eric Floquet s’est fait surprendre par la maturité prématurée de sa production de fraises. Le défaut de personnel a généré des pertes. « Ne pas pouvoir récolter des fruits, c’est aussi dur financièrement que psychologiquement », conclut-il.

Ces mirabelles prendront la direction de la coopérative Végatfruits, qui dispose d’un site de conditionnement à Vigneulles-Lès-Hattonchâtel dans la Meuse
Ces mirabelles prendront la direction de la coopérative Végatfruits, qui dispose d’un site de conditionnement à Vigneulles-Lès-Hattonchâtel dans la Meuse