Réduire la consommation énergétique des serres : des essais prometteurs en tomates et concombres

Dans un contexte d’effort collectif pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les producteurs de tomates et de concombres sous serres chauffées ont un enjeu fort sur l’adaptation de leurs pratiques pour réduire la consommation énergétique des installations. La recherche appliquée en fruits et légumes travaille d’arrache-pied sur le sujet, avec à la clé des résultats significatifs.

Impliqué depuis trois ans dans des essais de réduction de la consommation énergétique des serres chauffées de tomate et concombre, le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTFIL) de Carquefou, en Loire-Atlantique, en présentait les résultats lors d’une journée ouverte au public le 17 juin dernier. Avec une réduction de la consommation énergétique autour de 30% lors des trois années d’essais pour les deux cultures, les chercheurs ont mis en évidence plusieurs leviers permettant d’optimiser le chauffage tout en préservant un rendement acceptable.

Limiter la baisse du rendement

En 2025, sur concombre, avec la variété Top Secret qui a montré les meilleurs résultats, le rendement s’établit à 26,1 kg/m² contre 27 kg/m² pour le témoin. Les résultats chiffrent également une diminution du nombre fruits produits, mais avec des calibres plus gros. En chiffre d'affaires brut, cela représente un différentiel de 2,9 €/m² pour cette même variété. « Avec une réduction de la consommation d’énergie de 15% au lieu de 30%, il est possible qu’il n’y ait pas d’effet sur le rendement », souligne Landry Rossdeutch, ingénieur CTIFL en charge de ces essais.

Si les leviers actionnés pour réduire la consommation énergétique sont différents, les résultats obtenus sont relativement équivalents en tomate. Le système économe a permis de réduire la consommation de 38% en 2025 par rapport au témoin. Dans le même temps, le rendement est passé de 21,2 kg/m² dans la modalité témoin à 20,4 kg/m² en serre économe. Des essais en serre semi-fermée menés en parallèle ont permis d’obtenir un rendement de 19,7 kg/m² avec une consommation énergétique en recul de 28,3% par rapport au témoin.

Chauffage, variétés, déshumidification : des leviers multiples

Pour réussir à atteindre cette économie d’énergie tout en préservant un rendement cohérent, les essais du CTIFL ont identifié diverses méthodes d’adaptation. La réduction de la consigne de chauffage, notamment à 15,5°C la nuit, est évidemment en tête de liste. En concombre, en moyenne, la température sur 24 heures dans la serre économe était inférieure de 1°C à celle de la serre témoin. Pour optimiser les économies d’énergie, la conduite est réalisée sans pic de chauffage le jour, avec une absence de mini de chauffage et une utilisation minimale des chauffages forcas, en privilégiant les chauffages rail plus efficaces.

En tomate, la différence de température est également chiffrée entre 0,5°C et 1°C en moyenne sur 24 heures pour la serre économe. Pour cette production, à l’inverse du concombre, c’est le chauffage forcas qui a été privilégié. « En 2025, nous avons enclenché la conduite économe de manière plus tardive pour éviter les pertes de rendement précoces », évoque Adrien Mimault, en charge des essais pour la tomate. Le chauffage pré-nuit a également été supprimé.

Adrien Mimault a présenté les résultats obtenus en serres chauffées de tomate (© TD)

Gérer le confinement des serres

Pour éviter de perdre trop de chaleur la nuit, le CTIFL a testé le confinement des serres à l’aide de panneaux-écran durant les heures de nuit sans rayonnement. Si cette pratique permet de conserver la chaleur dans la serre, elle pose par ailleurs la question de la déshydratation hydrique des serres, qui, réalisée de manière insuffisante du fait de cette barrière physique, pourrait générer des problèmes sanitaires sur la culture. « Si nous laissons des espaces entre les panneaux la nuit pour évacuer l’humidité, cela crée des descentes d’air froid sur les cultures situées en dessous », témoigne Adrien Mimault. Le choix a donc été fait de laisser les panneaux-écran fermés au maximum en comptant sur la porosité des fibres en polyester qui les composent pour permettre le passage de l’humidité vers le haut de la serre. « Ensuite, c’est une pratique inhabituelle, mais nous ouvrons les aérations de la serre côté vent et côté abrité », retrace l’ingénieur CTIFL.

Durant la nuit, les serres sont confinées à l’aide d’écran en polyester (© TD)

Des serres plus économes grâce à l’IA ?

Dans le cadre du projet « Sobriété énergétique des serres » (SES) financé par des fonds publics et dont le CTIFL est un partenaire, l’entreprise Cybeletec a présenté l’avenir des serres économes en énergie. À partir d’une connaissance approfondie des plantes, en grandes cultures ou sous serres, cette entreprise construit des modèles mathématiques autour de leur développement. Dans le cadre du projet SES en particulier, l’objectif est de réduire de 30 à 50 % la consommation énergétique des serres chauffées sans impacter la performance agronomique. Pour ce faire, les modèles élaborés devront pouvoir prévoir à l’aide de sondes et d’OAD les conditions climatiques que rencontrera la serre dans les deux prochaines heures et adapter les différents réglages de l’installation en fonction pour optimiser la consommation énergétique. Concrètement, cela représente une automatisation et une prise en main par l'intelligence artificielle de tous les réglages de la serre.

Si ce résultat est attendu pour 2029, les producteurs qui s’inscriront dans la démarche devraient pouvoir accéder dès 2026 à un tableau de bord leur résumant en temps réel le coût économique de chaque décision prise dans le but de réduire la consommation énergétique.

Des travaux sur abri froid

Si le centre CTIFL de Carquefou axe principalement ses recherches sur les serres chauffées, des essais ont également débuté sous abri-froid. « Les serres chauffées, ce sont 1200 hectares en France et les abris-froids 10 000 hectares. L’enjeu du CTIFL est de transmettre les connaissances à l’ensemble de la filière », résume Landry Rossdeutch. Cette année, il teste l’utilisation d’un déshumidificateur thermodynamique à fonctionnement électrique dans un abri-froid. L’objectif de cet outil est de pouvoir confiner la serre en fin de journée afin de conserver la chaleur de la journée pour augmenter la vitesse de floraison, tout en évitant les problèmes sanitaires liés à une humidité excessive. Le double bénéfice, c’est la hausse de température de 1°C engendré par le fonctionnement du déshumidificateur. 

Après cette première année d’essai, le bilan économique a abouti à un coût énergétique de 30 cts/m² pour 272 heures de fonctionnement du déshumidificateur, ainsi qu'à un investissement initial de 13 000 euros. « L’outil est peut-être surdimensionné pour la surface », concède le chercheur.

Landry Rossdeutch présente les essais sous abri-froid (© TD)