Raisonnement de la fertilisation azotée des prairies

La fertilisation des prairies ne doit pas être systématique. La fertilisation doit se raisonner à l'échelle de la parcelle en tenant compte de l'objectif de production mais également de la fourniture en azote du sol, de la proportion de légumineuses et des apports du pâturage.

Définir un objectif de rendement raisonnable

Pour calculer les besoins de fertilisation, on utilise la méthode des bilans appliquée aux prairies (méthode référencée dans l’arrêté Directive nitrates). L’objectif de rendement et le mode d’exploitation de la prairie déterminent le niveau des exportations (plus l’herbe est exploitée à un stade jeune, plus elle exporte d’azote), de 15 kg N/t MS exportée pour un foin tardif à 30 kg N/ t MS pâturée. Pour déterminer cet objectif de rendement, vous pouvez utiliser la grille ci-dessous. Pour être plus précis, il est nécessaire de calculer le rendement en herbe valorisé à l’échelle des parcelles (méthode du bilan fourrager ou valorisation des calendriers de pâturage).

Quelle quantité d’azote dois-je apporter ?

La fourniture en azote du sol dépend de la nature du sol (profondeur et engorgement) et du mode d’exploitation. Ainsi, les arrière-effets du pâturage combinés à ceux de la fertilisation organique vont diminuer les besoins de fertilisation de la prairie. Le principe du « plus il y a de rendement, plus je dois fertiliser » conduit souvent à sur-fertiliser les prairies à fort potentiel (fournitures du sol élevées) et à sous-fertiliser les prairies avec un niveau de production plus faible. Les légumineuses, en particulier le trèfle blanc moteur azoté de la prairie, diminuent également les besoins de fertilisation. Au-delà de 30 % de trèfle blanc dans la prairie au printemps, elles suffisent en général à la nutrition azotée du mélange prairial.

Exemple : calcul des besoins pour une prairie pâturée (RGA + 25 % TB), potentiel élevé (8 t MS) avec des apports organiques forts par le pâturage par les vaches laitières.

*Coefficient apparent d’utilisation = 0,7 ; sur prairie, l’intégralité de l’azote apporté n’est pas valorisé directement par les plantes. Sur de jeunes prairies implantées en 2021, les apports d’azote sont déconseillés la 1ère année d’exploitation, pour ne pas pénaliser l’installation des légumineuses.

Pourquoi azoter les prairies ?

Comme rappelé ci-dessus, le calcul du bilan (entrée sortie) permet d’ajuster les apports d’azote. Cependant, le poste fourniture d’azote du sol est souvent sous-évalué, voire négligé. Cette année 2022 est, comme fréquemment depuis une dizaine années, riche en azote présent dans les parcelles grâce à la minéralisation automnale, post automnale et même hivernale pour les prairies implantées. En effet, les résultats des reliquats entrée hiver sont importants (Ferme expérimentale de Derval, 20 novembre 2021) et sont compris entre 45 et 100 unités d’azote disponibles sous prairies liés au faible lessivage hivernal. (Une série de collecte des reliquats sorties hiver sont en cours, nous permettant d’évaluer l’azote lessivé avec les précipitations).

Synthèse météo janvier 2022 Nantes – les 200 % jours sont atteints en Loire Atlantique – les précipitations cumulées sont faibles (inférieures à la moyenne) – un jour de gel (hors gelées matinales) – température du sol : aujourd’hui proche de 10° actant la minéralisation sortie hiver. La moyenne mesurée des reliquats entrée hiver est de 80 unités (NH4+, NO3-) sur des parcelles RGA TB et RGA TB fétuque, avec des écarts compris entre 40 et 150 unités N liés, en partie, aux apports de fertilisants organiques d’automne, et à la profondeur de sol exploitable par les racines ainsi que, bien évidemment, la sensibilité du sol au lessivage.

Ce premier constat objectif, permet de mettre en évidence que, quel que soit le mode d’utilisation des prairies (pâture, fauche), les reliquats permettent de réaliser une impasse sur le premier apport. Pourquoi des reliquats élevés. L’année climatique 2021 a permis d’optimiser le fonctionnement du sol… expliquant ces valeurs de reliquats entrée hiver élevées. Compte-tenu des précipitations modérées (voire faibles) de l’hiver, on peut penser que le lessivage sous prairie a été faible et que cet azote reste disponible pour le redémarrage des prairies.

Quels indicateurs visuels ?

L’activité biologique des sols : on mesure une bonne activité biologique avec les vers de terre (nombre de turricules par m²). En ce début d’année 2022, on constate une activité lombricienne jusqu’au 15 janvier, ce qui provoque une aération du sol, une remontée des éléments minéraux en surface (digestion de la matière organique dans le tube digestif des lombrics anéciques en particulier).

Couleur de l’herbe : la couleur est l’expression visuelle de la bonne nutrition de la plante. Le vert foncé est plutôt la règle des parcelles ce début d’année (hors parcelles dont le fonctionnement biologique est limitant, faible taux de matière organique, hydromorphie, tassement compaction, indice calcique bas ….). Exploration racinaire : plus le mât racinaire est dense, dans la motte de terre soulevée et avec un profil d’exploration intense en profondeur, plus la plante est en état de mobiliser les ressources et moins elle aura besoin de substitut en apport d’intrants.

Mais peut-on fertiliser avec un apport minéral et pourquoi ?

Des essais (Derval 2017) ont montré que la recherche de rendement et donc de la MAT supplémentaire produite pouvait avoir un intérêt avec un apport précoce et une unité N < 1 € ; (augmentation légère du rendement 0.3 TMS/ha sur une production de printemps).

Dans le contexte d’aujourd’hui, il n’est pas opportun, économiquement, d’apporter de l’azote minéral et ce, quelle que soit sa forme.

Quelles prairies fertiliser en priorité ?

Les parcelles avec une faible activité biologique (identifier les causes), avec essentiellement des exportations par la fauche, peu de retours de matière organique et un faible taux de légumineuses. A contrario, dans les parcelles saines, qui vivent bien, avec des légumineuses (trèfles, lotier, luzerne), il n’est pas opportun d’apporter de l’azote minéral, favorisant les graminées au détriment des légumineuses (concurrence).