Téléchargez la nouvelle application Pleinchamp !

Quand les éleveurs s’unissent face au vol d'ovins

Depuis de nombreuses années, les éleveurs ovins de Loire-Atlantique constatent, impuissants ou presque, des vols de brebis aux champs ou dans les bâtiments. Ils ont créé un collectif il y a 10 ans, dont le travail en lien avec la gendarmerie, notamment via un fil WhatsApp, semble porter ses fruits.

« Ça peut être deux ou trois animaux qui disparaissent, mais aussi parfois jusqu’à 15 ou 20 ovins. Il y a 10 ans, quand nous avons créé le collectif « Eleveurs pillés », nous avons recensé 450 ovins volés dans le département », chiffre Fulbert Frémont, membre du collectif, à l’occasion de la journée Innov’Action Ovin organisée par la chambre d’agriculture le 25 septembre dernier. Un phénomène très localisé semble aujourd'hui s’étendre à la Vendée et au Maine-et-Loire. « Je me suis installé en 2024. Dès la première année, je me suis fait voler 10 brebis et 40 agneaux. Si le phénomène perdure, la question de continuer mon activité se posera forcément », déplore une jeune éleveuse installée dans le Maine-et-Loire et présente à la journée Innov’Action. Le colonel Coirier, chef des opérations de la gendarmerie en Loire-Atlantique, reconnaît le caractère très spécifique de cette délinquance. « J’ai servi en Savoie, où les éleveurs d’ovins sont nombreux également. Il y avait peu ou pas de vol », témoigne-t-il.

Le colonel Coirier est venu apporter son soutien aux éleveurs (© TD)

Des conséquences multiples

Pour les éleveurs, ces vols représentent plus que la simple perte d’un animal. « Les assurances remboursent les animaux disparus, mais pas la perte de productivité en cas de brebis volées », regrette Fulbert Fremont. D’autant plus qu’une franchise de 450 à 500 euros par vol ne pousse pas les éleveurs à déclarer lorsque seul un ou deux animaux sont manquants.

En parallèle, comme lors d'une prédation animale, le stress généré sur l’ensemble du troupeau a des conséquences sur la productivité des animaux restants. « Sur un lot de brebis qui a été touché par un vol, nous sommes passés de 90% à 50% de fertilité », déplore l’éleveur ligérien.

Autre conséquence, les éleveurs touchés par les vols n’osent plus utiliser les prairies proches des grands axes routiers et facilement accessibles aux voleurs pour le pâturage. « J’éloigne mes animaux des routes pour qu’ils soient le moins visibles possible. Mais cela diminue ma surface pâturable et je dois rentrer les agneaux durant l’été. Ça génère un surcoût sur l’alimentation », constate l’éleveuse du Maine-et-Loire. Sur le plan psychologique, elle vit également assez mal ces vols. « Je suis très attachée à mes animaux et à leur bien-être. Je préfère ne pas imaginer ce qu’ils deviennent après le vol », souffle-t-elle.

Les éleveurs éloignent les animaux des axes routiers pour les rendre moins visibles (© TD)

Des chiffres en recul

Malgré ce contexte général morose, les chiffres montrent depuis 2021 un recul des vols en Loire-Atlantique grâce à la formation du collectif d’éleveurs et au travail en partenariat avec la gendarmerie. « À l’approche des fêtes de Pâques, nous envoyons la géolocalisation des parcelles de pâturage à la gendarmerie qui peut organiser des rondes. Le simple passage de voiture peut suffire à décourager les voleurs », constate Fulbert Frémont.

Fulbert Frémont est venu présenter le collectif « Eleveurs pillés » (© TD)

Un groupe WhatsApp réunissant gendarmes et éleveurs permet de réunir ces informations de localisation et de signaler tous comportements suspects dans les campagnes. Selon les chiffres du Colonel Coirier, sur les 8 premiers mois de l’année 2025, seuls 28 vols d’ovins ont été signalés contre 51 à la même période en 2025. Le chef de la gendarmerie en Loire-Atlantique insiste sur l’importance de porter plainte à chaque vol afin que les forces de l’ordre puissent travailler avec les chiffres les plus à jour possibles. « Ce qui nous importe, c’est - où et quand - afin de pouvoir cibler la prévention », insiste-t-il.

Pour faciliter la démarche, une unité de gendarmerie mobile du département se déplace dans les exploitations pour prendre les plaintes et éviter à l’éleveur de se déplacer. « Malheureusement, dans le Maine-et-Loire, la gendarmerie n’a pas autant de moyens pour accompagner les éleveurs », regrette la productrice du département voisin.

Signaler tout comportement suspect

Lors de l’intervention de la gendarmerie durant la journée Innov’Action, l’adjugent chef Pannelier, responsable de la cellule de prévention technique de la malveillance en Loire-Atlantique, a insisté sur l’importance de remonter auprès des forces de l’ordre des faits inhabituels. « Un soir, un éleveur a entendu une voiture embourbée, il pensait que c'étaient des jeunes qui s’étaient mis au fossé en rentrant de soirée. En réalité, il a compris le lendemain qu’il s’agissait de voleurs d’ovins qui sortaient la voiture du champ », illustre-t-il. Le gendarme explique qu’une simple citadine peut permettre de charger deux à trois moutons. 

"Je signale l’emplacement des animaux aux gendarmes"

Depuis les vols constatés en 2024, l’éleveuse récemment installée dans le Maine-et-Loire indique faire des rondes en fin de journée à proximité des pâtures. « Je signale l’emplacement des animaux aux gendarmes et les voisins sont très vigilants », témoigne-t-elle.

Parmi les détails à signaler à la gendarmerie, l’adjugent chef Pannelier évoque les plaques d'immatriculation de voitures qui semblent perdues ou des objets suspects positionnés à proximité des pâtures, tels que des paquets de cigarettes, et qui peuvent représenter des indications pour de futurs vols. « Une caméra en Wi-Fi positionnée sur un chemin arrière peut être une bonne solution de prévention, tout comme une alarme que l’on peut activer à distance pour faire fuir les voleurs », décrit-il. Fulbert Fremont remonte lui un essai d’intégration d’un chien de protection dans un troupeau. « Mais les voleurs se sont attaqués au lot voisin et le chien n’a rien fait », constate-t-il. S’il y a bien un point sur lequel gendarmes et éleveur se rejoignent, c’est qu’il n’y rien de plus difficile à sécuriser face au vol qu’une pâture.