Moisson 2022 : le meilleur revenu depuis 2014 mais beaucoup de disparités entre les régions

Agreste vient de publier ses premières estimations de rendements pour les récoltes d’été. Avec le niveau de prix actuels, la campagne 2022 s’annonce comme un très bon millésime en termes de revenus sur la ferme France.

Dans un contexte d’augmentation des coûts et de forte volatilité des prix, le rendement - de plus en plus dépendant des aléas climatiques - n’est que le troisième déterminant de revenu de la récolte 2022. Les évolutions constatées sur les marchés agricoles et sur les coûts de production entre les récoltes 2021 et 2022 impacteront fortement le résultat économique final. Si l’année 2022 s’annonce être une année favorable, 2023 s’annonce comme une année plus risquée.

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De bons rendements en colza et des rendements inférieurs à la moyenne quinquennale pour les principales céréales et les pois

Au niveau national, le tableau ci-dessous permet de comparer pour chaque culture, les premières estimations de rendements à la moyenne quinquennale.

La culture de colza constitue une bonne surprise avec des rendements supérieurs à la moyenne des 5 dernières années. Le rendement pour le blé est de 3,5% inférieur à cette moyenne historique. Les rendements sont en net recul en blé dur, en orge de printemps et en pois par rapport à la moyenne 2017-2021.

Impact du recul des rendements : une perte de revenu de 60€/ha pour les surfaces moissonnées

En tenant compte des prix actuels, nous estimons la perte de revenu à environ 55 €/ha sur les surfaces moissonnées qui représentent environ les deux tiers de l’assolement moyen de la ferme France. L’impact de la récolte sur le revenu est positif pour le colza. Il est négatif pour les autres cultures. La perte de revenu liée à la mauvaise récolte est de 150 €/ha en pois. Cette perte se rapproche de 300 €/ha en orge de printemps et en blé dur. Le poids de ces cultures dans l’assolement de la ferme France limite toutefois la perte moyenne attendue sur le revenu global.

2022 s’annonce comme une très bonne année en termes de revenu sur la ferme France

Nous avons réalisé une première estimation de l’excédent économique 2022 à partir des prix de marchés constatés début août, des charges estimées pour cette campagne et des indications de rendements d’Agreste.

Nous estimons pour la ferme France une augmentation des charges de 300 €/ha entre la récolte 2021 et 2022 (soit +23%). L’augmentation des coûts pour la récolte 2022 est essentiellement liée à la hausse du prix des engrais.

Le chiffre d’affaires est évalué avec la situation des marchés observée début août de chaque année. Il atteint 2260 €/ha pour la récolte 2022 contre 1550 €/ha pour la moisson 2021. Cette hausse du produit s’explique par l’évolution favorable des marchés agricoles entre les deux moissons.

La différence entre les produits et les charges constitue le résultat. Celui-ci est un excédent. Il a presque triplé entre 2021 et 2022, passant de 230 €/ha pour la récolte 2021 à près de 630 €/ha pour la récolte 2022.

2023 : vers un effet « ciseaux » avec des perspectives économiques plus incertaines

Une situation d’effet « ciseaux » désigne une situation selon laquelle deux déterminants risquent d’évoluer de manière opposée.

Le premier critère de cet effet ciseaux est la poursuite de l’augmentation des coûts. L’augmentation des charges d’engrais va se poursuivre pour la récolte 2023. Mais pour cette future récolte, ce sont également tous les autres postes de charges qui vont progresser sous les effets significatifs et très marqués de l’inflation. Aujourd’hui, nous estimons pour la ferme France une augmentation des charges pour la 2ème année consécutive sur un rythme soutenu (+270 €/ha entre la récolte 2022 et 2023, soit +17%).

Le deuxième phénomène de l’effet ciseau est la baisse possible des produits. Les prix actuels pour la récolte 2023 sont inférieurs à la récolte 2022. Par ailleurs, les rendements prévisionnels 2023 s’appuient sur la moyenne quinquennale, qui marque un recul en intégrant les rendements de la moisson 2022. A ce jour, à partir de ces hypothèses retenues et du maintien de l’assolement, le chiffre d’affaires prévisionnel de la récolte 2023 serait en recul de près de 160 €/ha.

L’effet « ciseaux » qui se dessine, se traduit par cette variation divergente des charges par rapport au produit. La hausse des charges de 270 €/ha couplée à une diminution prévisionnelle du produit de 160 €/ha explique un recul de plus de 400 €/ha du gain prévisionnel de la récolte 2023, par rapport à celui attendu pour la récolte 2022.

En l’espace de deux campagnes, les charges devraient progresser d’environ 600 €/ha (ou +44%).  Pour un rendement moyen en blé de 7t/ha, cela représente une hausse du coût de production en blé de plus de 80 €/t entre la récolte 2021 et 2023. Cette progression des coûts très significative caractérise un risque sur la compétitivité de l’agriculture française.

Pour la récolte 2023, à l’heure actuelle, cette hausse prévisible des coûts n’est pas absorbée par une progression du produit comme cela a été observé pour la moisson 2022. L’excédent attendu s’établirait à 200 €/ha. Il ne représente plus que 10% du produit.  Ainsi une diminution des prix de plus de 10% et/ou une perte de rendement de plus 10% génèreraient un revenu négatif sur la ferme France.

Dans un contexte d’érosion des rendements et de respect des obligations réglementaires, le maintien d’un niveau de revenu satisfaisant sera surtout dépendant d’un inversement du phénomène « effet ciseaux » qui se dessine actuellement pour la récolte 2023. Cela passe aussi par des décisions de gestion à prendre sur chaque exploitation.

Les résultats de la ferme France présentent la tendance de fond. Ce résultat est une moyenne. Celle-ci cache surtout de fortes disparités observées selon les différentes productions et dans les différentes régions. Nous vous les présenterons d’ici quelques jours.

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