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Pourquoi les brasseries locales misent-elles sur le houblon français ?
Emblème de la culture alsacienne, le houblon sort de sa région. Il connait un certain succès auprès des microbrasseries en quête d'une production 100 % locale. Cette filière en plein essor offre de nouvelles perspectives aux brasseries artisanales françaises qui souhaitent aussi ne plus dépendre du houblon étranger.
Cascade, Fuggle, Willamette, Chinook, Styrian golding, Centennial... Ils ne sont pas encore aussi connus que les cépages des vins, et pourtant, les houblons, dont il existe plus de 200 variétés cultivées à travers le monde, sont tout aussi importants : ce sont eux, et leurs alliances entre eux, qui sont responsables d'une grande partie du goût et de la typicité des bières.
Avec 33 litres par an et par habitant, la France est une petite joueuse par rapport aux champions européens : les Tchèques avec 184 litres par habitant et par an. Cependant, elle compte le plus grand nombre de brasseries locales en Europe. Depuis 10 ans, leur nombre a explosé, passant de 500 en 2013 à environ 2500 aujourd'hui, aux côtés d'une centaine d'acteurs de plus grande taille, brasseries moyennes ou industrielles (1). Même si la dynamique de création exponentielle de ces établissements s'est arrêtée brutalement en 2023, sous le coup de l'explosion du prix des matières premières et de l'énergie, ces brasseries artisanales ou locales constituent encore aujourd'hui une part importante du paysage brassicole de la France.
Une brasserie qui veut produire « son houblon »
À La Chapelle Basse-Mer (44), à une vingtaine de kilomètres à l'est de Nantes, la Brasserie artisanale de la Divatte, créée en 2001, est l'une des pionnières parmi les brasseries locales. C'est aussi l'une des premières qui s'est lancée, il y a 5 ans, dans la production de son propre houblon.
"L'idée d'Antoine Bouyer, le directeur de la brasserie, est d'assurer en partie son indépendance vis-à-vis de certaines variétés de houblons, qui se retrouvent parfois en rupture de stock, surtout en houblon biologique", confie Lucien Bonnot, salarié de la brasserie et responsable de la houblonnière depuis sa création. "Pour un brasseur, produire du houblon, ça a du sens. Il ne s'agit pas d'ouvrir un sac de houblon, sans savoir d'où il vient, ni comment il a été produit. Cela crée un lien avec son territoire".
« Une houblonnière, coûte entre 8000 et 10 000 euros par hectare », décrit Lucien, qui a monté sa première parcelle de culture en 2019. Il s’agit bien de « monter » une houblonnière, avec des poteaux de 5 m de haut, disposés tous les 9 mètres, des câbles et des fils à leurs sommets formant un quadrillage, et des ficelles de coco redescendant à terre : le houblon est une liane qui grimpe le long des structures. D'avril à juin, la plante pousse de plusieurs mètres (6 à 10 m) et quand elle est au maximum de sa hauteur, elle développe des branches latérales, sur lesquelles se situent les fleurs, les cônes de houblon. La récolte intervient à la fin de l’été.
Comme celui de la Brasserie de la Divatte, quelques projets de culture de houblons se sont lancés ces dernières années, pour tenter de répondre à la forte demande de houblons de la part des brasseries locales. Territoire riche en microbrasseries, puisqu’on en recense 333 dans les deux régions Bretagne-Pays de la Loire, l’Ouest a vu émerger plusieurs projets de création de houblonnières.
Répondre à une forte demande locale
Informé de ces projets, Guillaume Calvignac, conseiller en agronomie de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, a eu l’idée de les fédérer en association dès 2019. « Houblons de l’Ouest » et a même obtenu, en 2020 et pour trois années, la labellisation GIEE (Groupement d’intérêt économique et environnemental) de la part du ministère de l’Agriculture. « Ce label nous permet d’obtenir du financement pour des temps d’animation et de recherche et pour un peu de matériel », décrit le conseiller. « Cela nous permet de ne pas rester seuls, chacun dans notre coin », ajoute Lucien.
Première association de ce type, Houblons de l’Ouest a même servi de modèle à d’autres associations régionales qui se sont constituées par la suite, comme Houblon Nouvelle Aquitaine, l’Aphara (Auvergne-Rhône Alpes), ou encore Houblon de Provence. Démarrée avec 5 houblonniers, Houblons de l’Ouest compte désormais 11 membres (bientôt 12) et elle vient de déposer une nouvelle demande de labellisation GIEE les trois années suivantes.
Recueil de références sur les itinéraires techniques (variétés les plus adaptées, travail du sol, enherbement, protection contre le mildiou…), calcul des coûts de production, rapprochement avec les brasseurs, définition d’un cahier des charges correspondant aux besoins du marché, conseils aux nouveaux producteurs qui veulent se lancer, achat de matériel en commun pour faciliter la commercialisation… les projets ne manquent pas, en effet, pour faire émerger une filière locale, solide et durable.
(1) Toutes les données sur la bière de cet article sont issues du « projet amertume », site animé par le biérologue Emmanuel Gillard.