Objectif : 10 hectares par culture pour optimiser les traitements

Série d’été « Ils s’organisent pour mener une double activité » (3/4). Dans le nord de la France, Laurent Devochelle et Mathilde Clément se sont installés avec un statut de double-actif. Toute l’organisation de la ferme est réfléchie pour gérer de front leurs métiers salariés et la gestion des cultures.

Quand ils se sont installés sur une exploitation céréalière à Givenchy en Goelle, dans le Pas-de-Calais, Laurent Devochelle et Mathilde Clément ont pris la décision d’opter pour la double activité, un statut qu’ils connaissent bien pour avoir vu leurs parents respectifs le pratiquer durant leur carrière professionnelle. Martine Clément, la mère de Mathilde, est elle-même toujours double-active et associée au sein d’une SCEA avec le jeune couple.

Lorsqu’ils ne travaillent pas sur la ferme, Laurent Devochelle et Mathilde Clément sont tous les deux conseillers à la chambre d’agriculture des Haut-de-France où ils se sont rencontrés. Les deux nordistes ont réfléchi leur système de culture afin qu’il soit compatible avec leur second métier. « Nous avons instauré une clé de répartition de 10 hectares par culture. C’est la surface qui convient le mieux pour réaliser un traitement avec le pulvérisateur de 3000 litres avant de commencer ma journée de conseiller à la chambre. Initialement, j’étais parti sur une répartition de 15 hectares, mais au moindre retard pris dans la mise en route et le remplissage du pulvérisateur, j’étais trop court pour finir », explique Laurent Devochelle.

Au-delà des traitements matinaux, il consacre un week-end sur trois aux travaux de l’exploitation agricole. « La clé de répartition de 10 hectares me permet également de semer une culture sur un week-end, sachant que j’ai une aide familiale via mon beau-père pour la préparation du sol », explique le nordiste. Il lui arrive également de poser des jours pour les semis. « Les agriculteurs que je conseille sont aussi aux champs ces jours-là, donc ils n’ont pas besoin de moi à ce moment-là », souligne-t-il.

Répartir son assolement avec une clé de 10 hectares permet à Laurent Devochelle de traiter l’ensemble d’une culture le matin avant d’entamer son métier de conseiller en production végétale. ©TD

Développement d’une activité Agrikolis

De son côté, Mathilde Clément estime le temps qu’elle passe sur la gestion administrative de l’exploitation à deux heures par semaine. Elle a également développé une activité de diversification avec le service Agrikolis. Ce qui lui fait dire qu’elle est « pluri-active plutôt que double-active ». « Pour moi, cela représente le fait que j’ai plusieurs activités, que ce soit sur la ferme ou en dehors », commente-t-elle. L’exploitante y consacre cinq à six heures par semaine. « Il y a la livraison le lundi matin qu’il faut décharger du camion et quatre permanences dans la semaine, dont trois soirées et le samedi matin », détaille-t-elle. Le camion de livraison a la consigne d’arriver tôt le matin afin que le déchargement soit fait avant l’heure d’embauche à la chambre d’agriculture. « Si jamais il devait être en retard, j’ai la chance d’avoir mes parents qui peuvent prendre le relais », reconnaît-elle.

Tous les lundi matin, Mathilde Clément décharge les colis que viendront chercher les particuliers dans la semaine. © TD

Encore en période de rodage

Si cette gestion théorique de l’emploi du temps semble idéale, elle nécessite des ajustements constants pour trouver un vrai équilibre dans la pratique. « Nous sommes encore en phase d’installation, le premier dossier PAC a été particulièrement compliqué et long, mais ça devrait être plus simple pour les prochains », assure le producteur du Pas-de-Calais. La rotation en elle-même est en transition pour atteindre le schéma idéal de 10 hectares par culture. « Mais pour l’instant, les cultures ne sont pas aussi bien réparties. Cette année j’ai semé 18 hectares de betteraves, associé à un problème électrique sur le tracteur, ça a généré un goulot d’étranglement au printemps que je commence seulement à résorber début juillet », regrette-t-il. Autre point d’amélioration, l’exploitant développe l’agriculture de conservation des sols sur ses terres. Il compte sur l’amélioration de la qualité des sols et la simplification des pratiques culturales pour diminuer la charge de travail globale.

Pas de pommes de terre

La SAU de l’exploitation comprend 83 ha, en majorité en limon profond. L’assolement théorique se répartit sur 30 ha de blé tendre, 10 ha de betterave, 10 ha de chicorée, 10 ha de maïs, 10 ha de pois et 10 ha de colza. « Nous avons fait le choix de ne pas faire de pomme de terre. C’est une culture trop compliquée à gérer en tant que double-actif », rapporte Mathilde Clément.

Des professions qui s’enrichissent mutuellement

C’est par son métier de conseillère en développement local, qui repose en grande partie sur les relations avec les collectivités, que Mathilde Clément a eu l’idée de lancer une activité Agrikolis. « J’ai rencontré le directeur lors d’un forum où j’étais présente pour la chambre d’agriculture », explique-t-elle. À l’inverse, devenir exploitante lui a permis d’appréhender de manière encore plus réelle les problématiques des agriculteurs au quotidien. « Cela me permet de les retranscrire de manière très précise dans mes échanges avec les collectivités territoriales dans le cadre de mon métier de conseillère », se félicite la jeune installée.

Le constat est le même pour Laurent Devochelle. Son poste de conseiller en cultures végétales lui permet de s’enrichir des expériences de la cinquantaine d’agriculteurs qui constitue le noyau dur du Geda qu’il anime. « À l’inverse, ce que je fais sur l’exploitation me permet de prendre du recul et d’avoir les idées claires pour amener de la contradiction aux adhérents qui me le demandent », affirme-t-il. D’une manière générale, le couple estime que la gestion des deux professions en parallèle leur permet de garder une dynamique de développement constante sur l’exploitation.

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