Nouveaux débouchés (2/4) : le houblon bio prépare sa mise en bière

Ne nous méprenons pas : c’est bien à la naissance (ou à la renaissance du houblon) que s’attèle la start-up Hopen Terre de houblon, pressée par la demande des brasseries artisanales. Ses deux jeunes fondatrices pilotent la création d’une filière dédiée, de la production de plants jusqu’à la mise en marché. Et lancent un appel aux producteurs, avec une valeur ajoutée promise à ne pas s’émousser...

Alors que les brasseries artisanales poussent comme des champignons, la France peine à satisfaire la demande en houblon. Et pourtant, sous nos latitudes, le houblon est parfaitement inféodé et peut croître de 10 cm par jour en pleine période végétative, c’est à dire de mai à juillet. La meilleure preuve en est donnée par l’Alsace, berceau historique de la production nationale et qui concentre encore aujourd’hui 95% de la production, avec une sole d’environ 500 hectares.

Problème ? « Le houblon cultivé en Alsace approvisionne principalement le marché export et sert les grands industriels », explique Lucie Le Bouteiller, co-fondatrice avec Fanny Madrid de la start-up Hopen Terre de houblon. « L’offre de houblon français ne correspond pas aux attentes des brasseries artisanales, en terme d’arôme et d’amertume. Notre objectif est de faire émerger une filière locale et bio, car 70% des porteurs de projets de micro-brasseries sont orientés en bio ».

R. Lecocq
La récolte réclame une machine spécifique, qui peut être gérée en Cuma

Un partenariat public-privé

Basée à Bordeaux (Gironde), Hopen a choisi le Sud-Ouest comme terre d’élection et plus précisément le Lot-et-Garonne. Le lycée agricole de Sainte-Livrade-sur-Lot, s’est en effet jeté à l’eau (en attendant la bière), en implantant une parcelle expérimentale d’un hectare.

« Ce n’est pas forcément celle qui vient naturellement à l’esprit mais c’est l’une de nos missions que de participer à l’expérimentation de nouvelles techniques et de nouvelles filières agricoles », précise André Chanfreau, le directeur de l’établissement. En bout de chaine, la puissance publique est également de la partie avec l’Agropole d’Agen, dont le centre de ressources technologiques Agrotec permet de tester tous les process possibles et imaginables à finalité agroalimentaire.

Entre les deux, il faut bien quelques initiatives privées. Et en matière de houblon, c’est Hopen Terre de houblon qui s’attèle à la tâche (avec la contribution de la Chambre d’agriculture). Non sans réussite. En à peine trois ans, la start-up et ses partenaires ont réussi à défricher l’ensemble de l’itinéraire technique, du choix variétal au processus de séchage en passant par la récolte et la séparation post-récolte des cônes de houblon des lianes qui les portent.

R. Lecocq
Le lycée agricole de Sainte-Livrade-sur-Lot s'est engagé dans le projet, en implantant une parcelle expérimentale d’un hectare

« Paysan brasseur »

Hopen a aussi bénéficié d’un financement Feader porté par la région Nouvelle-Aquitaine. 2020 est pour la start-up l’année du changement d’échelle avec le ralliement de plusieurs néo-houblonniers et l’entrée en production d’une dizaine d’hectares.

Pour le plus grand bonheur d’Henri Michez. Lui n’est pas houblonnier mais « paysan brasseur », à la Croix-Blanche (Lot-et-Garonne) où il a créé il y a quelques années la Brasserie des cèdres. « Sur mon exploitation, je cultive l’orge nécessaire à ma production », explique le jeune brasseur. « J’ai bien implanté une ligne de houblon pour donner à voir à mes clients un aperçu de la culture mais je ne peux pas tout faire. Le partenariat avec Hopen correspond totalement à mes attentes en terme de qualité, de proximité et de prix. Le houblon local s’inscrit complètement dans ma démarche, consistant à faire produire le malt dans la région et à écouler ma production essentiellement sur le département du Lot-et-Garonne ».

R. Lecocq
Henri Michez, "paysan brasseur"de la Brasserie des cèdres

La Brasserie des cèdres va produire cette année 18 000 litres de bière, qu’elle écoule sans peine à la ferme, dans les restaurants, les bars à vin, un magasin de producteur, des épiceries axées sur les produits locaux ou encore sur les marchés, avec fourgonnette et tireuse embarquée. « En quatre années d’existence, j’ai consacré trois jours à la prospection commerciale », déclare Henri Michez.

Une marge nette supérieure à 10 000 €/ha

De quoi stimuler, en amont, la production locale de houblon, même si cette effervescence de micro-brasseries (il en pousse une par jour au fond d’un garage) pose la question de l’effet de mode. « Il se passe en France le même phénomène qu’aux Etats-Unis il y a 20 ans », rassure Lucie Le Bouteiller. « Là-bas, le marché des brasseries artisanales s’octroie 12 % du marché contre 6 à 7 % en France ».

Avec en moyenne 4 à 5 g/l de bière, les brasseries artisanales intègrent quatre à cinq fois plus de houblon que les brasseries industrielles. La jeune entrepreneuse reconnait toute de même que certaines d’entre elles peinent à trouver leur équilibre économique. Ce qui ne sera pas le cas des néo-houblonniers. Hopen estime que la production de houblon peut dégager une marge nette comprise entre 10 000 et 12 000 euros/ha, moyennant un investissement de départ de 30 000 à 40 000 €/ha, avec une pérennité de vingt ans.

Le houblon bio se négocie entre 25 € et 35 € le kilo, à raison d’une production moyenne de 1500 kg/ha. Il faut compter 350 heures de travail annuelles par ha. La pré-existence de séchoirs à prunes ou à noisettes peut permettre de limiter la mise de fond.

R. Lecocq
Les cônes de houblon sont séparés des lianes avant d'êtres séchés

Hopen escompte implanter 100 ha de houblon d’ici à 2025 répartis entre une trentaine de producteurs du grand Sud-Ouest. Des débouchés en phytothérapie sont aussi explorés. Dernière gorgée : Hopen garantit la transparence totale dans l’élaboration de ses contrats et la définition des prix du houblon, qu’elle n’achète ni ne revend mais sur lequel elle prélève une commission.

>> Retrouvez les autres articles de notre série « Nouveaux débouchés » :

Nouveaux débouchés (1/4) : la stévia bio édulcore les menus, pas les revenus

Nouveaux débouchés (2/4) : le houblon bio prépare sa mise en bière

Nouveaux débouchés (3/4) : le tabac n’a pas tiré sa dernière cartouche

Nouveaux débouchés (4/4) : le soja bio, à la croisée de la transition agricole et alimentaire