Du fer à cheval au sécateur : portrait d’un agriculteur multitâche

Série d’été « Ils s’organisent pour mener une double activité » (4/4). Dans le Rhône, Boris Dumas est viticulteur, céréalier, éleveur de chevaux et maréchal ferrant. Entre ses activités, il a trouvé un équilibre, et ne se voit pas en abandonner une. Très organisé, il jongle entre un peu de salariat, de la prestation, et un système de production optimisé.

Assis à la table de son salon, souriant, Boris Dumas parle vite, et son propos est concis et efficace. Il faut dire que son planning est bien rempli. Maréchal ferrant, il exploite 80 ha, dont 3,7 ha de vigne, 10 ha de céréales, 60 ha de fourrage et le reste en pâture, avec un petit élevage de chevaux, comptant dix bêtes. Il ferre en général le matin, avant d'enchaîner avec les travaux de la ferme. Pour autant, pas question de mettre de côté la vie de famille : un mercredi sur deux, il s'occupe de ses deux jeunes enfants le matin. « Le samedi, 80 % du temps je travaille, mais le dimanche j'essaie de prendre du temps », explique le pluriactif, aussi pompier volontaire, qui ne néglige pas les travaux domestiques, « même si ma femme en fait plus que moi à la maison ».

La clé ? Une organisation bien réfléchie, peu de sommeil, « et j'ai une femme merveilleuse », ajoute Boris Dumas, pour qui son soutien est essentiel. Si le rythme est soutenu, il estime avoir trouvé un équilibre, chaque métier le nourrissant différemment. Financièrement, la maréchalerie lui a apporté et apporte une sécurité financière ayant permis de créer la ferme, certifiée HVE (haute valeur environnementale) depuis 2019.

Activités à parts égales

« Lissé sur l'année, sur une semaine, je dirais que je fais 30 heures en maréchalerie et 30 heures pour le reste », estime Boris Dumas. Avec son EURL, recouvrant la maréchalerie et l'activité viticole, il se dégage 2000 € de prélèvement privé par mois, « même si avec l'augmentation de tous les coûts maintenant c'est plutôt 1500 € ». Au sein de l'EURL, les deux activités rapportent quasiment autant, en comptant les aides PAC dans l'activité agricole. En pratique, deux salariés à temps partiel l'épaulent sur la ferme : son oncle, exploitant à la retraite, présent huit mois par an, en moyenne un jour à un jour et demi par semaine. Et depuis peu son beau-père, qui cette année a travaillé à raison de deux jours par semaine dans les vignes pour les relevages. « Ils connaissent les parcelles, ils sont autonomes », met en avant le producteur, qui fait aussi appel à de la prestation quand les finances le permettent. Sur les ferrures, les rendez-vous étant réguliers, il a de la visibilité à moyen terme sur son planning.

"Au début je faisais mon vin mais j'ai arrêté avec le manque de temps et la lourdeur administrative"

Reste des pics d'activité à gérer. « Il y a les foins, mais avec le bon matériel de la Cuma et une bonne organisation ça va », observe Boris Dumas. L'autre période chargée, ce sont les traitements et relevages de la vigne. « Après, je suis enherbé à 100%, donc j'ai moins de vigueur, moins de feuillage, et donc moins de maladie, et je gagne du temps sur les rognages », ajoute le viticulteur. Quand des parcelles sont replantées, il installe des vignes larges, pour simplifier le travail. Les vendanges sont manuelles, et le raisin vinifié en cave coopérative. « Au début je faisais mon vin mais j'ai arrêté avec le manque de temps et la lourdeur administrative », justifie Boris Dumas. Les céréales servent à nourrir les chevaux et l'excédent est vendu, en général à d'autres producteurs pour de l'alimentation animale.

Deux installations concomitantes

Ses deux activités ont été lancées en même temps, en 2009. « Ma passion première, ce sont les chevaux », confie Boris Dumas. Après des études de maréchalerie et un an de salariat, il s'installe à son compte, et débute son activité de viticulteur en récupérant une parcelle en fermage. « Je ne voulais pas faire que maréchal ferrant, pour avoir une porte de sortie en cas de problème de santé. C'est plus facile de trouver quelqu'un pour tailler que pour ferrer », justifie le double actif, pour qui la maréchalerie, avec son revenu régulier, a aussi servi de base pour construire l'exploitation. Aujourd'hui, outre sa clientèle de propriétaires d'équidés, il travaille pour l'école vétérinaire de Marcy l'Etoile (Rhône). « C'est super car j'aime apprendre », raconte le maréchal-ferrant.

"Tout se complète"

A la vigne, son grand-père et son oncle étant viticulteurs, il travaillait plus jeune dans les parcelles, et s'est formé au fur et à mesure. « Et je continue de le faire ! », appuie Boris Dumas. Chaque année, il assiste à un congrès de maréchalerie, et suit des formations avec la chambre d'agriculture, la dernière en date portant sur les couverts en grandes cultures. « Le sujet rejoint la viticulture, estime le producteur. Je les ai testés dans mes vignes. Certains ont marché, d'autres non ». Il teste aussi les purins d'ortie appliqués sur vigne et sur céréales. « Pour l'instant je n'ai pas vu d'effet, mais je vais réessayer ». Et pour boucler la boucle, la cornaille des sabots des chevaux ferrés ou parés est broyée et apportée sur les cultures. « Tout se complète », pose le double actif, qui apprécie la diversité de son quotidien. « En tant que maréchal, si j'ai un souci relationnel par exemple, je peux me détendre en plantant des piquets à la masse, rigole Boris Dumas. Une céréale, elle ne va pas dire qu'elle n'est pas d'accord ! Mais j'aime aussi voir du monde ».

Si la situation est à l'équilibre, son seul regret est de ne pas être plus disponible pour ses enfants. « Mon objectif, d'ici dix ans, c'est d'avoir 100% de vignes larges, avec des jeunes vignes donc plus productives, et des terrains enrichis donc plus productifs. Avec peut-être un peu moins de maréchalerie. C'est un souhait et je ferais en sorte qu'il se réalise. La vie de famille, c'est la partie la plus importante ».

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Objectif : 10 hectares par culture pour optimiser les traitements